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LA LECTURE-PLAISIR

Une innovation majeure pour l'école algérienne

Nouria Benghebrit, ministre de l'Education nationale: «La promotion de la lecture/plaisir en milieu scolaire contribue à la renaissance de l'école algérienne.»

Le jour J est enfin arrivé pour la centaine d'enseignantes et enseignants engagés dans le passionnant projet de la lecture/plaisir en milieu scolaire. De quoi s'agit-il au juste? Deux points sont à préciser au préalable: clarifier le concept de lecture/plaisir et fixer ses objectifs. Quant au jour J, il s'agit de la rencontre qui s'est déroulée à Laghouat ce dimanche 10 juillet en présence de la ministre de l'Education nationale. A l'ordre du jour: l'évaluation finale de l'opération pilote dont cette charmante ville a été l'hôte pendant la période allant de novembre 2015 à juin 2016.

Plaisir de lire
Il est admis chez tous les pédagogues que la lecture en tant qu'apprentissage scolaire chez l'enfant du primaire ne saurait être efficace sans son pendant naturel: la lecture/plaisir librement adoptée par l'élève en dehors de la classe. Le livre est ici abordé dans son contexte extrascolaire: livre de contes, histoires, légendes, poésie chantée ou récitée pour les premières années du primaire. Et pour le collège et le lycée: la poésie, la nouvelle, le roman. Nous sommes loin du texte pédagogique de lecture inscrit au programme et utilisé en classe pour apprendre une notion de grammaire, par exemple. Dans cette optique, la lecture/plaisir (roman, nouvelle, conte, poésie) diffère de la lecture utile qui, elle, sert à prolonger les apprentissages dans telle ou telle discipline. Nous avons comme lecture utile - quand ils sont de bonne qualité, voire homologués- les encyclopédies, les livres parascolaires, les livres sur l'histoire... Les deux types de lecture sont complémentaires. Mais la lecture/plaisir est de loin plus rentable sur le plan du développement de compétences diverses. En lisant un roman dont le titre ou la couverture l'a accroché, l'enfant travaille son imaginaire, ses émotions, sa sensibilité. Le temps de sa lecture, il pourra rêver, s'évader, éprouver de la peur, de la joie, de l'émerveillement, de la compassion. Autant de sensations et de sentiments qui participent au développement de sa personnalité. Dans la foulée, il consolide sa pratique de la langue, enrichit son potentiel lexical, apprend à mieux connaître les nuances de la langue, les subtilités de sa grammaire. En un mot, la lecture/plaisir renforce et approfondit l'apprentissage de la langue qu'il reçoit en classe. Par la même occasion, il élargit son horizon culturel. Par le biais de livres en langue étrangère, il découvre le monde d'autrui, ses us et coutumes. Mieux connaître l'Autre, sa langue, sa culture, pour l'apprécier, le respecter, accepter sa différence. De la sorte, avec ce regard croisé, l'individu est amené à respecter et promouvoir sa propre identité. Surtout que la lecture/plaisir, quand elle est bien gérée par les autorités scolaires, demeure une occasion unique pour l'élève, de découvrir les trésors de la littérature de son pays natal, ses hommes et ses femmes de lettres. Et pour ce qui est de l'Algérie, nos élèves sont privés du contact fructueux avec la littérature de leur pays (et des autres pays aussi) et ce, depuis plus de trois décennies environ. C'est afin de combler cette lacune, guérir cette plaie et réconcilier l'élève algérien avec la culture, au sens plein, que le ministère de l'Education nationale a décidé en 2015, de relancer le projet dit de «promotion de la lecture/plaisir en milieu scolaire», initié mais avorté en 2010.
A partir de novembre 2015, une opération - pilote est mise en place dans 12 établissements scolaires: huit écoles primaires, dont deux en zone déshéritée et trois collèges dans la wilaya de Laghouat et un collège à Ait Hichem dans la wilaya de Tizi Ouzou. Cette opération s'est déroulée en collaboration avec le ministère de la Culture qui a offert gratuitement, aux élèves, des cartes d'accès dans les bibliothèques communales et de wilayas. De même que les bibliothèques de ces établissements-pilotes ont bénéficié de lots de livres pour asseoir le dispositif opérationnel. Les autorités locales, notamment la direction de l'éducation de Laghouat, ont été partie prenante du projet. Elles ont équipé les établissements pilotes: d'une armoire/bibliothèque pour chaque salle de classes du primaire et d'un data-show pour chaque école pilote. Le data-show sert à lire un conte numérisé avec les élèves de préscolaire (5 ans) de 1° et 2° AP. Le conte numérique encourage l'enfant à lire le livre-papier à la maison. Il est connu que l'association de l'image en mouvement, de la parole et de l'écrit est un puissant stimulant pédagogique qui amène progressivement ces élèves à mieux apprendre à lire, comprendre le concept de syllabe, de mots et à dérouler sa pensée en fonction des phrases qui défilent sur le data-show.
La mise en oeuvre de l'expérimentation pédagogique s'est déclinée autour de trois activités: la minute/livre, la phrase du jour et le conte raconté («hajini» - «machahou») ou joué par les élèves sous forme de saynète. Les élèves ont lu un livre qu'ils ont emprunté à la bibliothèque de la classe (pour le primaire) ou à la bibliothèque du collège. Le lendemain, avant d'entamer la première leçon de la journée, l'enseignant consacre 10 minutes à la minute-livre et à la phrase du jour. Un élève passe au tableau, face à ses camarades, il raconte ce qu'il a lu, de façon décontractée. Un autre passera au tableau avec une demi-feuille où il a rédigé la phrase qui l'a touché, qui lui plaît, qu'il a trouvée intéressante. Il la lit en expliquant, s'il le faut, sa portée, sa signification. Les demi-feuilles sont mises en boîte et un tirage au sort est effectué pour décider de la phrase du jour. Elle sera écrite au tableau avec le nom de l'élève et y restera toute la journée. Ces activités sont réalisées à chaque cours de langue (arabe, tamazight, français, anglais). Ainsi c'est une moyenne de quatre à six élèves qui passent au tableau pour s'exprimer, s'affirmer et se motiver intérieurement. Il n'y a pas de notes ou de punition. Jamais un mot déplacé de la part de l'enseignante. Toujours des mots d'encouragement: bravo! Bien! C'est beau!....

L'évaluation de l'opération pilote
Pas moins de trois missions d'évaluation d'étape ont été initiées par le ministère tout au long de l'opération pilote: soit 50 classes visitées à chaque mission ainsi que toutes les bibliothèques scolaires. Un questionnaire d'évaluation a été remis aux enseignants et aux chefs des établissements pilotes. Il en ressort un engouement et une assiduité des élèves pour les activités de la lecture/plaisir, et pas seulement pour les trois activités classiques de début de chaque cours de langue. Le constat établi à travers des visites d'évaluation sur le terrain a été confirmé par les enseignants.
Lors de la journée d'évaluation finale, ce dimanche 10 juillet 2016, dans l'amphithéâtre de la bibliothèque Bachir el Ibrahimi de Laghouat, les participants ont assisté à un master class qui a vu défiler les élèves et leurs deux professeurs de langues arabe et française. Au menu, les trois activités de début de cours de langue: la minute-livre, la phrase du jour et le conte joué en saynète avec le décor et les costumes confectionnés avec la participation des élèves. Les participants ont été subjugués par les élèves: leurs performances, leur aisance langagière malgré le trac et la fraîcheur de leur spontanéité. Pour mieux apprécier, l'évaluation, il a été imposé aux enseignantes de ramener pour le master class uniquement les élèves en difficulté et les élèves moyens (moyens selon le critère arbitraire de l'institution scolaire). Une enseignante de français nous a même gratifiés d'une séance inédite de traduction didactique: un poème sur l'hygiène corporelle joué par des élèves de 4° année primaire: en français d'abord, puis traduit vers l'arabe par les élèves eux-mêmes. Une belle leçon d'interdisciplinarité et de collaboration entre les professeurs de langues!
Pour les gens sceptiques qui, en 2010, ont sabordé le projet lors de son lancement - un show purement protocolaire et fortement médiatisé à l'époque - il y a lieu de souligner l'apport inestimable des activités de la lecture/plaisir à la réalisation, en dehors de tout système de notation/sanction, des objectifs du programme officiel. Oui, la réalité est là confirmée par les élèves lors de ce master class de Laghouat. Grâce à la lecture/plaisir, l'élève développe ses compétences disciplinaires dans les langues enseignées: amélioration de son expression orale et écrite. Il approche de façon efficace la compréhension et la pratique de la typologie du texte littéraire: narratif, descriptif, argumentatif. Il développe aussi - et ô combien! -ses compétences transversales: prendre la parole en public, savoir écouter, analyser un ouvrage, le synthétiser, l'interpréter de façon critique et créative (dessins, saynètes......).
Toutefois, l'évaluation finale n'est pas tout à fait rose. Les points noirs constatés lors des visites des bibliothèques scolaires ont été confirmés par les enseignants et les directeurs. Ces espaces stratégiques (les bibliothèques) dans la vie scolaire des élèves algériens sont pauvres en ouvrages de lecture/plaisir. Très rare de trouver un roman, un recueil de nouvelles ou de poésie. Les auteurs algériens sont exclus des achats effectués chaque année, depuis l'avènement vers les années 1980/90, du discours inflationnel des charlatans culturels, d'où le rejet ou l'ignorance de la culture algérienne et universelle de la part de nos jeunes. Par contre, les étals de ces bibliothèques scolaires sont surchargés en livres de parascolaire frelatés souvent, en ouvrage religieux de contenus douteux voire dangereux, selon les dires d'un directeur de collège assurément bien averti de la chose. Des propositions ont été soumises à Madame la ministre. Elle a réitéré son engagement à réhabiliter la littérature algérienne au sein de l'école. Un engagement déjà affirmé conjointement avec son homologue de la Culture, Monsieur Azzedine Mihoubi. Des mesures pratiques, allant dans ce sens, seront prises dès la rentrée de septembre 2016.
Comme hors-d'oeuvre à ce riche menu que nous propose la lecture/plaisir, la ministre a confirmé l'officialisation à travers toutes les écoles du pays, des trois activités: la minute-livre, la phrase du jour et «hajini»/«machahou» (conte raconté ou joué). De quoi satisfaire les amoureux de la littérature, les parents et les élèves algériens. Sans nul doute, et parole d'initiés, la lecture/plaisir demeurera une innovation majeure. Elle a émergé à partir de la matérialisation de l'une des recommandations de la Conférence nationale d'évaluation de la réforme de juillet 2015.

EVALUATION
- Début juin: remise d'un questionnaire d'évaluation aux enseignants et aux directeurs.

PROPOSITIONS
- Voir les témoignages et master class.

- Insérer officiellement les 10 et les 20 minutes (pour les 1° et 2°AP) des trois activités de la lecture/plaisir dans les emplois du temps des élèves tous cycles confondus. (Voir le guide méthodologique).

- Insérer les activités annexes de la lecture/plaisir dans un plan annuel d'activités culturelles en collaboration avec le ministère de la Culture et celui de la Jeunesse & des Sports (élaborer ce plan annuel avec les directives pédagogiques d'accompagnement).

- Doter chaque école primaire d'au moins 1 data show pour les contes numériques (arabe et tamazight pour 1° et 2°AP et en français pour les 3° et 4° AP). PRIORITE AUX REGIONS DESHERITEES.

- Doter chaque classe du primaire d'une armoire en guise de bibliothèque de la classe. PRIORITE AUX REGIONS DESHERITEES.

- Revoir le fonctionnement et l'organisation des bibliothèques des collèges et lycées et ce en vue d'un espace de lecture (et prêts) et d'information et de documentation (l'EID).

- Former les enseignants et les adjoints de l'éducation aux techniques d'animation culturelle (voir les ministères de la Culture et de la Jeunesse & des Sports).

- Officialiser la semaine culturelle de l'école de fin d'année avec des étapes trimestrielles (la journée culturelle de fin de trimestre).

- Encourager le jumelage entre établissements (intra et inter-wilayas) par le biais de la correspondance interscolaire.

- Voir avec l'Enag et l'Onps la possibilité de la création d'un groupe économique à vocation culturelle pour alimenter les bibliothèques scolaires, en y associant le ministère des Affaires religieuses pour valider les textes parascolaires religieux.

- Coupler les anthologies scolaires avec les activités de la LECTURE/PLAISIR.

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