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La littérature jetable

Notre université ne joue pas son rôle de régulateur moral et philosophique de la vie littéraire

Il y a des textes littéraires qui s'éternisent et d'autres qui disparaissent si vite que des bulles de savon. Il y a des romans qui ont deux siècles et qui n'ont pas une ride. Ils demeurent jeunes, attrayants et tentants. Ils traversent les époques littéraires et les générations des lecteurs en force et en jubilation.
La belle littérature ressemble au bon vin. Au fur et à mesure que le vin prend de l'âge, se bonifie, il devient apprécié, recherché et cher.
Si le bon vin est élevé dans des amphores spéciales de bois noble ou d'argile précieuse sous le regard bien éveillé des cavistes professionnels, jadis la bonne littérature, elle aussi, se bonifiait et s'écrivait dans une atmosphère céleste, dans des feuilles ou des cahiers scolaires bien organisés. Si le vin de marque est hautement surveillé dans sa cave, doucement retourné et contrôlé dans ses amphores afin de ne pas déranger son sommeil angélique, la précieuse littérature, quant à elle, est écrite sur un feu à la fois doux et ardent, paradis et enfer. Elle demande un temps suffisant pour bien mijoter dans sa marmite magique, des années et des mois, sans précipitation aucune. Dans la littérature, il n'y a ni course ni coureurs. On ne bouscule pas le vin dans son amphore, ni la littérature dans son atelier complexe. Avec l'avancée ensauvagée et incontrôlée de la technologie, le monde de la communication est envahi, tiraillé, par les réseaux sociaux, et la littérature, elle aussi, n'échappe à cet ensauvagement. Elle a été poussée violemment vers cet abîme ou ce précipice.
La littérature est devenue chose de fastfood culturel. Il n'y a plus d'écrivain qui dit: j'écris pour les générations futures. Notre ère littéraire est caractérisée par la complaisance et la paresse dans l'écriture et la précipitation dans la publication. Une machine qui broie toutes les valeurs sur son chemin. Une grande facilité irresponsable dans l'édition, quelle que soit la qualité de cette édition ou la qualité du texte publié.
Il y a des écrivains qui naissent avec leurs moustaches bien garnies.
Le rythme de littérature, en écriture et en publication, est de plus en plus proche de la consommation. La hâte culturelle. La littérature se noie dans les valeurs du marché, se perd et perd sa part de spontanéité, de méditation, de questionnement philosophique et d'aventure, elle est devenue une simple marchandise, à l'image de toutes les autres marchandises sur les étals, soumise à la règle de l'offre et de la demande.
Les éditeurs cherchent le nombre de tirages et non pas l'effet philosophique, politique ou esthétique laissé par un roman ou un poème dans la société du lectorat. Dans les textes littéraires qui connaissent le succès saisonnier, les valeurs philosophiques reculent devant les valeurs du marché. L'image de l'écrivain créateur recule devant l'image de l'écrivain meilleur vendeur.
Aujourd'hui, par la folie des réseaux sociaux, on trouve des noms d'écrivains qui sont plus connus que leurs textes.
Littérature du Tik tok! Littérature des blogueurs! Littérature des youtubeurs!
Les médias brouillent le vrai chemin du lecteur.
La liberté de choisir sa lecture est violée. La lecture est devenue une sorte d'ordonnance.
Notre université ne joue pas son rôle de régulateur moral et philosophique de la vie littéraire, elle a perdu son droit académique de regard sur la distribution et la réception des textes. Pire encore, quelques universitaires participent et encouragent l'installation de la littérature médiocre. Sous le fait de la pathologie du copinage, de la tribu ou de la bande, on assiste aux soutenances des thèses de doctorat en de master ayant pour corpus des textes romanesques ou poétiques qui ne sont pas mûrs.
Le conservatisme dans notre université a pesé lourdement sur la liberté de la création et sur la circulation de la bonne littérature, celle qui dérange l'ordre public, esthétiquement et politiquement parlant.
Chez nous, la vie d'un roman ne dépasse pas le nombre de jours que compte le salon du livre. Sous d'autres cieux, la vie d'un roman ne dépasse pas la rentrée littéraire et la période de la course des prix.
Sans une vie sereine de la littérature, les valeurs dans la société se trouvent emmêlées, pêle-mêle.
Nous traversons une période culturelle et médiatique folle où la littérature exhibée sur les réseaux sociaux, soutenue par l'université conservatrice, n'est qu'une littérature jetable, littérature-kleenex. Certes, il existe quelques bons écrivains mais ils sont rares dans ce bazar!

De Quoi j'me Mêle

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