Manque de culture du cadeau !
Nous n’avons pas de culture du cadeau. Offrir un cadeau à quelqu’un qu’on aime ou quelqu’un qu’on respecte est un acte plein de sens civilisationnel, sociologique, politique, moral et esthétique. Offrir un cadeau à votre épouse, à votre mère, à votre père, à votre fille, à votre fils à votre frère ou tout simplement à une amie ou un ami est un message de noblesse. Mais le contenu de ce cadeau, aussi symbolique ou matériel soit-il, est porteur d’un sens philosophique et culturel.
Nous n’avons pas de littérature qui encourage ce phénomène sociétal amplement omis dans notre comportement quotidien. Et pourtant, le cadeau, quelle que soit sa valeur, marque notre vie entière, les petits actes inoubliables, les gestes immortels. Le cadeau n’est pas une aide ni une assistance, il est autre chose.
Offrir un cadeau est souvent lié à une fête commune ou à une occasion personnelle exceptionnelle. Et notre vie est pleine de fêtes nationales, religieuses, populaires, et riches en occasions privées chères aux personnes qui nous entourent et que nous aimons.
Le cadeau n’est pas un pot-de-vin empoisonné ni une manipulation !
Ce que nous offrons aux personnes que nous chérissons reflète le sens que nous voulons donner à notre relation avec les autres. Ce que nous offrons est une image de notre personnalité, une image de ce que nous sommes. Le cadeau est le miroir de celui qui offre.
Sur l’autre rive, sous l’arbre de Noël, comme l’exige leur tradition religieuse devenue populaire et séculière, chaque année, dans une ambiance chaleureuse, sont déposés les centaines de cadeaux joliment enveloppés pour tous les membres de la famille, échangés entre les enfants et les parents, entre les parents et les amis, entre les jeunes et les moins jeunes, entre les femmes et les hommes. Un bref regard sur le contenu de ces cadeaux nous donne une idée claire sur le sens des relations socioculturelles qui consolide la vie d’une communauté ou d’une famille dans une société précise.
Sous l’arbre de Noël bien décoré, sont déposés en paquets cadeaux : des livres, des billets pour assister à une soirée musicale attendue depuis plus d’une année, des billets pour un spectacle théâtral annoncé depuis des mois, des DVD ou même des disques, un billet d’avion pour un couple chanceux pour un voyage dans un pays dont le patrimoine est riche et universel, tel La Grèce, l’Espagne, l’Égypte ou la Chine…des BD qui ont fait un tirage de plus d’un million d’exemplaires chacun.
Avant même que les Occidentaux n’installent leurs arbres de Noël dans leurs salons, que les maisons d’éditions sautent sur cette occasion festive pour publier des séries de beaux livres destinées aux cadeaux de Noël et du Nouvel An. Des livres sur la peinture, sur l’urbanisme, des biographies des stars de musique, du cinéma, du théâtre ou du foot, des personnalités politiques ou scientifiques…
La culture du cadeau autour de l’arbre de Noël a créé un phénomène éditorial appelé : la rentrée littéraire d’hiver ou la petite rentrée littéraire.
Même si le vent de la consommation a commencé à souffler sur les branches de l’arbre de Noël, les cadeaux à caractère culturel, artistique et littéraire résistent encore. Même si les cadeaux à caractère technologique ont trouvé une place sous l’arbre de Noël, le livre n’a pas perdu la sienne.
Sur la rive sud, nous aussi nous avons nos fêtes ; les unes sont religieuses, les autres sont nationales et populaires.
En famille, avec amour nous célébrons El Mawlid Annabaoui, avec fierté nous fêtons le Nouvel An de l’Hégire et le Nouvel An amazigh, et d’autres fêtes encore… Mais qu’est-ce qu’un Algérien peut offrir, en ces précieuses occasions, comme cadeau à sa femme, à sa mère, à sa fille, à son père, à son fils ou tout simplement à un ami ou à une amie ?
Le premier absent dans nos choix de cadeaux c’est le livre. Et pourtant, lire est l’âme du bonheur. De toute évidence les Algériens n’ont pas cette tradition d’offrir des livres. Ils sont rares ceux qui pensent à cette magnifique chose : le livre. On offre des vêtements, des gâteaux et même des moutons ou de l’or, mais pas le livre !
On offre des billets d’avion pour la Omra aux élèves qui ont reçu leur bac avec mention d’excellence en mathématiques, en physique, en chimie et on ne pense pas à leur offrir un voyage dans un pays où ils peuvent visiter des laboratoires, des universités, des musées, des stations spatiales, des usines d’avions, des grandes bibliothèques, des vestiges mémoire de l’humanité !
Certes, nous sommes une société généreuse, sans doute nous sommes une nation hospitalière, mais ce qui nous manque c’est comment jumeler cette qualité humaine avec l’intérêt national ? Seule la culture est capable de réaliser lafusion entre la spécificité et l’universalité, entre le bien et le gain, entre le religieux et le temporel.