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Le pouvoir du mérite

En politique, la culture du mérite n'est pas toujours reine. Elle est même fréquemment à la traîne. Ce sont souvent les jeux de pouvoir, les rapports de force, les alliances, parfois même, les achats et les rachats qui font et défont des réputations. Mais il arrive parfois qu'un homme politique échappe à cette règle qui a régi l'élection d'un président de la République. Passons-les en revue, si vous voulez bien. Ben Bella? Légitimité révolutionnaire. Quand il fut coopté président par Boumediène, Ben Bella n'avait aucune expérience en matière de gestion des dossiers politiques. Ni une quelconque connaissance, fût-elle minime, des affaires de l'État. Cela s'explique: l'Algérie était colonisée et l'Algérien suait le burnous. En revanche, il eut un long parcours de militant de la cause nationale. À l'indépendance, il passa sans transition des geôles françaises au fauteuil de Président. Pour tout diplôme, il avait un certificat d'études. Ce qui n'était pas rien. Rares étaient les Algériens qui allaient au-delà à cette époque. Mais on peut dire pour lui, comme pour ses successeurs, que le militantisme fut la plus prestigieuse des écoles. On y apprend des matières qu'on ne trouve dans aucune université d'élite. On y apprend quoi? La bravoure, l'endurance, l'esprit de sacrifice, le dévouement, le courage. À la sortie de cette école avec l'indépendance en poche, on est soit héros, soit martyr. Ce qui vaut tous les diplômes.
Boumediène, qui succéda à Ben Bella dans les conditions que l'on connaît, ne partageait avec son prédécesseur que la légitimité révolutionnaire au nom de laquelle il avait occupé le poste. Pour le reste, les deux hommes n'avaient rien en commun. L'un spontané, l'autre réfléchi; l'un passionné, l'autre impassible; l'un démonstratif, l'autre introverti. Surtout, et elle est là toute la différence: Boumediène avait pour lui une vision - le socialisme - et un projet de société dont l'objectif était de restituer l'identité algérienne dans toute son authenticité après le joug colonial qui a tout fait pour l'effacer. Il avait compris que l'Algérien avait moins besoin de démocratie que de pain, moins de libertés civiques que d'instruction, moins de justice que d'ordre, fidèle en cela à Kant qui avait écrit que «la discipline rend sociable celui qui ne l'est pas». Fils du peuple, Boumediène connaissait l'Algérien, frondeur et rebelle de tempérament: ou tu le tiens ou il te tient. Dans le premier cas, c'est l'ordre, le travail et la discipline, quitte à empiéter sur les droits de l'homme; dans le second, c'est l'anarchie, la gabegie, la discorde et ses conséquences ravageuses. Alors, l'Algérien n'aura même pas un bout de pain mais aura toute sa liberté en mourant de faim. Mourir de faim en toute liberté, c'est la pire des libertés, dirait Boumediène qui avait un jour lancé que les hommes ne veulent pas aller au Paradis le ventre creux. Même s'il n'avait fait que de modestes études, même s'il n'avait pas d'expérience politique, Boumediène dépassait d'une tête beaucoup de dirigeants d'autres pays. Il avait la clairvoyance politique et l'intuition qui lui ont permis de faire de l'Algérie une référence pour les pays non-alignés. Et des Algériens fiers de l'être. Changement de décor avec Chadli Bendjedid. Colonel coopté par ses pairs, il avait en commun avec ses prédécesseurs la légitimité historique. Homme d'ouverture à la grande bienveillance, il pensait qu'on pouvait faire de la politique avec de bons sentiments. Il ouvrit alors l'Algérie brusquement et maladroitement à tous les mauvais vents de la discorde. On connaît la suite. Vinrent ensuite d'autres Présidents avec la même légitimité révolutionnaire pour tout bagage: Boudiaf, Kafi, Zeroual, Bouteflika.
Autre point commun à tous les présidents algériens depuis 1962: au moment de leur arrivée à la présidence, ils ne connaissaient pas l'Algérie dans sa profondeur. Certains connaissaient même mieux l'étranger que le pays qu'ils allaient diriger!
Venons-en à Abdelmadjid Tebboune qui se distingue des autres par un certain nombre d'aspects. Et pas des moindres. Il est le premier président à ne pas tenir son poste de la légitimité révolutionnaire - trop jeune durant la Guerre de libération - mais de la légitimité du mérite. Le premier à avoir fait des études supérieures (énarque), le premier aussi à avoir sillonné l'Algérie dans sa profondeur et sa largeur. Qu'on en juge. Secrétaire général de la wilaya de Djelfa, de la wilaya d'Adrar, de la wilaya de Blida et de la wilaya de M'sila. Puis wali d'Adrar, de Tiaret et de Tizi Ouzou. Que retenir de tout cela? Une connaissance approfondie des préoccupations du citoyen, où qu'il soit et quel qu'il soit, doublée d'une maîtrise des dossiers de proximité qu'il connaît dans les moindres détails. Qui peut en dire autant? Ministre, il occupera les postes les plus sensibles, notamment celui stratégique de l'Habitat. En un mot, Abdelmadjid Tebboune connaît le terrain et ses vents de sable, ses problèmes d'eau, le manque d'infrastructures dans telle et telle régions qu'il a administrées; il connaît son peuple et ses souffrances, ses privations, ses chômeurs, mais aussi sa fierté et son orgueil, sa patience et son endurance... En cela, il se différencie de tous ceux qui l'ont précédé, y compris Boumediène, Chadli et Bouteflika, qui n'ont senti l'odeur du peuple dans sa diversité et sa richesse qu'une fois élus. Ils ne l'ont pas humé de près pendant des dizaines d'années comme Tebboune. Ils n'ont pas écouté battre son coeur généreux. Battre à l'unisson avec eux. Comme s'il était d'eux. Comme l'est Tebboune. C'est cette proximité de tous les instants en partageant le meilleur et le pire qui a créé ce lien si fort entre le peuple et son Président. La différence ne s'arrête pas là. L'élection ou la cooptation des Présidents d'avant-2019 fut plus ou moins un long fleuve tranquille. Celle d'Abdelmadjid Tebboune fut contre vents et marées. C'est le prix que paye la culture du mérite pour inaugurer une nouvelle ère: celle de l'effort et de la méritocratie. Cela vaut bien un second mandat.

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