L'Expression

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Le juge fait la sourde oreille

Les procès en correctionnelle, vous donnent, par à-coups, durant les audiences, assez souvent, des situations paradoxales, parfois bizarres.

Fehmi R. est poursuivi pour deux chefs d'inculpation. À la barre, la cinquantaine largement entamée, il est traîné devant la section pénale pour «abandon de famille» fait prévu et puni par l'article 330 du Code pénal. il se présente ô comble de l'hypocrisie, comme victime de hogra, de la part de sa femme et de la belle-famille! La présidente, elle, ne retient que l'abandon de famille. C'est ainsi que Fehmi R. s'est présenté à la barre «en qualité de détenu marginalisé, car, expliquera-t-il au tribunal, les codétenus ont fait de moi, leur risée. Ils prétendent que j'ai fait des enfants, que j'ai vite abandonnés, les laissant dans le plus grand besoin, sur le point d'être la proie de la mendicité. Monsieur le juge, j'en ai marre!» Le juge, lui, ne l'entend pas de cette oreille et ne veut parler de la seule inculpation, point- virgule. Il a trois enfants dont deux mineurs. Coincé pour avoir laissé tomber sa famille, durant longtemps, il n'a pas trouvé meilleure parade que d'accuser la... pandémie. «Je veux vous croire et pointer du doigt, la pandémie!», coupe le magistrat, avant de poursuivre: «Seulement, la pandémie est parmi nous, depuis 2019! Et en 2016, il y avait quoi?» Le détenu ne répond pas de suite. Il se cherche pendant 11 secondes et lâche: «J'ai quitté le domicile car enchaîne-t-il» alors que Meriem-Sabiha, un fichu blanc sur sa tête, fait la moue: «Cruelle personne... sois maudite!» tempête-t-elle devant une présidente, curieusement tolérante, elle, qui est généralement pointilleuse quant au respect dû entre adversaires, mais qui a vite saisi, que cette famille ne règle ses différends, qu'à coups d'insultes et diffamations. La juge se ressaisit tout de même: «Restons sur les inculpations, voulez-vous?».
L'inculpé rappelle que « madame travaille mais que lui, ne fait rien». Meriem- Sabiha s'écrie «qu'il avait quatre cents mètres carrés, qu'il s'était remarié en secret, avec sa maîtresse». Fahmi conteste ces propos et demande même au juge que ses deux garçons âgés de 20 et 22 ans n'ont pas le droit à la pension alimentaire. La présidente lui tend la perche: «Le tribunal pense que c'est à eux de vous verser une pension alimentaire, s'il est prouvé qu'ils bossent.» Le juge rit, l'inculpé sourit. La dame grimace. Meriem-Sabiha ne fait que grimacer depuis qu'elle a vu un agent de la Dgsn, amener son mari, avec ménagement, du box à la barre. La procureure, veut poser une question, mais fait un dur commentaire, qui poussera Me Nassima Aïd à intervenir: «Vous êtes incapable de fonder un foyer et je...» L'inculpé l'interrompt sans l'autorisation de la juge, heureusement tolérante, en cette fin de semaine: «Nous sommes venus divorcer, il y a quelque temps, mais ça n'a pas marché, Madame la magistrate!», marmonne-t-il. La dame lance des demi-mots, des quarts de phrase et des morceaux de syllabes. Visiblement, elle a quelque chose à dire, mais n'y arrive pas. Le président l'aide: «Qu'y a-t-il, Madame?», siffle paternellement le magistrat. «Il a épousé Meriem-Sabiha, alors qu'elle n'avait que 16 ans. Un quart de siècle après, il lui trouve des défauts, et quels défauts! Quelle honte! Rien que pour cela, il mérite de rentrer chez lui, ce soir-même!», crache Me Aïd, toute désolée et émue, par ce qu'elle venait d'articuler, le visage rouge d'ire.
Pour mettre tout ce beau monde sur la même longueur d'onde, le magistrat invite la représentante du ministère public à effectuer ses demandes. Elle se lève et entame un court réquisitoire au cours duquel elle a affirmé que le détenu joue la mauvaise foi. Il savait qu'elle a déposé plainte. La bonne dame a demandé 511 millions de centimes à titre d'arriérés et de dommages et intérêts, durant les 8 ans passés. C'est insuffisant. Enfin, pour ce qui est de l'empêchement de l'épouse, de l'exercice du droit de visite, l'inculpé aurait dû déposer plainte. «Un an d'emprisonnement ferme»! demande la procureure. La présidente rend le verdict sur le siège. Elle condamne Fehmi à une peine d'emprisonnement, de 18 mois dont un ferme.
De quoi couvrir la détention préventive! Me Nassima Aïd est aux anges! Elle vient de sauver un papa d'une longue détention! Il est désormais, libre, à partir de ce soir et pourra rejoindre sa famille! Comme quoi, un foyer et une famille sont solidement protégés par la loi.
Monsieur le condamné a dû l'apprendre à ses dépens. Il aura tout le temps de se morfondre et il saura se montrer redevable à «Dame justice», qui a su être magnanime!

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