L'Expression

{{ temperature }}° C / {{ description }}

Cité introuvable.

Entretien avec le comédien Nacereddine Djoudi

«Il n'y a pas de stratégie pour promouvoir le cinéma en Algérie»

S'il rêve de jouer un rôle comique à la Jim Carrey, Nacereddine Djoudi se dit à l'aise dans les deux registres que ce soit dans la comédie ou le dramatique, comme en témoignent ses dernières participations au cours du dernier mois de Ramadhan où nous avons pu l'apercevoir et apprécier son talent dans «Dakious ou Makious» ou encore dans le feuilleton à succès «Lyam», de Nassim Boumaiza ou encore dans son rôle du militant, Smain, dans le premier long métrage fiction, «Héliopolis» de Djaffar Gacem. Il nous parle ici de son expérience dans ce film, du rôle du cinéma dans l'écriture de notre histoire, mais aussi de ses rêves, aspirations et projets...

L'Expression: «Heliopolis» sort enfin dans les salles. Un mot sur votre participation dans ce film?
Nacereddine Djoudi: C'est une fierté et toujours un honneur de jouer dans des films historiques pour marquer l'histoire algérienne. C'est mon premier travail avec Djaffar Gacem. Pour lui, c'est la première fois qu'il fait un film cinéma et pour moi c'est la première fois que je joue avec Djaffar Gacem. C'est une expérience remarquable que ce soit sur le plan humain ou artistique. Le film a reçu les éloges du public à l'avant-première. Cela veut dire que le film lui a plu. Le film a mis du temps pour sortir. On l'attendait avec impatience. Il a été réalisé en 2018. On a attendu d'organiser l'avant-première. Ça a patiné. Il y a eut la Covid. Il était temps pour qu'il sorte enfin. C'est un plus pour nous, pour le public Algérie et pour l'Algérie en général. Je demande d'ailleurs au public algérien d'aller voir au maximum le film. Maintenant il est projeté dans pas mal de wilayas. Ils ne pourront pas dire qu'ils n'ont pas où le voir. Il faut qu'on revienne à la culture cinématographique. Le but de Djaffar Gacem était ça, promouvoir le film à l'échelle nationale déjà pour que le public revienne au cinéma. C'était ça le but numéro un de Djaffar Gacem. Et nous, on adhère à ça. Apres, s'il est projeté sur le plan international «marhba». Le plus important c'est au niveau national et je pense que le public va venir en force. Je reçois déjà, pas mal d'échos de la part de gens qui veulent venir le voir.

Quel regard portiez-vous justement sur l'événement du 8 mai 1945 avant de tourner ce film?
On nous a toujours enseigné que cela s'est passé à Guelma, Sétif et Kherrata. Cela correspond à la fin de la Seconde Guerre mondiale quand les Algériens sont sortis à l'occasion de la victoire des alliés contre les Allemands nazis. En même temps, ils ont brandi le drapeau de «vive l'Algérie indépendante». On garde aussi en mémoire cette image qui nous a marqués, celle du petit à Sétif qui tenait le drapeau algérien et a fini par être tué. On sait qu'il y avait des massacres. Mais on ne savait pas combien il y avait de victimes et comment se sont déroulés ces massacres. Grâce aux images et à ce que nous a raconté surtout, Djaffar Gacem avant même le tournage, j'en ai été ému. D'après les archives il y aurait plus de 45000 morts. On peut qualifier cela de crime contre l'humanité. Je savais qu'il y avait un nombre important de personnes massacrées. Mais de tuer autant de civils avec cette manière-là, je ne le savais pas vraiment. Dans le film, on le remarque à Guelma, avec le sous-préfet Achiary qui était un vrai criminel. Il jetait les Algériens dans les stations de charbon. Cela fait partie de l'histoire que l'on ne connaissait pas. Grâce à ce film on le découvre et le peuple algérien va connaître son histoire. Du moins, celle qui s'est déroulée à Guelma. S'agissant de mon personnage Smaïn, qui est un personnage fictif, mais proche de la réalité, il est inspiré de Smaïn Abda qui a existé. C'était un militant politique dans les années 40/45. Il était un pro messaliste. Quand ils ont crée les AML (Les amis du manifeste et de la liberté) il était dans le camp des messalistes. En même temps, il y avait le camp de Ferhat Abbas et les Oulémas. Smaïn est le symbole du militantisme à Guelma. D'ailleurs, le stade de Guelma porte le nom de Ali Abda. C'est une famille très connue là-bas. Une famille de moudjahidine. À noter qu'il est décédé, avec son frère et son père au peloton d'exécution. Avec ce film j'ai appris beaucoup de choses. Que ce soit sur le plan historique ou artistique. Sur le plan historique, j'ai eu à discuter avec le neveu de Smaïn Abda qui m'a donné des informations que l'on ne trouve pas dans les livres scolaires. C'est la même chose qui m'est arrivée dans les films sur Ben M'hidi, Ben Badis ou encore dans le film «Dhil oual kindil» sur l'histoire de l'Ugma. On finit par apprendre beaucoup de choses sur notre histoire en jouant dans ces films historiques. On a une responsabilité envers le peuple déjà. De bien interpréter son rôle, surtout si on incarne une personnalité qui a déjà existé ou qui existe encore. On laissera des traces car le film sera vu par d'autres générations. C'est donc une vraie responsabilité pour nous en tant que comédiens.

Durant le mois de Ramadhan, on vous a vu dans les feuilletons «Lyam» et «Dakious ou Makious». Deux feuilletons qui se jouent dans deux registres complètement différents. Dans lesquel vous vous sentez à l'aise?
Durant ce mois de Ramadhan, j'ai effectivement joué dans le feuilleton «Lyam», et «Dakious ou Makious», mais j'ai eu aussi des participations en tant que guest dans «Bougateau» et «Dar Mani». Mais, les deux projets importants, étaient les deux premiers cités plus haut. Je me sens à l'aise dans les deux registres, dramatique et comique. De par ma formation théâtrale, on commence déjà par le théâtre classique. On touche toutes les écoles, notamment Stanislavski, Brecht etc. Je pense qu'un comédien se doit d'avoir cette sensibilité de jouer tous les rôles. Concernant le registre comique, je me souviens que, depuis tout petit, j'imitais les gens, je faisais le clown. J'étais clown en même temps. Je faisais des sketchs. Dans la série «Dakious ou Makious» le personnage était là, prêt. Il fallait savoir doser cet aspect «comique» pour ne pas verser dans la stupidité. Car il existe ce qu'on appelle l'humour de situation et il est très difficile. Mais quand il y a un très bon texte ou un très bon réalisateur, sincèrement je me donne à fond. Si je tombe sur un bon projet un jour, mon rêve serait de jouer dans un film comique avec un humour à la Jim Carrey avec un scénario bien profond. Sincèrement ça me tente. Je le répète, je me sens à l'aise dans les deux styles, drama et comique, mais si je tombe sur un très bon texte comique, je m'y sentirai beaucoup mieux. Pour le feuilleton «Lyam», ce fut une très belle expérience avec toute l'équipe de Ciné Revue, et le réalisateur Nassim Boumaiza. Je pense que par rapport au reste des feuilletons, «Lyam» était le seul feuilleton à cent pour cent algérien. Je pense qu'il a reçu un bon accueil du public.

Vous êtes aussi un très bon «imitateur». Cela vous a bien servi dans «Dakious ou Makious». J'entends votre parodie de Rachid Nekkaz. N'aviez-vous pas eu peur de ses réactions avant d'attaquer ce personnage?
J'ai commencé à imiter Rachid Nekkaz quand il a entamé ses lives à la maison. Je l'ai imité à l'instar des autres personnages que je possède dans ma palette de personnages politiques un peu sensible. Ceci étant dit, je me considère avant tout comme comédien. Je n'ai aucune orientation politique. Quand je joue Rachid Nekkaz, cela ne veut pas dire que je l'aime ou que je l'attaque, bien que ce mot soit un peu fort. C'est juste que le personnage m'ait plu et il possède des traits que l'on peut utiliser dans le style comique. La réaction du public a été positive. Je vais vous surprendre, j'ai eu même des réactions de la part de Rachid Nekkaz qui m'a envoyé via sa page des félicitations. Il a écrit «bravo il est talentueux» preuve de son fair-play démocrate.. Je pense que si l'on se considère être dans un pays démocrate, l'on ne peut qu'accepter de rire de tout. C'est mon avis.

Pourquoi les comédiens ne brillent -ils plus que durant le mois de Ramadhan, en Algérie, d'après-vous?
C'est simple, il y a absence totale de stratégie culturelle, il n'y a pas de statut de l'artiste. Il y a l'anarchie totale. Le domaine cinématographique est loin d'être stable. S'il y avait des lois qui organiseraient le métier, le comédien se dévoilerait forcément et ce, dans ses différentes catégories, A, B, C, D... Le comédien qui travaille gagnerait automatiquement en visibilité. Il n'y a pas d'école de formation. Il n'y a pas assez d'écoles de formation. Même l'école de Fort-de-l'eau, ne suffit pas. Il y a un souci énorme dans la formation de scénaristes. Il n'y a pas d'atelier d'écriture, les scénarios sont mal écrits. Il y a aussi un gros problème au niveau du sponsoring. L'Etat continue à avoir le monopole. Quand on prépare un projet il manque le financement, il n'y a pas les bonnes personnes aux bonnes places, le producteur n'est pas producteur de formation, exception faite de quelques-uns. Bref, il n'y a pas de loi qui détermine chaque chose. Que ce soit pour le comédien, le producteur, les chaînes télé, les techniciens... Il n'y a pas de stratégie pour promouvoir le cinéma en Algérie. Pour qu'on arrive à faire des films à longueur d'année il faudrait une réelle stratégie politique dans le domaine culturel. À ce moment-là, on pourra parler des films cinéma à longueur d'année. En même temps, on doit sortir du diktat des subventions étatiques. Il faut qu'il y ait des investisseurs et des salles de cinéma privées, des studios privés etc. En somme, une véritable stratégie économique dans le domaine culturel.

Enfin, quels sont vos projets?
J'ai déjà tourné dans le prochain film de Merzak Allouache où je campe un des rôles principaux. Nous l'avons tourné avant le premier confinement, à Boussaâda. Il s'appelle «Une famille». C'est le titre provisoire car il se pourrait qu'il change. C'est un film d'actualité. Sans trop rentrer dans les détails, je pense qu'il aura un écho. On attend que Merzak Allouache fasse sortir le film. C'est ma seconde expérience cinématographique avec lui. C'est une très belle expérience avec Merzak Allouache que je considère parmi les meilleurs réalisateurs aussi.

De Quoi j'me Mêle

Placeholder

Découvrez toutes les anciennes éditions de votre journal préféré