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Ali Douidi (écrivain)

«Il y a de l'autobiographie dans tout roman»

Ali Douidi est écrivain, auteur de plusieurs romans édités et d'autres inédits. Il est également nouvelliste, dramaturge et journaliste. Il vit et travaille à Bouira.

L'Expression: Pouvez-vous vous présenter succinctement aux lecteurs de L'Expression?
Ali Douidi: Ma carrière d'enseignant a commencé à vingt ans. C'est un rêve d'enfant qui s'est réalisé alors. J'étais plein de bonne volonté et les journées pédagogiques, qui revenaient régulièrement tous les quinze jours, étaient de véritables stages de formation. Je vis ma carrière progresser rapidement. Je passais mes examens professionnels avec succès. Mais mes ambitions me poussaient plus loin. Je voulais être poète, puis, avec la maturité, je voulais être écrivain. Or, je savais que pour accéder à ce statut, il fallait passer par celui de journaliste. Là, le rêve s'avérait quasi impossible. Pourtant, cette carrière comme celle d'écrivain se sont ouvertes devant moi. Puisque, comme j'en avais formé le voeu, le voilà exaucé. Ces deux carrières cependant ne devaient commencer que tardivement.

Pouvez-vous nous parler de vos premiers textes littéraires, à quand remontent-ils? Comment êtes-vous passé à l'action?
Au début, ma passion me poussait vers la poésie. Mes vrais maîtres étaient pour ainsi dire Corneille, Racine, Victor Hogo, Musset, Lamartine. J'écrivais sous l'oeil critique de deux amis: Messaour Boulanoir, un poète connu, et Paul Peverne, un prof de français au lycée. À ce moment, je projetais de publier un recueil de poèmes. Puis cette fièvre qui me saisissait est tombée, refroidie par la découverte du surréalisme qui a ruiné le vers rimé. C'est alors que je me suis converti à la prose. Jusqu'au journal où je travaillais, je n'avais encore rien écrit de valable. C'est seulement en 2010 qu'a démarré ma nouvelle carrière à laquelle je me suis mis à aspirer de toutes mes forces, quand j'ai su que la poésie, comme je l'aimais et la comprenais, menait vers une impasse. Mon premier manuscrit date de cette année. Il a pour titre «La vierge Marie», un roman. L'année suivante, je composais une douzaine de nouvelles, dont six comportant plusieurs nouvelles en leur sein. Au total, une cinquantaine. Tous ces manuscrits attendent le moment propice pour être publiés. Mais, l'heure de l'écrivain a sonné en 2016 avec «Les juments», puis l'année suivante avec «La place publique». Encouragé par l'accueil que j'ai rencontré auprès de la maison d'édition Edilivre, j'ai donné «Mon ami Jean», un manuscrit qui a dû attendre son heure depuis près de dix ans dans un tiroir. «La mère porteuse» est mon dernier roman publié chez le même éditeur. «La grotte du macchabée» vient d'essuyer un échec. Je lui cherche un autre éditeur.

Vous avez d'abord été bercé dans l'univers littéraire français en lisant les oeuvres des sommités. Pouvez-vous nous parler de votre aventure avec la rencontre de ces grands auteurs?
Vous avez bien fait d'évoquer cet univers. Enfants nés avant l'indépendance et poursuivant notre scolarité avec des programmes conçus bien avant cet événement historique, et demeurés inchangés, nous avions baigné dans cette prose somptueuse où nous nous mouvions avec une grande aisance, étonnante pour notre âme. Si vous pouviez vous débrouiller pour avoir un ou deux de ces livres qui nous ont accompagnés du CE1 jusqu'au cours fin d'études, vous verriez que nous avions été gâtés. Tous les grands classiques étaient là: Rousseau, Dumas, Hugo prosateur, Flaubert, Chateaubriand, Colette, Giraudoux, Maurice Genevoix. Dans la cour, pendant la récréation, commentant la lecture magistrale faite par nos maîtres, nous citions tous ces noms et bien d'autres encore comme Anatole France, Mauriac, Gide et d'autres. L'enseignant, puis l'écrivain se souviendra de ces moments privilégiés pour les évoquer furtivement.

Côté écrivains algériens, quels sont ceux qui vous ont le plus marqué?
Les écrivains algériens, vous vous doutez, ne pouvaient figurer dans ces programmes. Mais plus tard, le ministère de l'Éducation leur a fait une large place dans les programmes scolaires. Notamment dans le livre de lecture en sixième. Nous avions une véritable anthologie de textes dans ce manuel scolaire. On avait Mouloud Feraoun, Mohammed Dib, Malek Haddad, les trois grands classiques algériens. Certains élèves charmés les apprenaient par coeur. Je subissais cette douce et puissante influence de leur style. Et je dois bien avouer qu'il en est resté beaucoup de choses de ces lectures comme de bien d'autres. J'ai parlé de ces grands auteurs, je pourrais évoquer aussi d'autres comme Kateb Yacine, Mouloud Mammeri, Assia Djebar. Parmi les tout nouveaux, je citerai Mouloud Achour, Tahar Djaout, Djamel Amrani, Safia Kettou, Messaour Boulanoir que j'ai connus plus ou moins bien personnellement. Ceux aussi qui ont exercé sur moi une certaine influence.

Quand vous avez décidé d'écrire votre premier livre, ça a été dans le genre théâtre, pourquoi pas un roman ou des nouvelles? Ou encore de la poésie comme l'ont fait pas mal d'écrivains pour commencer?
Le théâtre de mes livres scolaires, les premiers livres furent des pièces de théâtre. D'abord Corneille. Aujourd'hui, je peux réciter des tirades entières de ces pièces. Il y a eu ensuite, un livre de Jules Romains, qui nous a été révélé par des coopérants français. C'était un peu avant que je réussisse mon concours d'enseignant. Ce livre qui s'intitule Le docteur Knok de Jules Romain, avait eu un grand succès en France à sa sortie. Il se peut que lui aussi m'ait touché. Comme L'Aiglon de Rostand. Et puis, au temps où j'enseignais, il y avait ces saynètes que l'on jouait tous les jours devant les élèves en 3ème et 4ème année pour leur apprendre le langage. Tout cela a dû jouer aussi, à mon insu. Mais vous l'avez dit, tout ce que j'ai écrit n'était et ne demeure qu'un passage obligé pour accéder à cette carrière si difficile de romancier. Là est le vrai but. Si j'ai touché à ce genre, ce n'est que par curiosité. Je pense, d'ailleurs, les reprendre toutes les trois pour en faire des romans. Rien n'interdit de faire une oeuvre d'un genre à un autre. Au fond, ma vraie vocation reste le roman depuis que j'ai compris que la poésie a élu domicile dans la prose.

Il y a sans doute une bonne part d'autobiographie dans vos textes, n'est-ce pas?
Toute oeuvre contient plus ou moins une part autobiographique. L'écrivain ne peut pas décrire un lieu, une scène ou un paysage sans les identifier peu ou prou avec ceux de sa jeunesse. Souvent, il transpose les faits qu'il raconte dans un cadre familier. De même, les personnages qu'ils créent empruntent quelques traits à ceux de ses amis ou même de ses proches. La tentation est parfois si forte qu'on lui cède volontiers. «La mère porteuse» est mon oeuvre la plus autobiographique. Tout le décor est vrai.

Qu'en est-il de votre style d'écriture? Pouvez-vous nous en parler?
Je crois que le rapport de l'écrivain à son oeuvre reste son style. Le travail sur la phrase est aussi important que sur la forme de l'oeuvre elle-même. Et chez-moi, ce travail n'a pas cessé de progresser depuis mon premier poème. Lire, écrire, comparer, voilà en trois mots ma méthode de travail. Devrais-je vous l'avouer ici? C'est ainsi que j'ai conduit à écrire en vers libres. Mais comme je le confessais un jour à cet ami, prof de français, ce n'étaient, à vrai dire que des exercices de style. Le style, c'est la vraie identité de l'écrivain. Il le suit tout au long de sa carrière.

La trame de vos romans est-elle construite au fur et à mesure que vous écrivez vos livres ou bien existe-t-elle préalablement et vous ne faites que lui donner forme en rédigeant?
Il arrive que tout part d'un mot, d'une phrase. Ensuite, on n'a qu'à suivre. Mais bien vite, la phrase s'arrête et l'on reste court. Alors, on se met à réfléchir, à chercher s'il n'existe pas une autre piste pour débloquer la situation. Et c'est là qu'intervient le flair. D'autres diront le talent ou le génie. Il arrive, pourtant, que l'on porte en soi une oeuvre pendant des années comme celle que je suis en train d'écrire et qui n'a encore pas de titre. Ce que je peux dire, au stade où je suis, c'est que ça s'enclenche bien. D'ailleurs, chacun sait que le vrai travail commence à la correction. Plus on met l'oeuvre sur le chantier, et plus il y a nécessité de l'y faire revenir.

Et comment s'est effectuée l'aventure de l'édition de vos livres?
C'est, en effet, une aventure que de se lancer dans la publication d'un manuscrit. Trois échecs avec Gallimard et un, tout récemment, avec Edilivre alors que j'ai déjà quatre livres avec cette maison d'édition,qui m'ont appris que rien n'est jamais acquis d'avance. Il y a toujours des surprises et certaines sont souvent désagréables.

Quel est votre objectif en écrivant vos romans?
Mon objectif est d'aller vers l'avant. Ne jamais rester sur un échec. Positiver beaucoup. Avancer toujours. C'est ainsi qu'on arrive à transformer une défaite en victoire, un échec en réussite. Mon dernier manuscrit est un conte. Je le destine à Gallimard. J'espère que cette fois, j'aurais plus de chance.

Déjà dans vos écrits journalistiques, on décèle aisément et dans chacun de vos articles le romancier en vous. Y a-t-il, chez vous, une ligne de démarcation entre l'écriture journalistique et l'écriture romanesque? Où se trouve la limite entre l'écriture journalistique et l'écriture littéraire?
Je crois que le journaliste est un écrivain. Par ses reportages, ses enquêtes, ses portraits, ses interviews, il se hisse facilement à ce niveau. Il fait preuve des mêmes qualités d'imagination et des mêmes ressources linguistiques et stylistes pour réussir son travail. Là où il sort de ce rôle, c'est quand il limite son talent à l'information. Il devient alors le journaliste chevronné qui n'ajoute ni retranche un mot de ce qu'il écrit. Alors qu'une grande liberté est laissée au poète et au romancier, le journaliste est tenu à la vérité. L'auteur de fiction à la vraisemblance.

Un projet proche de l'aboutissement?
Je suis sur une histoire qui s'inspire de faits réels et qu'il va falloir développer et transformer, complètement, afin d'en faire un roman.

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