L'Expression

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Kaddour de Rachida Brakni

La tendresse d’une fille à son père

C’est un livre qu’on lit d’une traite. Très émouvant. Le style est d’une fluidité étonnante. Et la trame est d’une profondeur déconcertante.

C'est l'un des titres phares parus aux éditions Dalimen, lors du dernier Salon international du livre d'Alger (Sila). Au début, la lecture de ce livre peut faire mal au lecteur, car les mots sont durs. Crus. Les expressions utilisées par l'auteure sont très puissantes. Elle y évoque le décès de son père Kaddour en pleine pandémie mondiale de Covid-19. Kaddour, tant aimé par sa fille Rachida Brakni est raconté par cette dernière avec une sincérité touchante. Rachida Brakni commence l'écriture de ce livre un 15 août, le jour même du décès de son père Kaddour. Ce dernier est décédé sans avoir pu réaliser son rêve. Le rêve de toute sa vie. Celui de rentrer dans son pays bien- aimé, l'Algérie, qu'il a quittée la mort dans l'âme quand il était jeune pour s'installer en France dans des conditions très difficiles. Ces conditions y sont décrites par la plume incisive de Rachida Brakni qui dévoile ainsi sa facette cachée d'écrivaine débordant de talent.
Rachida Brakni a déjà fait ses preuves en tant qu'actrice, metteuse en scène et chanteuse. Cette fois-ci, elle nous surprend avec sa plume alerte en revêtant une casquette d'écrivaine qui sait faire parler ses tréfonds. Car dans ce roman, c'est le coeur qui s'exprime.
Le coeur de l'écrivaine, profondément blessé après le décès de son père. La vie de ce dernier n'a été qu'une succession d'afflictions et de privations. En se rappelant les épisodes sombres de la vie de Kaddour, la douleur de Rachida Brakni décuple. Et elle en parle dans ces pages mouillées de tendresse, de larmes et d'amour également.
L'amour incommensurable d'une fille à son père. Rachida Brakni réussit à mêler et à faire alterner présent et passé tout au long de son livre. Elle narre avec moult détails les circonstances ayant succédé au décès de son père tout en faisant des allers-retours sur la vie qu'elle a eue avec le défunt.
Le père est le personnage principal de ce livre. Tout tourne autour de Kaddour. Et malgré ce «statut», Kaddour reste, le long du livre, un personnage qui apparait comme une ombre furtive. Est-ce l'effet de son décès ou bien a-t-il toujours vécu dans la simplicité et la discrétion qui le caractérisaient. Certes, il est impossible de raconter toute la vie de Kaddour mêlée à la sienne. C'est pourquoi, Rachida Brakni a choisi d'évoquer les événements les plus marquants de sa vie avec son père.
Parfois, il s'agit d'événements anodins, voire futiles. Mais dans le coeur de la fille, ils représentent des souvenirs indélébiles. Rachida Brakni réussit d'ailleurs, à leur conférer une grande importance en les décrivant. Elle semble avoir été marquée par les vacances de la famille quand cette dernière retourne au bercail en Algérie, à Tipaza, région natale de ses parents le temps d'un été. Elle décrit l'ambiance qui y régnait. Elle rebondit sur l'amour de son père à sa terre natale.
Un amour infini dont il n'a jamais réussi à se détacher. Rachida Brakni confie que son père a de tout temps entretenu le voeu ardent de rentrer définitivement en Algérie pour y finir ses jours. Mais un ensemble de circonstances a rendu ce choix cornélien inaccessible. Ce qui exacerbe davantage la douleur de Rachida Brakni.
Le livre Kaddour raconte certes, l'histoire personnelle de Rachida Brakni, mais il se lit comme un roman. On peut même, par moment, croire que nous sommes face à une fiction tant la force du verbe y est.
L'auteure maîtrise parfaitement l'art de l'écriture. À aucun moment le rythme du récit n'est rompu. Pourtant, Rachida Brakni passe de l'ambiance triste qui règne pendant la semaine du décès de Kaddour à divers souvenirs proches, lointains ou très lointains.
L'écrivaine trouve à chaque fois, avec ingéniosité, le moyen d'agencer les différents tableaux de son récit avec harmonie et précision. En lisant ce livre, on découvre aussi l'ampleur du problème identitaire qui ronge les citoyens d'origine algérienne vivant en France.
Rachida Brakni aborde cette déchirure béante qui l'a toujours turlupinée avec une certaine gravité. Elle évoque le racisme abject et les inégalités flagrantes dont a été victime son père aussi bien en tant que citoyen, mais aussi et surtout en tant qu'ouvrier.
Mal rémunéré, sa fille lui reprocha un jour son silence et le fait qu'il n'ait jamais protesté auprès de son employeur. Kaddour, relevant la naïveté de sa fille, sans s'en étonner, lui expliqua que s'il venait à le faire, il sera tout simplement congédié sans ménagement et remplacé illico presto par un autre, car une infinité de profils similaires font la queue devant la porte de l'usine qui l'emploie. C'est une femme blessée suite à la mort de son père qui raconte. Et c'est un père qui a traîné une fêlure durant toute sa vie qui est décrit. Malgré les aspects sombres du récit et en dépit du deuil, il y a de nombreuses lueurs de bonheur qui se dégagent de ce livre.
L'amour tenace qui lie Rachida à Kaddour, à lui seul suffit pour illuminer ces pages obscures comme un soleil brillant qui perce le ciel, en dépit des nuages et du brouillard.

De Quoi j'me Mêle

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