La fille du tueur, de Zohra Aoudia
Le destin cruel d’une femme
Cette fois-ci encore, Zohra Aoudia fait preuve d’une imagination débordante et d’un sens de la narration remarquable. Le roman est très fouillé, donnant au lecteur l’occasion de partager les pérégrinations interminables et douloureuses du personnage principal prénommé Elena. Cette dernière est issue d’un mariage mixte. Son père est français. Sa mère est algérienne.

Zohra Aoudia vient d’éditer son troisième roman en langue amazighe confirmant ainsi que son talent d’écrivaine est loin d’être un accident de parcours. Le titre de ce nouveau roman de Zohra Aoudia, paru aux éditions Talsa est : Yellis n uqettal ou La fille du tueur. Zohra Aoudia n’a pas échappé à son thème de prédilection, qui n’est autre que la condition de la femme de manière générale ainsi que sa lutte inlassable et continue au sein d’une société qui se montre parfois, voire souvent, impitoyable envers les femmes qui se laissent faire pour une raison ou pour une autre. Comme dans ces deux premiers ouvrages Tiziri et Tadistit yetswanâalen, elle propose aux lecteurs une histoire déchirante et émouvante. Cette fois-ci, l’auteure fait preuve également d’une imagination débordante et d’un sens de la narration remarquable. Le roman est très fouillé, donnant au lecteur l’occasion de partager les pérégrinations interminables et douloureuses du personnage principal prénommé Elena. Cette dernière est issue d’un mariage mixte. Son père est Français, sa mère Algérienne. Elena paie la facture de la vie de tueur suceur de sang menée par son père. Ce dernier était un tueur en série. Le regard de la société ne cesse de foudroyer la pauvre et frêle Elena. Son père a passé une partie de sa vie à assassiner froidement et atrocement des femmes. La malheureuse Elena vécut une enfance traumatisée car elle fut témoin de plus d’un crime commis par son père, psychopathe. Les crimes abjects perpétrés par son père restent gravés, bien sûr, de manière indélébile dans l’esprit de la jeune fille. Une telle situation ne peut que pousser Elena et sa mère à quitter la France et à rentrer en Algérie où elles trouvent du mal à s’installer quelque part. Elles finissent par jeter leur dévolu sur la ville d’Oran. Mais la vie d’Elena dans cette ville ne sera pas rose non plus, loin s’en faut. Elle y vit en marge de la société. Elle finit même derrière les barreaux pour avoir commis… un crime. Rien moins que ça. Une nouvelle épreuve au cours de laquelle elle fait la connaissance de nouvelles personnes qui pèseront dans ses choix futurs. Après sa sortie de prison avec des circonstances atténuantes, elle regagne la Kabylie, région natale de sa mère. Et c’est là qu’elle rencontre l’amour, l’amour de sa vie, qui lui permet de renouer avec l’espoir et la beauté de l’existence. Ses sentiments sont ravivés. Malgré la tourmente dans laquelle il vit tout le temps, l’amour lui permet d’ouvrir une nouvelle page. « Autant de bouleversements et de rebondissements dans la vie d’Elena, ayant grandi avec le sentiment d’une fille rejetée, non désirée par sa mère, irresponsable, et l’absence d’un père déséquilibré dès son enfance troublée », écrit l’éditeur dans sa présentation. Et de rappeler qu’Elena a su franchir tant d’obstacles pour devenir une jeune artiste pleine de talent et de génie, qui arrive plus tard à séduire et à susciter l’admiration et le respect de milliers de fans sur les réseaux sociaux, grâce à son don musical, sa force de caractère et son charisme. Mais son bonheur n’a pas duré longtemps : son amant est atteint d’une méchante maladie incurable. Ce dernier part à l’étranger sans même l’informer. Elle s’attache encore une fois à l’espoir de revoir son amoureux guéri et plus vivant que jamais. De plus, continuer son existence en sa compagnie jusqu’à la mort, pour le meilleur et pour le pire. Mais le vent ne souffle pas au gré des navires. Elena continue de subir les coups durs de la vie et sa cruauté, Elle décide, encore une fois, de partir, de fuir, comme toujours. Mais où ira-t-elle cette fois-ci ? Yellis n uqettal est, en quelque sorte, le reflet de ce que vit notre société, dans le silence ! L’histoire tourne autour de ce qu’une femme, parmi tant d’autres, a dû endurer suite à son rejet par la société, qui doit supporter les regards durs de son entourage et leurs préjugés, du fait qu’elle est la fille d’un criminel. C’est une histoire qui revient particulièrement sur la stigmatisation sociale, sur le poids de l’ordre social et de ses traditions pesantes, sur la haine et l’injustice qui oppriment les femmes... C’est un récit plein de souffrance et de violence, mais aussi d’amour, de volonté, de courage, de détermination à aller de l’avant, qui raconte la lutte et la quête d’un peu de liberté et de paix dans un monde sans pitié... », résume encore l’éditeur. Comme elle a l’habitude de le faire dans ses livres, cette fois-ci également, Zohra Aoudia fait un pas vers l’amour, la trahison et la souffrance. Elle brise également les tabous avec le courage et la sincérité qui sont les siens. Dans ce nouveau roman, le lecteur averti décèle, sans grande difficulté, la maturité atteinte par le talent littéraire de Zohra Aoudia, qui a la chance d’être également professeur de Tamazight au lycée Abane-Ramdane du chef-lieu de la wilaya de Tizi Ouzou, ce qui lui permet d’être en contact permanent avec cette langue dont elle se sert pour écrire. Elle ne cesse donc d’aller en profondeur dans cette langue maternelle qu’elle a également acquise tout au long de sa vie parce qu’elle a grandi dans une environnement issu de la tradition orale où la poésie kabyle est omniprésente dans la vie quotidienne même des personnes illettrées dont la vie a été la meilleure école. C’est ce qui explique la force lyrique qui se dégage de ses romans, mais aussi de ses interventions, empreintes de spontanéité et du sens de la répartie.