Un saut dans l’inconnu
Du 27 novembre au 8 décembre derniers, le sort de la Syrie tel qu'il apparaissait au plan régional et international a brutalement basculé. Des forces de l'opposition armée syrienne, cantonnées depuis des années à Idlib et dans sa région éponyme, au nord-ouest frontalier de la Turquie, ont engagé, sous la conduite du groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) une offensive d'autant plus «fulgurante» qu'elle n'a rencontré aucune résistance, s'emparant, tour à tour, de la ville d'Alep, puis de Hama, toutes deux lourdes de symboles, avant de prendre Homs et, moins de vingt- quatre heures plus tard...la capitale, Damas. Les images diffusées par les médias sont d'une vérité incroyable. Elles rappellent, toutes proportions gardées, celles qui ont caractérisé la chute du régime roumain de Ceausescu et de certains dirigeants arabes. Les raisons de ce tsunami politique et militaire sont vite cernées: un engagement nettement moindre des alliés iranien et russe, pour des motifs évidents compte tenu des crises auxquels Moscou et Téhéran font face, l'un en Ukraine et l'autre sur l'enjeu du nucléaire et de la menace occidentalo-sioniste, une armée au bord de l'épuisement et minée par une corruption endémique, un contexte géostratégique aggravé par l'agression sioniste à Ghaza et un expansionnisme forcené dans les territoires palestiniens et libanais occupés. Ces paramètres n'ont pas manqué de peser lourdement sur les alliances du gouvernement syrien qui n'a pas mesuré l'ampleur des conséquences de la guerre entre le sionisme mondial et les axes de la résistance déployés par l'Iran, à commencer par le Hezbollah libanais. Celui-ci a été durement éprouvé par un conflit meurtrier qui se déroule depuis quinze mois et au cours duquel il a perdu bon nombre de ses leaders charismatiques. D'aucuns laissent entendre que Bachar al-Assad n'a pas jouer le rôle qu'attendaient ses soutiens russe et iranien mais en avait-il seulement les moyens? Il est trop tôt pour prétendre cerner tous les mécanismes de cette «offensive rebelle», orchestrée par le groupe HTS, issu d'Al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda. La double dynamique qui l'a rendue possible est, par contre, évidente, avec une armée syrienne en lambeaux et des soutiens russe et iranien amoindris. Il n'en fallait pas plus à la Turquie pour prendre acte de cette nouvelle donne et, les «consultations» avec d'autres parties régionales et internationales aidant, le feu vert a été donné à HTS et aux rebelles pour en finir avec Al-Assad. Le haut commandement de l'armée syrienne se serait réfugié, dit-on, à Tartous et à Lattaquié où se trouvent les bases navales et aériennes dont dispose la Russie. Signe qu'il faudra encore quelque temps pour appréhender tous les enjeux géopolitiques du bouleversement que traverse la Syrie.