La France dans l’attente de la chute du gouvernement
Le dilemme du président Macron
Déposées au niveau de l'Assemblée nationale française, l'une par l'alliance de la Gauche et l'autre par l'extrême droite, deux motions de censure visant le gouvernement Barnier étaient hier soir soumises à l'examen des députés qui, sauf ultime surprise d'un accord de dernière minute entre Marine Le Pen et le camp Macron, devrait entraîner la chute du Premier ministre de droite. Six mois à peine après la dissolution inattendue de l'Assemblée par le président Macron et la convocation de législatives anticipées, la France traverse encore une crise qui devient de plus en plus aiguë, alors que le pays est toujours sans budget. Celui-ci est l'objet de toutes les crispations, la cheffe du Rassemblement national, Marine Le Pen, ayant formulé des exigences que ni Barnier ni Macron n'ont voulu satisfaire, malgré quelques concessions de nature à satisfaire l'électorat d'extrême droite. À 16 h hier soir, les députés ont examiné les deux motions alors que le RN n'a pas cessé, depuis plusieurs jours, d'agiter le carton rouge et promettre de voter la motion conjointement avec les élus de la Gauche pour faire tomber le gouvernement Barnier. Si tel était le cas, ce serait la première fois en France depuis 1962 qu'une telle sentence serait mise à exécution. Or, tout indique que le RN ne fera pas machine arrière, au grand dépit du chef de l'État et de son Premier ministre qui n'ont pas cru, jusqu'à la dernière seconde, que Marine Le Pen «oserait» franchir...la Seine. À vrai dire, le suspense n'était pas de rigueur dès lors que les deux blocs détiennent bien plus que la majorité des voix indispensables à un vote sanction. Le Premier ministre de 73 ans, ancien négociateur du Brexit, aura, du coup, juste tenu trois mois à Matignon. En optant pour le recours à l'article 49.3 de la Constitution pour faire «adopter» son budget controversé, porteur d'une série de mesures drastiques à l'encontre du pouvoir d'achat des Françaises et des Français afin de contenir une crise dramatique de l'économie du pays, Barnier a réussi le tour de force de dresser contre lui et le NPF, alliance de la Gauche, et le RN, rassemblement de l'extrême droite. Jugé «dangereux pour la croissance et le pouvoir d'achat» par le dirigeant du RN, Jordan Bardella, ce budget a nécessité d'âpres négociations au cours desquels Barnier a concédé plusieurs choses avant de se rebiffer face à Marine Le Pen qui en «redemandait sans cesse davantage», selon Macron. Gauche et extrême droite dénoncent avec force la «stratégie de la peur» utilisée par le tandem Macron- Barnier qui mettent en garde contre la menace d'une crise budgétaire majeure au cas où le gouvernement serait censuré. Leur appel à «la responsabilité» n'a pourtant pas trouvé d'écho et c'est dos au mur qu'ils attendaient hier, dans la soirée, le verdict des parlementaires. De retour d'un one-man-show en Arabie saoudite où il a scellé avec le prince héritier un «partenariat stratégique», le président Macron qui ne «pouvait pas croire au vote de censure» devrait peut-être, dès aujourd'hui, songer à la nomination d'un nouveau Premier ministre dont le programme aura bien du mal à obtenir l'aval d'une Assemblée nationale très remontée contre l'Exécutif.