Crise syrienne
Le jour d’après
Les forces rebelles et terroristes qui viennent de s’emparer de Damas avaient comme programme unique la chute du président syrien, accusé de tous les maux par les parties étrangères.
Le pouvoir de Bachar al-Assad s'est effondré hier en Syrie, assailli par une offensive fulgurante de factions rebelles menées par le groupe terroriste Hayat Tahrir al Sham (HTS). La démission et le départ du pays du chef de l'État ont pris de court tout le monde, mettant fin à un demi-siècle de règne sans partage du clan Assad sur une Syrie qui se réveille dans une profonde incertitude. Cet effondrement quasi immédiat du gouvernement Bachar laisse la Syrie dans une situation ouverte à tous les vents, avec le risque de nouvelles ruptures et de morcellement plus graves que ceux induits par la crise de 2011, dans le contexte nébuleux du Printemps arabe. Cette crise a fait près d'un demi- million de morts et plus de six millions d'exilés, tandis que différentes parties étrangères ont cherché à profiter de la situation. C'est le cas de l'entité sioniste qui a mis à profit les tout derniers évènements pour s'emparer de nouvelles parcelles du Golan syrien occupé, confirmant sa détermination, confortée par le président américain élu, Donald Trump, à étendre son territoire au détriment des pays arabes.
Contrairement à ce qui se passe en Libye sunnite où les différends sont d'ordre strictement politiques, la réalité syrienne est plus complexe et plus sujette à des séismes profonds. Les groupes ethniques y étaient ancrés dans une entente consentie qui a, depuis, volé en éclats. La communauté kurde, positionnée pour l'essentiel au nord-est de la Syrie, est dominée par les Forces démocratiques syriennes (FDS-YPG) taxées de terroristes par la Turquie qui combat, depuis des années, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et les accuse de complicité avec cette organisation. Les FDS sont liés aux États-Unis dont 5000 soldats, issus du contingent venu dans le cadre de la coalition internationale en 2014, ont confisqué les puits pétroliers de la région de Deir Ezzor, frontalière de l'Irak. Outre les Kurdes, le pays abrite également la communauté druze dont la position conjugue un nationalisme sourcilleux et une relative autonomie face au pouvoir central. Plus largement, la Syrie compte, en termes statistiques mais aussi géopolitiques, environ 65% d'Arabes sunnites, 15% de Kurdes sunnites, 10% d'alaouites, 1% de chiites ismaéliens, 1% de chiites duodécimains, 3% de druzes et 10% de chrétiens. La famille Assad, issue de la région de Lattaquié, appartient à la communauté minoritaire alaouite et s'est toujours heurtée, de ce fait, à une certaine hostilité des autres groupes ethniques. Le pays avait, en 2014, une population évaluée à 20 millions de personnes mais les conséquences dramatiques de la guerre ont poussé sur les routes de l'exil plus d'un tiers. 3 millions de réfugiés syriens sont en Turquie, depuis le début de cette crise, 1 autre million a trouvé refuge en Europe et, principalement, en Allemagne où l'ancienne chancelière Angela Merkel leur avait courageusement ouvert les bras. 1,5 million composait, jusqu'à ces derniers jours, les habitants d'Idlib et de sa région, au nord-ouest de la Syrie, près de la frontière turque. Il s'agit majoritairement des familles des combattants islamistes du groupe HTS, ex al-Nosra, branche locale d'Al Qaïda, et de ses alliés rebelles dont certaines composantes sont soutenues par Ankara. Issus pour la plupart des villes de Hama, Alep et Homs, ils ont été déplacés de force à Idlib par les assauts conjugués de l'armée syrienne et de ses alliés russe, iranien et libanais. Les forces rebelles et terroristes qui viennent de s'emparer de Damas, forçant Bachar al Assad à la démission et laissant le pays meurtri dans une situation dramatique, n'avaient comme programme unique que la chute du président syrien, accusé de tous les maux par les parties étrangères ayant un quelconque intérêt dans la mise à genoux de la Syrie. Le danger est cependant plus profond et plus alarmant dans la mesure où rien de fondamental n'unit tous ces groupes disparates, qu'ils soient rebelles ou islamistes radicaux, sinon le fait d'atomiser le pays et de permettre aux appétits féroces de certaines entités de s'emparer de ses territoires, sinon de ses ressources.
Il est plus que probable que des dissensions vont apparaître, peu à peu, traduites en querelles puis en affrontements armés, entre les «alliés» d'aujourd'hui et cela pour le plus grand malheur du peuple syrien dont la tragédie ne semble pas près de s'achever. Les calculs des uns et les coups de boutoir des autres participent de cette stratégie qui vise, inexorablement, à dessiner la carte du nouveau Moyen-Orient dont se prévaut la politique américaine, depuis les prédictions du conseiller à la sécurité du président Jimmy Carter, Zbigniew Brzezinsky.