Terroristes et rebelles sont à 10 km de Damas
Les dangers d’une offensive
La question qui se pose est de savoir si, réellement, on assiste, après 13 années d’un bras de fer meurtrier, à un tournant dans le cours de la guerre qui oppose Damas aux divers courants hostiles, plus ou moins téléguidés par des ingérences étrangères.
Mettant à profit une situation chaotique due à l'agression sioniste contre Ghaza, le Liban et la Syrie, des factions rebelles parties d'Idlib, au nord-ouest de la Syrie, sous la conduite du groupe terroriste Hayat Tahrir al-Shem, ex al-Nosra, branche locale d'Al Qaïda, sont parvenus en dix jours à peine à reprendre pied aussi bien dans la ville d'Alep que dans celle de Hama puis de Homs, malgré une résistance acharnée des forces gouvernementales. Selon les informations, il semble que celles-ci aient dû se retirer des localités avoisinantes de la capitale, à une dizaine de km de Damas tout au plus. Cette offensive fulgurante, préparée de longue date avec un feu vert plus que probable de la Turquie, fragilise au plus haut point le gouvernement du président Bachar al Assad, les organisateurs de l'attaque ayant pris en compte les récentes données de la crise qui secoue la région moyen-orientale. En effet, l'agression sioniste contre Ghaza, puis le Liban, a mis dos au mur le mouvement libanais de la résistance, le Hezbollah, tandis que l'engagement de la Russie face à l'alliance atlantiste en Ukraine a également amoindri le dispositif de soutien russe au gouvernement syrien.
Les parties internationales et régionales qui guettaient une telle opportunité ont donc jugé le moment opportun pour déclencher une opération de grande envergure, convaincue de la faible résistance que pourraient opposer les forces armées syriennes.
La véritable question qui se pose est de savoir si, réellement, on assiste, après 13 années d'un bras de fer meurtrier, à un tournant dans le cours de la guerre qui oppose Damas aux divers courants hostiles, plus ou moins téléguidés par des ingérences étrangères.
Partis de l'enclave d'Idlib où ils avaient été acculés par les assauts de l'armée syrienne, soutenue par les alliés russe et iranien entre 2015 et 2017, les terroristes de Hayat Tahrir al-Shem (HTS) et les factions rebelles dont certaines sont soutenues par la Turquie ont donc réinvesti la majeure partie des grandes villes syriennes à l'exception des zones dirigées par les Forces démocratiques syriennes (DFDS-YPG) kurdes, pourtant visées par Ankara qui n'a jamais cessé de les considérer comme terroristes, malgré leur alliance avec les États-Unis. Ceux-ci débarqués dans le cadre d'une alliance internationale devenue obsolète maintiennent une présence de quelque 5000 soldats dans la ville et la région de Deir Ezzor, au nord-est de la Syrie, non loin de la frontière irakienne et ils ont, surtout, fait main basse sur les richesses pétrolières du pays, circonscrites à cette même région.
Idlib, principal bastion de l'opposition armée, qu'elle soit terroriste ou rebelle, a donc permis à ces mouvances de ressusciter, bien des années après leur cinglante défaite. À cela, des causes évidentes puisque la Turquie comme les pays occidentaux ont eu comme leitmotiv de conserver cette épée de Damoclès contre le gouvernement de Bachar al-Assad, accusé d'avoir traîné les pieds pour «démocratiser» la Syrie et permettre aux factions rebelles d'intégrer le champ politique, voire militaire, avec tous les risques que cela implique. On voit mal comment les pays engagés dans le processus d'Astana, à savoir la Russie, l'Iran et la Turquie, les deux premiers aux côtés du gouvernement légitime, la dernière en soutien à la rébellion d'Idlib, réussiront à trouver un consensus minimal lors de la réunion qui s'est tenue hier à Doha, au Qatar dont le Premier ministre a tiré à boulets rouges sur le président Bachar al Assad qui n'a pas, a-t-il dit, «saisi l'occasion de dialoguer avec son peuple et permettre le retour des réfugiés». Il apparaît de plus en plus que l' «offensive fulgurante» des factions d'Idlib, toutes tendances confondues, pourrait devenir, plus vite qu'on ne l'imagine, des plus dangereuses, au point d'enflammer davantage la Syrie et les pays qui l'entourent.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a en effet déclaré hier que le territoire syrien ne pouvait tomber sous le contrôle de terroristes. «Il est inadmissible de permettre à un groupe terroriste de prendre le contrôle de territoires en violation des accords existants, à commencer par la résolution 2254 du Conseil de sécurité de l'ONU qui réaffirme fermement la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'unité de la République arabe syrienne», a averti Lavrov, faisant référence à une résolution de 2015 pour un règlement politique en Syrie.