Crimes de masse en Algérie
Des témoignages accablants
Les crimes français en Algérie, notamment les massacres commis contre des civils désarmés, sont des crimes contre l’humanité.

Dans la pure tradition des enfumades meurtrières commises entre 1844 et 1845, notamment celles perpétrées dans le massif montagneux du Dahra, la France coloniale réédite le coup en 1959 dans une grotte creusée à flanc de montagne, dénommée Ghar Ouchtouh, à Batna. Elle avait alors évolué dans l'horreur en recourant à l'arme chimique. 118 civils désarmés, principalement des femmes et des personnes âgées, sont mortes asphyxiées et brûlées par un gaz chimique interdit. Des témoignages racontent encore aujourd'hui cet épisode meurtrier. Les habitants du village de Tarchiouine évoquent, 66 ans plus tard, ce massacre perpétré un certain printemps 1959, en plein mois de Ramadhan. Ils le décrivent tel qu'il leur a été raconté par des rescapés du sinistre épisode criminel. Personne n'a oublié les deux jeunes hommes de la région, ceinturés d'explosifs, que l'on poussa dans la grotte pour les faire sauter au milieu de civils non armés, est-il rappelé. Et d'ajouter que nul n'a oublié non plus qu'à la suite de cette déflagration, qui se fit entendre à des kilomètres à la ronde, les parois de la grotte furent tellement ébranlées que d'énormes rochers s'en détachèrent, écrasant des dizaines de corps dont quelques-uns étaient inanimés en raison de l'inhalation de gaz chimiques lâchés depuis l'entrée de la grotte par les soldats français. «L'attaque de la grotte par l'ennemi a donné lieu à des scènes horribles de corps entassés les uns sur les autres, entre morts carbonisés et morts par asphyxie au gaz», évoquent des survivants de ce massacre, à l'instar de Mohamed Frik (gardien de la grotte, à l'époque) et Omar Mezghiche. De son côté, Mohamed Frik dit: «Le chaos était tel que la majorité des personnes qui n'étaient que blessées ont fini par succomber à leurs blessures dans d'atroces souffrances», et d'ajouter: «Seules quelques personnes ont pu s'échapper de la grotte aussitôt après le début de l'attaque aux gaz toxiques.» «Toutefois, signale-t-il, la majorité s'est heurtée aux soldats de l'armée française postés aux abords de la cavité», et de préciser que «deux personnes ont d'ailleurs été exécutées par balle». Les mêmes témoignages indiquent que les habitants de Taxlent et des régions voisines, considérant la cavité naturelle comme «sûre» car profonde et faisant face au mont Rifaâ, s'y réfugiaient à chaque fois que l'armée coloniale effectuait un ratissage. L'on ajoute que les chefs de la Révolution firent de cette grotte, tour à tour, un hôpital de campagne pour soigner les combattants malades ou blessés, puis un atelier pour confectionner des uniformes pour les moudjahidine. Les témoignages recueillis sur place par l'APS attestent que les corps de nombreuses victimes se trouvent encore à l'intérieur de Ghar Ouchetouh dont le seul accès est bloqué par les rochers déplacés par les énormes explosions et les tirs nourris du siège mis en place, à l'époque, par les forces coloniales. Selon les moudjahidine Belkacem Kharchouche et Abderrahmane Abidri, un certain nombre de corps ont été retirés, bien plus tard, avec beaucoup de difficultés pour être enterrés au cimetière des martyrs de Tinibaouine, à Taxlent. Le Dr Yazid Bouhenaf, spécialiste en Histoire à l'université de Batna 1, affirme, pour sa part, que les crimes français en Algérie, notamment les massacres commis contre des civils désarmés, sont des crimes contre l'humanité et rappelleront pour l'éternité le caractère abject des tueries perpétrées par la France coloniale. Le ministère des Moudjahidine et des Ayants-droits a débloqué un montant de 5 millions de dinars pour la réhabilitation du monument historique qui honore la mémoire des martyrs de ce massacre et rappelle la barbarie de ses auteurs, a fait savoir la directrice de la wilaya du secteur, Nawal Boukhabia.