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Histoire d’une pâte à tartiner algérienne qui ébranle l’Europe

El Mordjane ou la saga d’une réussite

Cette «success-story» fait peur. Les mastodontes de l'agroalimentaire voient arriver une menace de l'autre côté de la Méditerranée. Ils ont alors commencé leur sale guerre...

«El Mordjane» victime de son succès! La pâte à tartiner «made in bladi», qui a fait fondre des milliers de gourmands à travers l'Europe, vient de subir sa première tentative de sabordage. Vendredi dernier, un coup de tonnerre éclate: l'importation du produit est interdite sur tout le territoire de l'Union européenne. En cause, un règlement complexe, le n°2202?/?2292, invoqué pour interdire l'entrée de produits laitiers issus de pays non autorisés, comme l'Algérie. Officiellement, la dernière cargaison d'El Mordjane, retenue au port de Marseille, serait non conforme aux normes européennes. Cet article concerne les exigences applicables à l'entrée dans l'Union d'envois d'animaux producteurs d'aliments et de certains biens destinés à la consommation humaine. L'Algérie ne figure donc pas sur la liste des pays autorisés à importer des produits contenant du lait. Mais pour de nombreux observateurs, ce prétexte cache une réalité bien plus inquiétante: «El Mordjane» dérange. La concurrence n'aime pas les surprises. Depuis des décennies, Nutella règne en maître sur le marché des pâtes à tartiner, une domination qui semblait inébranlable. Jusqu'à ce qu' «El Mordjane» débarque, venant tout droit d'Algérie, pour bousculer cet ordre établi. Moins sucrée, sans huile de palme et, elle n'en demeure pas moins un succès éclatant, suscitant l'enthousiasme des nutritionnistes et des consommateurs européens. Une vraie révolution qui, en seulement quelques mois, a remis en question la suprématie des géants de l'agroalimentaire.

Un Trabendo inversé...
L'histoire d' «El Mordjane» commence modestement en 2011, lorsque l'entreprise Cebon lance sa pâte à tartiner sur le marché local. On était en plein Covid-19. Les importations était bloquées. Elle a surfé sur cette vague connaissant un bon retour des consommateurs locaux. Pendant des années, ce produit reste toutefois discret, confiné aux rayons des épiceries algériennes. Mais tout change en 2024, quand des influenceurs algériens et de la diaspora propulsent «El Mordjane» sous les projecteurs des réseaux sociaux. Les vidéos vantant le goût de cette pâte, comparée au chocolat Kinder Bueno ou Ferrero Rocher, font exploser la demande. «J'en vendais à peine une cinquantaine de pots par mois, et tout à coup, je me retrouve avec 5 000 ventes en trois mois», témoigne devant des télés françaises un gérant de magasin à Argenteuil, sidéré par la frénésie suscitée par «El Mordjane». À Marseille, les prix grimpent: jusqu'à 13 euros pour un pot de 700 grammes, bien au-delà de ceux des chocolatiers de renom. Mais rien n'arrête les fans, prêts à tout pour goûter cette douceur algérienne.

La sale riposte des géants!
La demande est telle que le produit se vend rubis sur l'ongle, suscitant même des défis Tik-Tok autour de son goût unique. On fait du Trabendo inversé. Alors que c'était la Nutella qui venait dans les cabas d'Europe, aujourd'hui, «El Mordjane» est dans les cabas allant vers l'Europe aux côtés des Marlboro du «bled». Un commerce très juteux du fait que le pot moyen vendu à 750 dinars chez nous est vendu entre 8 et 10 euros dans les magasins officiels, beaucoup plus sur Internet. On vous laisse faire le compte!
Les médias français s'emparent rapidement de ce phénomène. «TPMP», BFM TV, Le Parisien... tous parlent d' «El Mordjane», ce «Nutella made in Algeria» qui fait le buzz. La popularité monte en flèche, et l'Europe voit en «El Mordjane» un véritable concurrent à Nutella. Mais les mastodontes de l'agroalimentaire, eux, ne restent pas les bras croisés.
Le succès de la pâte algérienne est perçu comme une menace directe pour leurs parts de marché, et arrive alors ce que tout le monde redoutait: le blocage! «Quand il y a des risques sur leurs produits, les Européens cherchent n'importe quelle faille pour les protéger.
Nous devons être solidaires et défendre nos produits», déclare Mustapha Zebdi, président de l'Association algérienne de protection des consommateurs (Apoce).

Pour Zebdi, «El Mordjane» n'est pas qu'une simple pâte à tartiner, elle est le symbole de la capacité de l'Algérie à rivaliser avec les géants mondiaux. Le produit a montré un autre visage du «made in bladi»: plus moderne, de qualité, et capable de s'imposer au-delà des frontières. Le phénomène «El Mordjane» s'inscrit d'ailleurs dans une vague plus large de succès des produits algériens à l'étranger. Prenons l'exemple du Coca-Cola produit à Rouïba, en Algérie. Dans un test à l'aveugle réalisé par des internautes, ce Coca-Cola a surpassé des versions venues de plusieurs pays, devenant un favori pour les consommateurs. Sur les sites de vente en ligne, les prix s'envolent. Des produits comme les boissons Schweppes ananas ou agrumes, disponibles uniquement en Algérie, se vendent à prix d'or, atteignant parfois 20 euros pour une simple canette sur des plates-formes spécialisées.

D'autres produits algériens arrivent
Mais ce n'est pas tout. Les biscuits «Qaada», les chocolats «Moments de Palmery», ou encore les céréales algériennes à mini-prix suivent le même chemin. Les consommateurs, qu'ils soient de la diaspora ou étrangers, s'enthousiasment pour ces produits, souvent comparés à leurs homologues internationaux. En été, avec nos émigrés rentrés au «bled» c'était la folie du «made in bladi» sur la Toile. Sur les réseaux sociaux, les éloges pleuvent, vantant non seulement leur qualité, mais aussi leur diversité. En France et ailleurs, ces douceurs venues d'Algérie s'arrachent. Des vidéos TikTok les comparent même aux marques américaines ou européennes, et les résultats sont souvent à l'avantage des produits algériens. Les yaourts algériens, notamment ceux de la marque Soummam, ne sont pas en reste. Les touristes qui visitent l'Algérie tombent sous le charme de la diversité et de la qualité des produits laitiers locaux.

Ils repartent souvent avec des valises remplies de yaourts, de biscuits et d'autres gourmandises, marquant ainsi une inversion des tendances de consommation. Autrefois, c'étaient les Algériens qui réclamaient des produits étrangers; aujourd'hui, ce sont les membres de la diaspora qui demandent des produits algériens, fiers de voir ces saveurs locales conquérir le monde. Même le secteur cosmétique est touché par cette vague de succès. Les produits de la marque algérienne Venus, avec leurs gammes bio et innovantes, s'exportent de plus en plus, séduisant une clientèle étrangère exigeante.

Les raisons de la peur
Le «made in Algeria» est en train de s'imposer, bien au-delà de ses frontières, prouvant que l'industrie algérienne a de quoi rivaliser avec les plus grands noms. Toutefois, il y a un revers de la médaille. «El Mordjane» et les autres produits algériens ne se contentent pas de séduire les consommateurs.
Ils font peur. Non seulement pour leur qualité indéniable, mais aussi en raison des conditions de production beaucoup plus avantageuses.
Avec une main-d'oeuvre qualifiée et bien moins chère, couplée à des coûts énergétiques nettement inférieurs à ceux de l'Europe, ces produits représentent une véritable menace pour les géants du marché européen. Et ce n'est pas tout: les accords de libre-échange entre l'Algérie et l'Union européenne offrent aux entreprises algériennes un accès facilité à ce marché colossal, ouvrant la voie à un commerce de plus en plus équilibré entre les deux rives de la Méditerranée.
Ce modèle économique plus attractif fait craindre une concurrence redoutable pour les producteurs européens. «El Mordjane» n'est donc pas seulement une douceur, elle incarne la montée en puissance du «made in Algeria» qui, pas à pas, risque de redessiner les règles du jeu...

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