Cours particuliers
L’État sonne la fin de la récréation
«Une mafia des cours privés payants» qui s’est emparée d’un filon, où pullulent des entrepreneurs de tous acabits qui n’hésitent pas à transformer «des salles des fêtes en salles de cours.

Adoptés par les parents d'élèves dès les années 1990, les cours particuliers ont fini par devenir un véritable phénomène de «Mode» en Algérie. C'est ce que rappelle d'emblée Boualem Amoura, enseignant et secrétaire général du Syndicat autonome des travailleurs de l'éducation et de la formation (Satef).
Du haut de ses 38 ans de carrière, ce dernier pointe du doigt une mafia qui s'est emparée de ce créneau qui a fini par se muer en une véritable machine à sous, foulant aux pieds les principes élémentaires de la pédagogie. En fait, la question des cours particuliers revient régulièrement à la surface, tantôt comme solution miracle, tantôt comme bête noire de la famille de l'éducation.
Ce retour des leçons privées ou plutôt «payantes» au- devant de l'actualité, vient d'être signé par le ministre de l'Éducation nationale Mohamed Sghir Saâdaoui qui, à l'instar de son prédécesseur, Abdelhakim Belaabed, a soulevé «une problématique de fond dans le secteur de l'éducation». Lors d'une intervention au sein de l'Assemblée populaire nationale, Saâdaoui a alors évoqué l'omniprésence des cours particuliers. Une pratique, dont l'ampleur est telle qu'elle invite à s'interroger sur l'efficacité de l'éducation publique et sa capacité à répondre aux besoins des élèves et de leurs parents, a-t-il suggéré en estimant que cette tendance est révélatrice de lacunes dans l'enseignement en classe et dans les conditions de travail des enseignants. Il a ensuite réaffirmé l'engagement de son département à garantir un enseignement de qualité au sein des établissements publics. «Lorsque les élèves se tournent massivement vers les cours particuliers, cela signifie qu'il y a un problème.» a-t-il répondu à un député. Face à ce constat, les cours particuliers deviennent littéralement une affaire d'État.
Du côté des syndicats, l'on évoque d'ailleurs «une mafia des cours privés payants» qui s'est emparée d'un filon, où, pullulent des entrepreneurs de tous acabits qui n'hésitent pas à transformer «des salles des fêtes en salles de cours, avec une politique des prix qui défie l'entendement, où, l'heure de cours peut être payée à 6000 da.».
Assurément, et au vu de cette évolution dangereuse, les pouvoirs publics entendent mettre de l'ordre dans un domaine hautement stratégique et qui engage jusque même les fondements du système éducatif national.
Des sources citent à ce propos «un marché noir de l'enseignement» et invitent à faire le distinguo entre le programme scolaire dispensé au sein des établissements scolaires publics et agrées et celui dispensé «dans un autre cadre». «Tout contenu prodigué en dehors du canevas officiel ou reconnu est illégal» ajoute-t-on. Premier signe de la volonté de faire prévaloir le droit sur l'anarchie se voit à travers l'initiative de la direction générale du contrôle économique et de la répression des fraudes au ministère du Commerce intérieur et la régulation du marché national, dont le premier responsable, Mohamed Mezghache, a indiqué, que toutes les écoles de langues inscrites au registre du commerce sont tenues de se conformer strictement aux activités qui leurs sont définies, et de se limiter exclusivement à ces dernières.
«Dans le cadre de la régulation des activités économiques et commerciales et pour garantir le respect des activités commerciales définies à chaque entreprise, tous les établissements d'enseignement de langues inscrits au registre du commerce sous le code d'activité 014-607 sont tenus de se conformer à l'activité définie dans leur registre du commerce, relative aux cours de langues, en s'y limitant exclusivement». Cet exemple est édifiant en ce sens qu'il rappelle aux structures d'enseignement privé qu'elles sont censées respecter leurs cahiers des charges et payer des impôts...
La revalorisation des salaires des enseignants plaide enfin, en faveur d'une reconsidération des fondamentaux qui président à l'école algérienne, notamment le retour aux sources, avec un secteur public qui se réapproprie ses pleins droits dans la distillation du savoir.