Un diplomate français écrit une tribune pour «ressouder les liens entre la France et l’Algérie»
Les voix de la sagesse
Comme Michel Duclos, d’autres personnalités politiques et intellectuelles françaises s’élèvent contre l’instrumentalisation de la question algérienne par l’extrême droite.

Au milieu du tourbillon médiatique de l'extrême droite française contre l'Algérie, des voix de la sagesse s'élèvent. Parmi elles, Michel Duclos, conseiller spécial à l'Institut Montaigne, ancien conseiller diplomatique du ministre de l'Intérieur (2009-2012) et auteur de «Diplomatie française» (Éditions Humensis, collection «Alpha Essai»). Dans une tribune publiée par le journal français L'Opinion, il appelle à la raison et à la désescalade des tensions entre Paris et Alger. Dans son texte intitulé: «Comment ressouder les liens entre la France et l'Algérie», cet expert international propose des pistes pour permettre aux deux pays de renouer un dialogue apaisé. Pour lui, «les deux pays n'ont cependant aucun intérêt à ce que la crise actuelle tourne à l'impasse durable». Il souligne que le président Tebboune a déjà initié un mouvement vers l'apaisement: «Il nous semble que l'interview du président Abdelmadjid Tebboune accordée à L'Opinion va dans ce sens», soutient-il. Michel Duclos estime qu'il est temps pour la France d'adopter une posture d'égal à égal dans ses relations avec l'Algérie: «Ce qui serait également nécessaire, c'est que l'on réfléchisse, peut-être d'abord entre experts ou acteurs de la société des deux pays, aux moyens d'établir la relation franco-algérienne sur des bases structurellement plus stables», analyse-t-il. Il va plus loin en suggérant une démarche prospective: «Pourquoi ne pas procéder, dans un cadre informel, à une projection - à échéance d'une dizaine d'années - de ce que pourrait être un rapport bilatéral mutuellement positif, «gagnant-gagnant», sur un certain nombre de sujets clés?». L'une des premières pistes évoquées concerne les investissements français en Algérie.
Michel Duclos appelle les responsables français à s'engager dans des projets à forte valeur ajoutée: «Ce qui intéresserait les Algériens, ce sont des investissements en ingénierie, par exemple, afin de moderniser leur économie. C'est dans cette direction que l'on peut imaginer un scénario gagnant-gagnant pour les prochaines années», estime-t-il. Ce spécialiste insiste également sur la nécessité pour la France d'apporter une reconnaissance aux Algériens qui dépasse la seule question mémorielle: «Ce que les Algériens attendent peut-être de la France pour l'instant, c'est une forme de reconnaissance d'un autre ordre que le mémoriel», observe-t-il. Concernant l'immigration et la circulation des personnes, sujet hautement sensible, Michel Duclos revient sur l'accord franco-algérien de 1968, régulièrement remis en cause par l'extrême droite et certains membres du gouvernement. Or, pour ce spécialiste c'est son pays qui aurait plus à perdre dans cette révision. «On ne voit pas en quoi sortir de l'accord résoudrait la difficulté que nous avons à renvoyer en Algérie les ressortissants de ce pays que nous jugeons indésirables», argumente-t-il. Il met en garde contre une instrumentalisation du sujet: «Quoi que l'on pense du fond de cette affaire, laisser l'acrimonie s'installer à ce sujet fait simplement le jeu des extrêmes». Michel Duclos évoque enfin l'importance de renforcer les liens entre les jeunesses des deux pays. Il insiste sur le fait que «des sentiments de fraternité existent entre les deux peuples» et qu'il faudrait imaginer comment, grâce aux outils modernes de communication, favoriser un dialogue direct entre les sociétés civiles. Dans un cadre non officiel, il plaide pour un exercice de prospective autour de nombreux domaines: «La coopération en matière de sécurité, l'affaire des «réparations» pour les essais nucléaires, voire la lancinante question mémorielle». Il conclut son analyse en appelant à «la construction d'un avenir commun, qui répondrait à l'intensité d'une histoire peut-être douloureuse mais partagée». Cette analyse met en lumière les entraves qui minent la relation franco-algérienne sous plusieurs angles. Loin des discours passionnels et des clivages idéologiques, Michel Duclos trace des pistes de sortie de crise. Comme lui, d'autres personnalités politiques et intellectuelles françaises s'élèvent contre l'instrumentalisation de la question algérienne par l'extrême droite. Dominique de Villepin, Benjamin Stora, Ségolène Royal et bien d'autres appellent à mettre fin à cette «croisade médiatique» et politique contre l'Algérie. Ce sont là les voix de la sagesse...