Constantine
Le grand hôpital est malade
Le professeur Dilmi a souligné l’importance de la prise en charge du patient qui «attend de nous l’espoir d’une guérison».
C'est certainement l'un des meilleurs établissements de santé en Algérie, qui a vu naître des médecins de renom, à l'image des professeurs défunt Guidoum, Ramdhan, du défunt Djamel Bounah et bien d'autres. Il s'agit du Centre hospitalo-universitaire Benbaddis de Constantine, qui, malheureusement aujourd'hui, souffre de plusieurs problèmes. Sa dégradation dure depuis une décennie, malgré les appels multiples des professeurs, maîtres-assistants, assistants et résidents qui y exercent. La situation est devenue à la limite du soutenable, d'où le sit-in observé en cette fin de semaine par ces derniers comptant près de 300 spécialistes dont les paramédicaux. Une protestation organisée à l'intérieur même du CHU dont les organisateurs ont usé d'une grande diplomatie pour se faire entendre et transmettre un message sage et mesuré à l'égard de l'administration, l'invitant à un dialogue et sollicitant l'intervention du ministre de l'Enseignement supérieur.
Après une brève déclaration du médecin chef du conseil scientifique, le Pr Dilmi, qui a souligné l'importance de la prise en charge du patient qui «attend de nous l'espoir d'une guérison mais dans des conditions adéquates», estimant «pour que ce mouvement puisse aboutir vers un résultat probant «il faut qu'on soit unis et solidaires». Cédant la parole au porte-parole du conseil scientifique, le professeur Kitouni, ce dernier a lu un communiqué portant sur les revendications aussi bien en arabe et qu'en français, tout en expliquant le constat désastreux du CHU. Qualifiant la situation du CHU de chaotique, le porte-parole a souligné: «Nous, l'ensemble des médecins-chefs et des professionnels de la santé du CHU Ben-Badis de Constantine, sommes réunis pour dénoncer auprès de vous, la tutelle et les autorités, la situation alarmante que vit ce grand établissement». Il ajoute: «Le grand hôpital, comme on l'appelle à Constantine, assure la prise en charge de la population d'une grande partie de l'Est algérien et dont la mission est de dispenser de soins de haute qualité et la formation de milliers de médecins généralistes et spécialistes.». Mais aujourd'hui, conteste-t-il, «cet hôpital est paralysé».
Cette paralysie, soutient-il, «a commencé depuis des années, et ne date pas d'aujourd'hui; elle est due à un engrenage de dysfonctionnements qui empêchent les professionnels d'exercer leurs missions dans des conditions dignes, aussi bien pour nous, les soignants, que pour le citoyen algérien». Le porte-parole ajoute: «En l'absence d'interlocuteur, et face à une administration sourde face aux appels de détresse depuis plusieurs années, nous venons dénoncer auprès du ministre la dégradation profonde des conditions de travail et des conditions de prise en charge de nos patients, un manque avéré de moyens matériels.» Pis encore, a-t-il fait savoir: «Depuis deux ans, notre hôpital ne dispose même pas de papier.» Ce n'est pas tout puisqu'il a abordé un état affligeant du CHU, indiquant «un délabrement de l'état des services, blocage de toutes les opérations de rénovation, un manque de personnel qualifié et une mauvaise répartition du personnel existant, une insécurité qui règne dans tous les services et notamment les urgences». «La situation, a-t-il regretté, est au point où la sécurité des patients est compromise et la responsabilité de tous est engagée.»
En fin de son intervention, le porte-parole du conseil scientifique souligne: «Nous demandons une réflexion profonde pour une remise à niveau du CHU Ben-Badis afin d'assurer une prise en charge médicale digne pour nos concitoyens à la hauteur des priorités fixées par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune», notant que «récemment, les hautes autorités du pays ont été très sensibles à nos doléances et nous attendons des décisions concrètes».
Ce ne sont pas tous les problèmes qui ont été cités, puisque certains résidents sur place n'ont pas touché un centime des primes de garde depuis une année. S'agissant de la sécurité, mercredi dernier, une résidente a été agressée par la famille d'un patient de 80 ans transféré aux urgences et n'a eu son salut qu'après l'intervention de la police qui s'est aussitôt dépêchée sur les lieux après avoir été alertée. S'ajoutent à cela l'absence d'hygiène et les travaux à la traîne de certains services depuis plusieurs mois, comme nous avons pu le constater de visu, contraignant les médecins à être partagés dans leur exercice entre l'hôpital de Didouche-Mourad et le CHU, faisant parfois des va-et-vient à longueur de journée sur plusieurs kilomètres.