Nous sommes tous responsables
En 1980, même la génération qui n´a pas eu d´attaches solides avec le «printemps berbère» en a conservé des souvenirs. Entre-temps, 22 ans ont passé. Qu´en est-il aujourd´hui? Côté pouvoir, l´optimisme, de rigueur, ne s´est pas démenti. Le gouvernement continue de proposer des solutions alors et, a contrario, les ârchs se contentant de réutiliser la même alchimie dans le seul but de contrer les propositions du pouvoir central. En attendant, côté ârchs, on renâcle à aller au fond des choses et surtout à prendre ses responsabilités. Cela étant, l´idée, la moins contestée à un moment donné, avait permis à beaucoup de gens de dire que dès que le calme et la sérénité reviendront, on se précipitera de part et d´autre pour ouvrir la voie à la résolution des questions en suspens. Des questions comme l´amazighité, l´approfondissement de la démocratie et les indemnités à régler au profit des victimes des émeutes, entre autres questions posées par les ârchs à l´issue de leurs différents conclaves. Se pouvait-il qu´une telle issue fût concrétisée rapidement? A l´évidence non! La preuve c´est que cela fait plus de dix mois que ça dure.
Dans un contexte aussi complexe et dans lequel la part des nébuleuses de «toutes sensibilités» a été non seulement grande, mais à un certain moment décisive, les premiers perdants furent les partis politiques. Pourquoi eux? Tout simplement parce qu´ils n´ont pas été à la hauteur des responsabilités qu´on était en droit d´attendre d´eux. Ceci d´un côté. De l´autre, il est impératif de ne faire aucune distinction entre les partis politiques même si pour certains d´entre eux leur particularisme linguistique les place, aux yeux des gens, aux premières loges de l´irresponsabilité constatée plus haut. Il s´agit ici de responsabilité collective dont les formations auraient pu fournir l´effort de se réunir pour débattre de la Kabylie jusqu´à ce que solution s´ensuive. Une ou plusieurs solutions, peu importe, l´essentiel étant que tout rentre dans l´ordre républicain. Or, qu´avons-nous noté après 1980? Sachant que la question de l´amazighité pouvait prédéterminer le contenu politique des 22 années qui s´ensuivirent, on aurait pu aisément réfléchir aux solutions de substitution à mesure que le poids culturel des comportements revient à la charge, sans recourir au passéisme dont on connaît aujourd´hui la nocivité.
Vingt-deux ans se sont écoulés depuis le «printemps berbère». Et le pouvoir n´a pas réagi comme l´opinion publique aurait souhaité qu´il le fasse. Aveuglé par un amateurisme de gestion du pays à courte vue, étouffé par le clanisme et le régionalisme sans parler de l´argent sale, l´idée qu´un jour, comme un volcan éructant ses premières laves, la Kabylie se réveille pour poser les mêmes problèmes, tétanisée par la dolce vita et la vie facile, le pouvoir avait complètement oublié que l´amazighité était un sujet récurrent. Un sujet cyclique dont la particularité réside dans le fait que plus on l´oublie, plus il accélère son retour au grand jour, plus virulent que jamais. N´est-il pas vrai que gouverner c´est prévoir?
Où en est alors la Kabylie aujourd´hui? Les derniers «dialoguistes» ont rendu compte avant de disparaître. Et les ârchs, dont la «fuite en avant» ne produit plus que des idées d´une profonde platitude, s´enfoncent chaque jour un peu plus dans la routine en ouvrant la voie à un banditisme dont la ressemblance avec celui de Corse déroute parfois. Que reste-t-il à faire sinon convoquer des états généraux aussitôt que possible pour qu´enfin chacun prenne ses responsabilités vis-à-vis de la région kabyle afin que cet abcès de fixation n´encourage plus les dévergondés du monde entier à venir profiter de la proverbiale hospitalité de la région pour y inoculer leurs germes de prédateurs.