ELECTIONS LOCALES
3 mois pour convaincre
Trop d’enjeux sont liés à un vote qui aurait été différemment appréhendé si la situation était plus stable et si la crise n’avait pas pris une telle ampleur.
L´annonce de la date des élections communales et de wilayas n´a pas eu l´effet escompté. Après les législatives du 30 mai, observateurs et classe politique avaient les yeux rivés sur les prochaines échéances afin que chacun soit définitivement fixé sur son sort et que le découpage nouveau de la classe politique soit affiné et pérennisé. Or, l´annonce de cette date, attendue avec impatience par tous, est passée quasi inaperçue tant pour la classe politique que pour les médias. Le choix de la date, pour le Président, était loin d´être fortuit. En décidant de convoquer le corps électoral à l´occasion de la célébration du quarantième anniversaire de l´indépendance nationale, le Président de la République semble avoir tenu à donner un cachet tout particulier aux élections à venir. Or, l´hydre terroriste en a décidé autrement. Les Algériens, qui ont passé le week-end le plus sanglant de leur vie depuis l´avènement de la violence intégriste, ne pouvaient s´intéresser à autre chose. Pas moins de quatre bombes ont été enregistrées cette fin de semaine, alors que l´une d´elle, particulièrement meurtrière, nous a brutalement ramenés en 95, plus précisément à l´attentat du boulevard Amirouche, dont le nombre de victime et la férocité de l´acte atteignaient celui du carnage, commis vendredi, au marché populeux de Larbaâ. Ainsi, est-il permis de dire que l´annonce de ces échéances n´aurait pu choisir pire moment, alors que c´est tout simplement l´effet inverse qui était recherché. Dans son communiqué, en effet, le Président n´a pas manqué de souligner avec force la très grande importance qu´il accorde aux élections locales. Celles-ci, en effet, doivent permettre au peuple de renouer avec son administration. Une obligation répondant parfaitement aux deux mots d´ordre phares du programme présidentiel: la dignité et la fierté. Si un citoyen, dans sa commune n´est pas correctement traité, que peut-il espérer des échelons administratifs supérieurs et, surtout, que pourra-t-il sérieusement croire à sa dignité et à sa fierté dans un pays remis sur les rails de la sortie de crise? Sans doute pas. C´est sous ce prisme qu´il convient, du reste, d´appréhender le très long communiqué rendu public par le Président dans le cadre de l´annonce de la date de ces élections. Le chef de l´Etat, en effet, a particulièrement insisté sur le rétablissement de la confiance entre les administrés et l´administration. Il a, ce disant, indiqué que les garanties déjà apportées lors du scrutin précédent seront reconduites et renforcées afin que le vote du 10 octobre prochain soit encore plus propre et plus crédible. Car, il est vrai que seuls de véritables élus peuvent jouer le rôle que semble escompter le chef de l´Etat.
Cette légitimité qui a fait cruellement défaut à la plupart des élus de 97 sera un leitmotiv dans les actions de l´équipe gouvernementale suivant les très strictes instructions données par le Président de la République. Bouteflika accorde une importance toute particulière à ce rendez-vous. Aux termes de la Constitution, seulement 60 jours de délai auraient été suffisants pour la convocation du corps électoral. Le fait qu´il s´y soit pris aussi tôt c´est que le choix de la date, celle du 5 juillet, devait lui tenir particulièrement à coeur.
Ces échéances, par-delà le traitement médiatique qui en a été fait, interviennent dans une conjoncture particulièrement difficile. On assiste, en effet, à une recrudescence de la violence jamais atteinte depuis les forts moments de l´hydre intégriste, entre 93 et 97. Ce constat, amer s´il en est, a de quoi reléguer au second plan ces élections puisque les Algériens, dans leur for intérieur, doivent finir par se dire que, finalement, les élections ne règlent pas grand-chose, et encore moins la problématique sécuritaire.
Le très faible taux de participation du 30 mai passé peut fort bien être réédité, voire accentué le 10 octobre prochain. Les Algériens sont, dans leur écrasante majorité, déçus par la gestion de leurs collectivités locales. Les trop nombreuses manifestations populaires enregistrées aux quatre coins cardinaux du pays en est une des illustrations. Les élus en prison, et les autres placés sous contrôle judiciaire, près de 700 dit-on, en sont un autre exemple, et non des moindres. Le facteur déception, cette fois-ci, jouera grandement dans le taux de participation. Les partis, qui ne disposent que de trois mois pour convaincre le corps électoral, ne semblent guère pressés de se jeter dans la mêlée. D´aucuns, dit-on encore, se préparent même à prendre des vacances «bien méritées» alors que le peuple, lui, n´aura que ses bombes, ses massacres, sa sécheresse et sa misère pour «égayer» sa saison caniculaire. En revanche, ce sera loin d´être le cas pour l´équipe gouvernementale. Pas de congé en vue. Le programme gouvernemental, qui sera vraisemblablement adopté par le Parlement au courant de la semaine prochaine, entrera en action immédiatement après. Le gouvernement, qui se propose de mettre en branle une véritable opération coup-de-poings dans les domaines sécuritaire, économique et social, compte bien arriver à des résultats palpables avant l´échéance électorale du 10 octobre prochain, ce qui donnera du grain à moudre à la coalition gouvernementale lors de sa campagne électorale. Dans le cas contraire, ce sera l´opposition qui aura le vent en poupe. Cela, dans le cas, pour le moins hypothétique, où la crise en Kabylie serait réglée d´ici à là et où le FFS et le RCD ne boycotteront pas ce rendez-vous. En somme, et même si l´été promet d´être particulièrement chaud, il ne le sera pas pour tous. Les leaders politiques auront bien assez le temps de se souvenir que les citoyens sont aussi des électeurs, d´ici au mois de septembre, après une éprouvante traversée du désert pour les uns, et des plages «dorées à point»pour les autres.