Al Qaîda, une alternative?

L´audace de l´opération menée par Al Qaîda a donné froid dans le dos aux dirigeants américains. L´ampleur de la catastrophe, si les desseins des instigateurs avaient été menés à terme, aurait donné lieu à une hécatombe de l´envergure de celle du 11 septembre 2001. Un attentat majeur en somme, susceptible de plonger tout le monde occidental dans un état de choc sans précédent.
En effet, l´opinion européenne, qui a connu de multiples attentats à la bombe, à l´image de ceux de juillet 2005 à Londres et de mars 2004 à Madrid, estimait très improbable, la réédition de «l´exploit» d´Al Qaîda de septembre 2001. Du seul fait du désamorçage de l´opération à la dernière minute, est manifestement un motif suffisant pour mettre les sociétés occidentales dans un état de peur permanente. En cela, l´organisation de Oussama Ben Laden à réussi son coup.
Mais là où les dirigeants européens et américains ont réellement frôlé la catastrophe «historique» largement en leur désavantage, aurait été la réussite de l´attentat de ce jeudi. Outre le fait qu´une telle éventualité donnerait un véritable atout à Al Qaîda dans la guerre qu´elle mène contre l´Occident, le timing choisi par les hommes de Ben Laden concourrait à ajouter à son crédit auprès des musulmans du monde qui estiment que l´agression menée contre le Liban, constitue une tentative de génocide pure et simple. En effet, si pour le 11 septembre 2001, l´attaque d´Al Qaîda passait pour «gratuite» aux yeux de certains, la tentative d´attentat d´avant-hier intervient dans une conjoncture où les musulmans, se sentant humiliés, trouveraient dans l´acte de l´organisation islamiste une manière comme une autre de punir la superpuissance américaine, dont le soutien affiché à l´endroit d´Israël est responsable du millier de victimes civiles au Liban.
La cote d´Al Qaîda serait à son summum dans les rues arabes, ce qui ne serait pas pour arranger les desseins de l´administration Bush qui poursuit l´objectif d´annihiler toute manifestation anti-américaine dans le monde. En d´autres termes, si les bombes avaient explosé au dessus des Etats-Unis, Oussama Ben Laden aurait remporté une bataille décisive contre George Bush et ses alliés britanniques et israéliens. Et pour cause, la réussite d´un attentat d´une telle envergure ferait basculer des couches entières de populations musulmanes dans le camp de l´islamisme radical. Ces derniers auraient eu la preuve de la possibilité de la réédition d´attentats majeurs, à même de faire plier à terme le géant US. La ferveur pro-islamiste serait multipliée et surtout durablement enracinée dans le tissu social musulman. Ce dernier fournirait des milliers de combattants pour la «cause» djihadiste, ce qui compliquerait encore plus la tâche des services secrets occidentaux. D´ailleurs, l´annonce par Zawahiri, il a quelques jours, de l´engagement dans les rangs d´Al Qaîda de groupes islamistes égyptiens, témoigne de la solidité du discours dur au sein d´une partie de la mouvance intégriste arabe. Cette annonce est, rappelons-le, intervenue dans le même temps qu´un message du même Zawahiri, enjoignant ses «combattants» à frapper l´ennemi «sioniste et américain». L´attentat d´hier sonne comme une mise en application des directives du chef, ce qui ne réduit pas du tout l´inquiétude des Occidentaux, ces derniers se rendant compte de la redoutable efficacité et de la parfaite organisation de la «machine de guerre» islamiste. Une conviction que partagent les islamistes du monde et qui, face à l´agression israélo-américaine contre le Liban, passe pour être la seule issue aux «peuples humiliés».
L´attentat a, certes, échoué au plan opérationnel, mais il a eu un impact psychologique terrible, non seulement en Occident, mais aussi dans le monde arabo-musulman. Al Qaîda a donné la preuve de sa détermination de profiter d´une conjoncture favorable pour prendre un avantage stratégique sur «son ennemi». Devant l´impuissance des dirigeants arabes à agir sur les Etats-Unis, l´organisation de Oussama Ben Laden est en train de se placer comme alternative pour les masses musulmanes. Une pareille éventualité déboucherait sur une véritable guerre de civilisations qui ne connaîtra pas une fin de sitôt.