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PLAN D’ACTION DU GOUVERNEMENT

Ce qui manquait à la feuille de route

Ce programme ne pourra gagner en légitimité et en crédibilité auprès de millions d’Algériens que s’il rend compte des phases successives de son application.

Il convient tout d´abord d´approuver le contenu de ce programme qui va permettre de moderniser les infrastructures existantes, relancer l´agriculture, créer des emplois durables et surtout satisfaire les besoins essentiels des populations. De ce point de vue, la véritable opposition au gouvernement est celle qui consiste à enrichir ce programme, à pointer du doigt ses insuffisances supposées ou réelles, à proposer le renforcement de tel ou tel dispositif et non pas à parier sur son échec. La feuille de route conçue par le président de la République n´est assurément pas destinée à conforter les privilèges des rentiers, des spéculateurs ou des barons de l´import.
En décidant, par exemple, le raccordement de centaines de milliers de foyers algériens aux réseaux d´AEP, de gaz et d´électricité, en affectant 1000 milliards de DA d´aides publiques à l´agriculture sur cinq ans, en réalisant plus de 100.000 ha de nouveaux périmètres irrigués, en livrant un million de logements d´ici 2014, le président de la République et le Premier ministre entendent à la fois améliorer substantiellement les conditions de vie de nos compatriotes, créer des emplois stables et faire intervenir sur l´ensemble du territoire national des milliers d´entreprises privées, tout en donnant l´occasion aux entreprises publiques de disposer de plans de charge sur une longue durée. Quel Algérien, un tant soit peu soucieux de l´intérêt supérieur de son pays, pourrait trouver à redire à ce programme.
Ceci dit, pour le réaliser, il faut des hommes et des femmes motivés. Il est certain que l´amélioration de la qualité de la main-d´oeuvre et les possibilités offertes à sa mobilité constitueront des atouts décisifs. Il est tout aussi important que le gouvernement engage progressivement l´Algérie laborieuse vers la sortie de la tare endémique que constitue la pauvreté salariale. Il est certes normal, ne serait-ce qu´au regard des contraintes qui pèseront de plus en plus lourd, dans l´avenir, sur les budgets sociaux, que la fixation du SNMG ainsi que la refonte de la grille des salaires soient subordonnées à des efforts de productivité de la part de nos ouvriers et de nos cadres. Mais il faut rechercher les origines de la pauvreté salariale en Algérie ailleurs que dans le désintérêt des Algériens pour le travail et l´effort.

Les moyens de la politique budgétaire

Nombre de chefs d´entreprises ne rémunèrent pas à leur juste valeur le travail de leurs salariés, alors même qu´ils en ont les moyens et surtout que les bénéfices qu´ils réalisent consistent pour l´essentiel à accroître scandaleusement leur patrimoine mobilier et immobilier dont des pans entiers échappent à la fiscalité ordinaire. La pauvreté salariale induit, en raison de la chronicité des phénomènes inflationnistes, un déclassement social objectif couplé à un sentiment de marginalisation sociale très fort, peu propice à la mobilisation des agents économiques. Le gouvernement est parfaitement conscient de cette situation qui entend, dès 2009, s´engager dans la réduction de la fracture sociale. Mais il ne s´agira pas seulement d´augmenter les salaires directs pour donner un coup de pouce au pouvoir d´achat mais de revoir, de fond en comble, la fiscalité des revenus. Tant que l´impôt frappera d´abord les titulaires de revenus fixes qui subissent un prélèvement à la source et épargnera les titulaires de rentes qui étalent au grand jour leurs signes de richesses, il est exclu que puisse émerger l´indispensable pacte social interne. Pourtant, lui seul garantirait la stabilité du pays et préviendrait les conflits sociaux, les émeutes et les grèves à répétition qui obligent les pouvoirs publics à recourir à la menace puis à la répression.
Le succès du plan quinquennal est évidemment subordonné aux moyens de la politique budgétaire, à une politique de change réaliste, à la stabilisation des prix sur le long terme et enfin à l´indispensable réforme du marché monétaire.
Parmi les moyens de la politique budgétaire, l´interventionnisme fiscal en constitue une dimension essentielle dans la mesure où il est de nature à modifier la répartition du revenu national, relancer tel ou tel secteur industriel, orienter les dépenses des agents vers un domaine ciblé par les pouvoirs publics (par exemple la réhabilitation de centaines d´hectares de terres cultivables envisagée par le Premier ministre). Or, eu égard à l´insignifiance du rendement de la fiscalité ordinaire, le gouvernement ne dispose pas d´un outil efficace pour orienter sa politique budgétaire. Si la fiscalité ordinaire représentait une contribution importante à la dépense publique, une variation de seulement quelques points des tranches de l´impôt sur le revenu, une modification des taux de TVA ainsi que ceux de l´IBS permettraient au gouvernement d´agir sur la conjoncture économique, sans avoir le regard rivé sur les seules recettes pétrolières.
D´ailleurs, dans les années qui viennent le gouvernement devra oeuvrer inlassablement à l´amélioration du rendement de la fiscalité ordinaire. Quel est le bon système fiscal pour l´Algérie? Celui qui est à assiette large et à taux faible, au demeurant le plus commode et le moins coûteux. Ceci dit, pour susciter un véritable pacte social interne, il conviendra de relever les impôts fonciers prélevés par les collectivités locales (ce qui signifie qu´il faudra faire sortir de l´oubli les projets de réformes des finances locales qui s´empilent), les droits de succession (sauf lorsqu´il s´agit de la transmission des entreprises et pour favoriser les donations précoces permettant aux successibles de sortir de l´indivision qui charrie tant de conflits devant les tribunaux); en revanche, il ne faudra pas toucher à la fiscalité sur l´épargne. Mais l´idéal serait d´instaurer un véritable impôt sur la fortune qui serait assis essentiellement sur les signes extérieurs de richesses (ce dont nous sommes évidemment très loin).

La politique des prix

S´agissant de la politique de change, le débat se pose dans les termes suivants. Tout pays qui possède une monnaie forte peut importer une plus grande quantité de biens à budget constant et effectuer des dépenses plus faibles à volume d´achat constant. Or, le Premier ministre a annoncé que pour 2009 et les années à venir le volume des importations serait en baisse sensible. Il en résulte que le DA n´a pas besoin d´être réévalué. Cependant, pour lutter efficacement contre l´inflation qui est un phénomène en grande partie exogène, quelle que soit l´importance de la baisse des importations, il paraît opportun de procéder en 2009 à une réévaluation progressive (en plusieurs fois) de notre monnaie nationale. Le DA est en effet trop bas par rapport à l´euro, surtout que l´application de l´Accord d´association avec l´UE sera poursuivie et même renforcée à partir de 2012 (disparition de toutes les barrières tarifaires et douanières). Il s´y ajoute un autre argument: l´Algérie n´a pas à redouter un quelconque impact de la réévaluation du DA sur ses exportations hors hydrocarbures puisque le volume de ces exportations ne dépasse pas 1,2 milliard de dollars depuis 10 ans.
En ce qui concerne la politique des prix, il n´est pas à l´ordre du jour de revenir sur le sacro-saint principe de la liberté des prix posé par l´ordonnance du 19 juillet 2003 sur la concurrence. La liberté des prix est la règle, les régimes spéciaux l´exception (tarifs publics, produits pharmaceutiques, etc.). Or, de plus en plus d´entreprises sont en train de remettre en cause les résultats obtenus par le gouvernement en matière de stabilisation des prix en pratiquant des hausses de précaution (provoquées en sous-main par nombre de mandataires et d´intermédiaires douteux mais jusqu´ici impunis). C´est aux pouvoirs publics qu´il appartient d´assurer le libre fonctionnement de l´économie de marché et de garantir l´effectivité de la concurrence. Le Premier ministre s´y est engagé en réponse aux questions des parlementaires le 24 mai dernier. A cet égard, on ne peut que déplorer l´apathie grandissante du Conseil de la concurrence dont pourtant l´ordonnance du 19 juillet 2003 précitée avait considérablement renforcé les prérogatives. Il appartient en effet au Conseil de la concurrence de veiller à la publicité des prix à la consommation, à la communication des tarifs et des conditions de vente entre industriels et distributeurs et l´interdiction des pratiques anticoncurrentiels telles que les ententes, les abus de position dominante ou les pratiques discriminatoires qui continuent de prospérer. Depuis sa création en 1996, jamais le Conseil de la concurrence n´a pris une seule décision digne d´intérêt.

Le financement de l´économie

Le Premier ministre a annoncé son intention de pratiquer une politique monétaire volontariste et de rationaliser au maximum les potentialités du marché monétaire et du marché financier. Force est d´admettre aujourd´hui que notre pays dispose du marché monétaire le plus archaïque du monde et que son marché financier est encore dans les limbes. L´un et l´autre sont un frein à la diversification de l´économie algérienne. Or, le gouvernement envisage une politique monétaire expansionniste, même si aucun dérapage budgétaire n´est à redouter pour les années qui viennent. Seulement, il faudra que le marché monétaire soit capable de traiter des demandes des entreprises qui ont des besoins de trésorerie, celles des banques qui font face à des retraits de dépôts et celles de la puissance publique qui emprunte à court terme. D´autre part, la question se pose de savoir quand sera réellement mis en oeuvre le segment du marché monétaire qui permettra aux entreprises de s´appuyer sur des titres nouveaux (billets de trésorerie, certificats de dépôt, bons du Trésor négociables). S´agissant du marché financier, il n´est certes pas indispensable que l´Algérie dispose d´un marché des actions dynamique. En revanche, il est indispensable que le marché des emprunts obligataires soit ouvert à d´autres entreprises que celles qui l´ont monopolisé jusqu´ici.
Enfin, il faudra bien que notre pays dispose d´un marché primaire où sont émises les valeurs mobilières, et d´un marché secondaire où les titres déjà émis sont échangés. La liquidité des placements n´est pas moins importante que la collecte de l´épargne. Par conséquent, si le gouvernement entend mettre l´appareil de production sur les rails de l´économie de marché, il doit s´atteler à la réforme du secteur bancaire sans cesse annoncée comme imminente mais sans cesse différée.
A ce propos, le report une nouvelle fois de la privatisation des principales banques primaires (CPA, BDL, BADR), en raison des incertitudes liées à la crise financière mondiale, n´est pas convaincant. D´abord, il n´est pas indispensable d´attendre l´issue de la crise mondiale pour réformer le «front office» et le «back office» de nos banques. Ensuite, le nombre de banques internationales, repreneurs potentiels de banques algériennes, qui sont déjà sorties de la zone dangereuse, n´est pas négligeable (HSBC, la plupart des banques arabes, BNP Paribas, JP Morgan, Dexia, etc.).
C´est la première fois depuis la mise en place formelle de l´économie de marché que le gouvernement annonce un plan de redressement aussi ambitieux. Mais il ne pourra gagner en légitimité et en crédibilité auprès de millions d´Algériens incrédules que s´il le réalise et surtout s´il rend compte, de façon sincère, des phases successives de son application. Tout le reste n´est que billevesées.

(*) Professeur d´enseignement supérieur

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