Entre terroristes et rebelles
La vie des touristes européens disparus dépend de la survie des ravisseurs.
Avant leur libération à Tessalit dans le nord du Mali, les touristes européens, neuf Allemands, quatre Suisses et un Néerlandais, enlevés le 19 février dernier dans le Sahara algérien auront vécu un calvaire de 179 jours de détention. Avant cette libération qui reste à confirmer, les 32 otages européens enlevés à des moments différents ont beaucoup voyagé. En avril, alors qu´ils se trouvaient encore en Algérie, une attaque meurtrière menée par les forces de sécurité algérienne contre un des groupes de ravisseurs avait permis la libération de 17 prisonniers. Localisés à différents endroits, les otages restants sont finalement arrivés au Mali. Mais toute la région connaît des frontières que passent allègrement les contrebandiers, les aventuriers et les trafiquants de tout acabit. Depuis il a été confirmé que les ravisseurs sont des membres du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Gspc). Un mouvement proche du réseau Al-Qaîda qui s´est spécialisé dans les attaques-surprises spectaculaires contre les contingents militaires et les coups médiatiques. D´ailleurs l´enlèvement de touristes entre en droite ligne de cette stratégie. Si le chef des ravisseurs Ammari Saïfi dit Abderrezak El-Para n´est autre qu´un ancien militaire aguerri, en contrepartie, il a en face un ancien rebelle assagi depuis le temps. Si on ne possède aucune photo d´Amari Saïfi, un ancien déserteur passé au GIA, puis au Gspc, en revanche celle du médiateur malien Iyag Ag Agali, est visible sur les sites internet.
En effet, excepté un portrait-robot peu d´informations sont recueillies au sujet de Abderrezak El-Para, chef présumé des ravisseurs. Cet ancien parachutiste militaire a apparemment effacé tout derrière lui. A l´heure actuelle il demeure comme une inéquation à plusieurs inconnues. Ni son âge, ni son grade (sergent ?), ni même la région dont il est originaire ne sont divulgués. D´ailleurs il n´a jamais figuré sur les avis de recherche diffusés par les services de sécurité algériens. Une autre question qui restera pour longtemps encore sans réponse. Après avoir déserté la base de commandos de Biskra, El-Para a rejoint Hacene Hattab, alors chef de la région Kabylie du Groupe islamique armé (GIA), avec une dizaine de ses hommes. Avec eux, il forme une véritable garde prétorienne autour de Hattab. En 1998, celui-ci fonde le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Gspc) et prend Saïfi comme bras droit. El-Para est chargé du commandement de la zone est de l´Algérie. Très proche du fondateur du Gspc, El-Para lui aurait sauvé la mise lorsque le «majiliss» (conseil) du mouvement a cherché à remplacer Hattab par Abdelmadjid Dichou, éliminé au bout de deux mois pour avoir cherché à renouer le contact avec les autorités. Voici un petit aperçu de l´homme qui détient en otages depuis 179 jours les touristes européens que le médiateur malien devait convaincre de libérer. Une tâche très délicate, certes, mais pas impossible pour celui qui a le même caractère que son antagoniste. En effet, Iyad Ag Agali est loin d´être un enfant de choeur. Insatisfait du sort réservé à sa région, Kidali, par le pouvoir malien, Agali, chef politique et militaire du Mouvement populaire de l´Azaouad (MPA), décide de prendre les armes contre le gouvernement de Bamako en 1990 pour la reconnaissance des besoins économiques de cette zone du nord du Mali. Comme beaucoup de Touareg, il connaît tout de son vaste désert, le climat, l´histoire et surtout les souffrances. Dans le parcours de ces deux hommes, beaucoup de similitudes sautent à l´esprit dans leur façon de voir les choses. En effet, ils sont tous les deux portés sur les coups médiatiques. Du temps de la rébellion targuie Iyad Ag Agali donnait deux consignes à ses hommes : ne s´attaquer qu´aux symboles de l´Etat et à des cibles militaires. Drôles de coïncidences. D´ailleurs lui-même aurait dirigé l´assaut contre une garnison de Menaka (à l´extrême est du pays) en 1990, qui a déclenché la rébellion. S´il figure parmi ceux qui ont lancé la salve de la contestation, il est aussi de ceux qui en ont éteint le feu, et ce dès janvier 1991, lors de la signature avec l´armée des accords de cessation des hostilités, conclus sous médiation algérienne à Tamanrasset. En 1991, il signe avec l´armée un accord de cessation des hostilités, sous une médiation algérienne. Des accords qui ne seront officialisés qu´en 1996 à Tombouctou, lors d´une cérémonie dite «La flamme de la paix». Une paix qu´il tente encore aujourd´hui de faire triompher afin que son pays puisse bénéficier d´une aide que l´Allemagne a promise au Mali dans le cadre de la relance économique. Entre les desseins des uns et des autres, la vie des otages reste suspendue au bon gré des humeurs. L´épilogue est-il en vue?