CRISE EN KABYLIE
Jusqu’à quand le silence du Président ?
Il est légitime de se poser la question de savoir pourquoi la contestation continue toujours.
La crise en Kabylie n´a que trop duré et sa solution tarde à pointer à l´horizon, en dépit des innombrables atouts et opportunités dont dispose aujourd´hui le pouvoir politique, mais dont il semble faire un piètre usage. Le déficit en communication effarant qui caractérise les dirigeants actuels sur la question et leur gestion bicéphale (sécuritaire et politique), souvent contradictoire, ne font que retarder l´échéance.
Les 117 morts et le millier de blessés de cette plaie béante qu´est devenue la Kabylie aujourd´hui, et dont l´onde de choc a même atteint d´autres régions du pays, ne suffisent-ils donc pas à provoquer un sursaut d´intelligence et de prévision pour éviter le dérapage? D´autant que les mesures annoncées par le premier magistrat du pays, entre autres le remplacement des gendarmes et la délocalisation des brigades de gendarmerie, la constitutionnalisation de tamazight et l´indemnisation des victimes, n´ont pas suffi. Du coup, il est légitime de se poser la question de savoir pourquoi la contestation continue toujours. Chacun y va de son commentaire. D´aucuns diront que les engagements du Président sont torpillés par des forces qui, après avoir consommé leur échec sur le plan politique, tentent de s´accrocher bec et ongles au mouvement en misant sur sa généralisation pour justifier une intervention «salutaire». D´autres iront plus loin, en avançant le complot ourdi impliquant la main étrangère. De ce fait, la grâce amnistiante du Président de la République envers les premiers détenus du mouvement citoyen n´a pas servi à grand-chose. Et le pouvoir «tâtonnant» a vite cédé le pas à la tentation de la solution sécuritaire en jetant en prison d´autres délégués.
Aujourd´hui, la situation est plus grave encore. Le sort des 22 grévistes de la faim, détenus à la prison de Tizi Ouzou, est entre les mains des autorités en charge du dossier. Et si leur état de santé bascule vers l´irréparable, c´est la crédibilité de l´Etat algérien qui en pâtira.
Un pouvoir qui se dit fort de ses institutions élues et de son image de marque qui s´améliore graduellement sur le plan international, notamment par rapport à sa lutte contre le terrorisme, peut-il se permettre le luxe de gâcher une telle opportunité pour mettre un terme à ce climat de rébellion qui règne dans une partie du territoire national? La question mérite d´être posée. Le chef de l´Etat n´a-t-il pas le droit, au nom de l´intérêt suprême du pays et du salut de toute une population blasée par cette situation de «ni guerre ni paix», de prendre de court des apprentis sorciers qui attisent le feu, et user de ses prérogatives constitutionnelles pour élargir des détenus du mouvement et prendre en charge les revendications non encore satisfaites de la plate-forme d´El-Kseur.
Peut-on occulter le fait que la région accumule un retard préjudiciable au pays sur le plan économique?
De plus, quel que soit le poids des charges que l´appareil judiciaire peut retenir à l´encontre des détenus incarcérés, le spectre de la fascisation guette le mouvement et les maîtres à penser de cette mouvance ne sont pas ceux que le pouvoir voue aux gémonies.
Les partisans de la politique de la terre brûlée sont ailleurs et il est du devoir des décideurs d´user de la franchise nécessaire pour satisfaire une revendication légitime et la soustraire aux calculs politciens.