L'Expression

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Cinq ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale

L’armée française imitait la Gestapo en Algérie

«Les sévices de 1950-1951 (…) le supplice de la baignoire, le gonflage à l’eau par l’anus, le courant électrique sur les muqueuses…»

Le thème des pratiques de l'armée coloniale française rapporté au nazisme n'est pas le seul fait du journaliste Jean-Michel Aphatie. L'écrivain, Claude Bourdet, qui fut résistant, déporté, compagnon de la Libération, journaliste, chef d'entreprise et militant politique français de l'Union de gauche, a eu ce titre révélateur Votre Gestapo algérienne, en décrivant dans le journal France-Observateur «les conditions dans lesquelles plusieurs nationalistes algériens ont été arrêtés, retenus, «interrogés» et incarcérés par la police». François Mauriac, lauréat du Grand prix du roman de l'Académie française en 1926, membre de l'Académie française au fauteuil no 22 en 1933 et prix Nobel de littérature en 1952, a écrit dans son «bloc-notes» de l'Express, un texte titré La Question. Ces deux illustres intellectuels ont témoigné des méthodes nazies pratiquées par l'armée française. Cela bien avant l'éclatement de la guerre de Libération nationale.
Claude Bourdet écrit: «À l'heure actuelle (...) nous savons, par une série de témoignages concordants et dignes de foi, que les sévices de 1950-1951 (...) le supplice de la baignoire, le gon?age à l'eau par l'anus, le courant électrique sur les muqueuses, les aisselles ou la colonne vertébrale, sont les procédés préférés» des tortionnaires. «Le supplice de la faim est également constant», écrit-il. Et il ajoute: «L'empalement sur une bouteille ou un bâton, les coups de poing, de pied, de nerf de boeuf, ne sont pas non plus épargnés». Cette description, est nécessaire. Le résistant rapporte des témoignages dans le détail. Ce qui explique, écrit-il, pourquoi «les tortionnaires ne remettent les prisonniers au juge que cinq à dix jours après leur arrestation». Nous sommes cinq ans avant le déclenchement de la guerre de Libération nationale et cinq ans également, après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les militaires français agissaient déjà comme les hommes de la Gestapo.
Dans son «bloc-notes», François Mauriac relate le témoignage d'un homme qui a vu les séquelles des tortures auxquelles avait été soumis Moulay Merbah, secrétaire général du Mtld et homme de confiance de Messali: «Son dos était couvert de plaies ouvertes ou à peine fermées. Un gardien de prison affirma que l'accusé était dans cet état-là lorsqu'il avait été écroué.» À cette révélation qui en disait en principe long sur le séjour du militant du Mtld dans le commissariat, le médecin légiste a eu une réaction indigne d'un membre de la corporation médicale. Il «fut d'avis que Moulay Merbah se portait le mieux du monde: c'est ce certificat qu'a eu entre les mains le ministre de l'intérieur...». Et cet épisode date de bien avant la création du FLN. «Je pourrais vous raconter l'histoire d'Adad Ali, conseiller municipal d'Alger, dont journalistes, avocats, magistrats qui se trouvaient dans le couloir quand on l'amena, constatèrent l'état d'hébétude. À la face, aux jambes, les traces de coups étaient visibles. Le juge convoqua sur l'heure un médecin», écrivait Mauriac. Et d'annoncer d'autres noms de militants algériens: «Et Laichaoui, l'ami de Mme Mounier, de Domenach, du professeur Mandouze, comment douterions-nous de sa parole quand il raconte ce qu'il a subi?...». «Si vous connaissiez la prison de Tizi-Ouzou! Les détenus y sont parqués à soixante et onze dans des pièces de 500 mètres carrés. Il leur est interdit d'ouvrir la bouche, fût-ce pour prier», décrivait-il. Des «droit commun» les surveillent. L'écrivain en est arrivé au constat implacable que ce qui se pratiquait en Algérie relevait de «l'école de Himmler, quoi! Quel héritage!».
La Gestapo dans toute son horreur a été ressuscitée dans le cas de Mohammed Laichaoui. Et ce n'est pas n'importe qui. Ancien élève du Centre de formation des journalistes, ancien collaborateur de Monde ouvrier et d'Esprit, Laichaoui aurait été «passé à la baignoire» et « traité deux jours plus tard à la torture électrique». Le conditionnel a disparu lorsque la vérité a éclaté. Le ministère de l'Intérieur de l'époque a annoncé l'ouverture d'une enquête sur les nombreux cas de tortures rapportés par Bourdet et Mauriac. Résultat: «Jusqu'à présent tous les faits sur lesquels il a enquêté se sont révélés inexacts. Mais un certain nombre restent encore à vérifier, et on ne peut préjuger le résultat de ces vérifications».
Dossier clos. Il n'y a rien à voir. C'est dire que l'administration coloniale a toujours couvert les crimes commis par ses agents, et démenti des écrivains de renom. Les dénonciations de Bourdet et Mauriac étaient des actes courageux, censés interpeller les consciences. Mais la France de l'époque a préféré mettre la poussière sous le tapis. Aujourd'hui encore, l'extrême droite, héritière de cette administration coloniale continue à nier les faits et démentir des journalistes et des historiens sur un passé colonial crasseux, dont seuls leurs ancêtres en sont responsables. Le citoyen français a de tout temps été laissé dans l'ignorance de ce que fut la réalité de la colonisation. 

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