LE CONSEILLER DE M.LOUH RÉAGIT À LA POLÉMIQUE AUTOUR DU CTR
«La responsabilité est collective»
«<I>Si les déclarations de M.Aoun se confirment, l’Etat prendra les mesures nécessaires</I>», explique M.Graba.
La polémique autour du Comité technique de remboursement (CTR) soulevée par les producteurs locaux des médicaments, à leur tête Saïdal, impose un débat sérieux sur la politique des médicaments en Algérie, c´est l´avis de M.Graba, conseiller auprès du ministre du Travail, chargé de la Sécurité sociale. Les lacunes enregistrées dans la gestion de ce dossier épineux ne peuvent incomber uniquement à une seule partie. «La responsabilité est collective», ajoute notre interlocuteur. Il en veut pour preuve le fait que «cette institution a toujours travaillé en collaboration avec les opérateurs économiques d´une part, et, d´autre part, il faut savoir que le comité est géré par trois ministères. En plus du département de M.Louh, siègent des représentants de la Santé et du Commerce».
Réagissant sur les déclarations proposant la dissolution dudit Comité, M.Graba affirmera: «Cette mesure est du seul ressort des autorités publiques». Quant aux accusations portées par le P-DG de Saïdal évoquant d´éventuelles complicités entre des membres du CTR et des laboratoires français, il précisera qu´ «elles n´engageront que M.Aoun», tout en garantissant que «si elles s´avèrent vraies, les autorités ne tarderont pas à prendre les mesures nécessaires». A-t-on dégagé une enquête pour lever le voile sur cette question? Notre interlocuteur s´abstient de répondre.
Par ailleurs, M.Graba a tenu quand même à apporter quelques «éclaircissements», nécessaires à son avis, pour la compréhension du dossier relatif au remboursement des médicaments en Algérie. Il soulignera à ce sujet que «le CTR ne fait que proposer les listes des médicaments remboursables, ainsi que les prix de référence».
Il y a eu tout d´abord l´arrêté interministériel du 19 janvier 1998 ayant décidé le non-remboursement de 109 médicaments produits dans leur majorité par des laboratoires nationaux.
La liste a été fixée à travers les critères suivants, les services médicaux rendus, la classe thérapeutique, la disponibilité des médicaments sur le marché et la production nationale.
Des recours ont été introduits à l´époque par les producteurs nationaux, ayant abouti à la réintégration des 12 médicaments ; en mai 2001 un deuxième arrêté est venu établir une liste de 897 DCI (Dénomination commune internationale), remboursables, ce qui correspond à environ 1300 médicaments; vient après l´arrêté de 2 juillet 2001 ayant statué sur le prix de référence, «en tenant compte du prix du générique le plus bas». Cet arrêté n´a cessé de soulever, depuis, la grogne des producteurs nationaux.
Selon les observateurs avérés, la production locale a été la grande «oubliée» du CTR. Tout en reconnaissant cet état de fait, le conseiller de M.Louh a néanmoins tenu à insister sur l´opportunité de définir la part de responsabilité incombant à chaque secteur. «Le CTR a travaillé sur la base des données livrées par d´autres secteurs». Explication: «Ce sont les listes des médicaments enregistrés, ainsi que les dépôts de prix établis respectivement par la ministère de la Santé et celui du Commerce qui avaient déterminé à l´époque la grille des médicaments remboursables».
Or les informations communiquées par ces deux départements «se sont avérées incomplètes», à en croire notre interlocuteur. Tout d´abord, le CTR avait travaillé sur la base du dépôt de prix effectués en 1999, ayant concerné uniquement les produits importés.
Dans un sens plus explicite, le comité avait pris en compte à l´époque uniquement les prix des médicaments importés et ce «en l´absence de dépôt de prix pour les productions locales, ce qui explique l´écart entre le prix de référence et le générique algérien».
Le P-DG de Saïdal a été le premier à avoir attiré l´attention des autorités publiques sur cette question.
Afin de remédier à cette situation, un arrêté interministériel complémentaire est en signature depuis avril.
Il concerne la fixation des prix de référence pour 250 médicaments (l´arrêté de juillet 2001 ne concerne que 647 médicaments). «Cet arrêté tiendra compte, contrairement au premier, des prix du générique algérien», rassure M.Graba. Cependant l´on sait d´ores et déjà qu´il n´y aura pas une révision de la première liste. «Si les producteurs nationaux sont en mesure de répondre aux besoins du marché algérien, nous ne pouvons que les appuyer, mais il faut savoir que pour le moment l´importation assure près de 70 % des besoins nationaux en médicaments». Parmi les autres mesures prises, il y a le remboursement de 23 médicaments produits par Saïdal. Ces médicaments ont été rayés initialement par «omission» Il s´agirait «d´une erreur dans l´enregistrement des noms commerciaux des médicaments de ce groupe au niveau du ministère de la Santé et des caisses sociales» .
Comment expliquer ce dysfonctionnement qui porte encore une fois préjudice à la production locale? S´agit-il d´un simple hasard ou d´un complot fomenté «par les cercles de la mafia des médicaments» tel qu´avancé par les producteurs locaux.
«Je vous évoque la situation telle qu´elle se présente sur le terrain», s´est contenté de répondre M.Graba.
«Si nous avions appliqué cette procédure, on aurait provoqué des émeutes à travers le pays», considère M.Graba. Pour les raisons de ce gel qui dure depuis une année, il évoquera, entre autres, l´écart flagrant entre les prix de référence et ceux du marché. Il cite à ce sujet l´exemple de Diclofenac, un médicament qui se vend à 122 DA référencé à 89 DA.
«Souvent, on ne retrouve pas les prix déclarés par les importateurs au niveau des pharmacies». «L´Etat doit montrer plus de rigueur dans le contrôle du marché de l´importation», estime-t-il. Il y a aussi la multiplication des prix pour un seul médicament (Eferalgan entre 168 et 396 DA). Seulement, 30 % des médicaments remboursables portent sur les vignettes les prix de référence.
«Cette situation nécessite une intervention rapide des ministères de la Santé et du Commerce», affirme-t-il.
Les coûts financiers que supportent annuellement les caisses de la sécurité sociale «deviennent de plus en plus insupportables». Il suffit de préciser que la Cnas a déboursé uniquement pour l´année 2001 21,7 milliards de dinars dans le remboursement des médicaments, contre 0,8 en 1988. «La Cnas n´est pas une banque», insiste M.Graba, qui propose la révision de la politique de Sécurité sociale. Sur sa lancée, il note la volonté des autorités publiques à ne rembourser dans le futur que les médicaments essentiels. «Les laboratoires nationaux devront se lancer dans des productions sérieuses, et penser plus à l´intérêt du malade qu´aux dividendes pécuniaires, ce qui n´est pas le cas pour le moment, à l´exception du groupe Saïdal».
Dans un autre chapitre, il précise qu´il est important pour le ministère de la Santé d´imposer des discussions pour la fixation des prix des médicaments importés. « C´est à l´Etat d´imposer le barème des prix des médicaments, et non le contraire», insiste-t-il.
Cela lui permettra de contrôler un marché juteux. Aux caisses de faire des économies et de se lancer dans d´autres créneaux, comme le remboursement de l´appareillage.
Notre interlocuteur propose la création d´une charte thérapeutique pour les médecins afin d´amortir les coûts des remboursements: «Il est paradoxal de constater qu´en Algérie des médecins prescrivent des traitements différents pour la même maladie, certains d´entre eux gonflent les ordonnances, engendrant ainsi des pertes injustifiées pour les caisses de Sécurité sociale». Une étude d´évaluation apprend-on est au stade de préparation au niveau de la tutelle afin d´estimer le montant global des pertes financières causées notamment par les «malades fictifs».