PROMOTION DU TOURISME DANS LE SUD ALGÉRIEN
La séduction par Tam
La séduction pour le retour des touristes au Sud algérien a commencé par Tam l’enchanteresse. La volonté était perceptible, mais beaucoup de réflexes demeurent rouillés par des années d’inactivité.
Perché sur l´Askrem qui culmine à plus de 2 000 m d´altitude, Briere Arnaud, un Français, employé à l´aéroport de Bâle-Mulhouse, a lâché cette phrase pour dire son émerveillement devant l´immensité de ce paysage lunaire: «En tant qu´humain, on reprend notre vraie dimension sur cette terre en contraste avec la vie trépidante des villes.» A Tamanrasset, les qualificatifs tels que immense, fabuleux, incroyable, trouvent véritablement leur sens. Que l´on soit au pied d´une cheminée volcanique ayant plus de 20 millions d´années, sur le socle granitique qui témoigne d´une histoire de quelque 3,5 milliards d´années ou sur les pics culminants à des milliers de mètres, épuiser son vocabulaire d´émerveillement, comme on épuise son eau au désert, devient une chose presque évidente, cela dans le cas où l´on perdrait tout simplement son bagou. L´oeil se libère. Les contraintes citadines, qui empêchent souvent de voir plus loin que...l´immeuble d´en face, sont abolies. De l´Askrem par exemple, on a un champ de vision qui peut atteindre les 120 km. L´Eductour, organisé par Antinea Airlines du Groupe Khalifa et auquel ont participé des tour-operateurs français, allemands et suisses, trouve tout son sens tant il visait la mise en valeur du patrimoine touristique et donc la promotion du tourisme dans le Sud algérien. L´engagement de cette compagnie dans cette opération de séduction en direction des tour-opérateurs et des agences de tourisme étrangères, dénote sa volonté de replacer l´Algérie dans la place qui lui revient dans le circuit touristique mondial.
A l´image de l´économie et des autres secteurs, le tourisme a, lui aussi, subi les contrecoups de la situation sécuritaire qui a caractérisé l´Algérie pendant dix ans. La destination «Alger» a été presque bannie, même si des touristes étrangers n´ont jamais complètement «boudé» le Sud algérien. Le choc a été évidemment ressenti par les centaines d´agences de tourisme qui se sont développées au Sud. «Ça fait dix ans qu´on n´a rien fait», confie Lamine, notre guide chauffeur. Gernot, un jeune Autrichien, volcanologue de formation, rencontré à l´Askrem lors de cet Eductor, nous a affirmé qu´il n´a jamais été question pour lui de visiter l´Algérie tant les informations qu´il recevait par les médias ne l´y encourageaient guère. «J´ai toujours eu l´idée que faire du tourisme en Algérie relevait de l´absurde.» Depuis la fin des années 80 déjà, le département des Affaires étrangères suisse avait déconseillé la destination algérienne aux agences de tourisme suisses, a expliqué Joseph, représentant de Wastrels Reisen, une des plus importantes agences de voyages en Suisse. «Avant de me rendre en Algérie, ma secrétaire m´a demandé la chose suivante: ´Tu me lègues tes biens´´.» Le flux des touristes suisses s´est dirigé vers la Libye. Il a fallu que Kadhafi affiche sa bonne volonté pour que les agences de tourisme suisses aient l´aval du gouvernement. Plus de 1000 touristes s´y sont rendus durant l´année 2002. «Votre gouvernement en fera-t-il de même pour l´Algérie quand il lira votre rapport?», avons-nous demandé à Joseph, qui a répondu que «si cela tenait à cette seule considération, les choses vont évoluer vite et bien».
Après une nuit glaciale rappelant, selon la nationalité, le froid des Pyrénées, du Jura ou encore celui du Djurdjura, les invités d´Antinea redescendent vers la ville de Tam en procession et en empruntant 80 km de piste hostile à toute mécanique moderne quel que soit son design. Seuls les chameaux sont autorisés à passer, semble dire cette nature rude. De fait, la Toyota est appelée «chameaux modernes» chez lesTouareg.
Le chemin est très dur, mais c´est peut-être le prix à payer pour ce beau paysage. Des coulées basaltiques, qui se dressent en montagnes et témoignant d´un volcanisme qui a caractérisé cette région, lui confèrent un paysage lunaire. L´érosion caressant ces reliefs volcaniques qui ont osé surgir de la terre il y a 20 millions d´années, a façonné des formes: une femme targuie avec son chèche, une tête d´éléphant, de lion ou d´une molaire cassée sont autant d´«images» - qui défilent sous le regard hébété des - touristes parfois vénérées par les autochtones qui, depuis des millénaires, n´avaient d´autres refuges contre les agresseurs, que ces montagnes. «C´est la montagne Ilamane», fait remarquer le guide Lamine. Elle culmine à 2900 m d´altitude, elle est âgée d´environ 10 millions d´années, c´est la phase moyenne du volcanisme du Hoggar qui en comprend trois dont la plus ancienne remonte à 20 millions d´années et la plus récente à quelques dizaines de milliers d´années. Ilamane veut dire qu´il y a de l´eau en dialecte targui, explique le guide. Cette appellation est confirmée quelques kilomètres plus loin quand la caravane moderne s´arrête au bord d´une rivière qui, elle aussi, s´appelle Ilamane et coule au flanc d´un socle granitique ayant, selon les géologues, assisté au Big Bang. Trente minutes ont suffi pour avaler les mets, par ailleurs consistants, et déguster le thé préparé sur place.
Quand la caravane atteint, quelques kilomètres plus loin, le village de Tarhanante un marché de l´artisanat a été tout de suite improvisé par les femmes targuies.
On nous informe que ce circuit n´a pas été emprunté par les touristes depuis plus de 15 ans. Ce village compte 300 habitants, la sédentarisation a commencé durant les années 70. Parmi la centaine de qui existent au niveau du Hoggar, Tarhanante est l´un des rares à posséder une école primaire un internat, un centre de soins et une alimentation électrique avec des cellules photovoltaïques. Le premier à réagir fut l´adjoint au maire de la ville de Mulhouse qui s´indigne «de cette façon de débarquer chez des personnes comme on va au zoo». Pour lui, ce n´est pas avec un tourisme hypothétique qu´on va assurer la survie des gens. Hèlene Haslé, représentante de l´association Voies nomades, abonde dans ce sens, en faisant remarquer qu´aucun échange n´a été effectué lors de cette entrevue ajoutant que si on trouve les éléments d´une réflexion positive (électricité, école et centre de soins) on est loin du développement durable du tourisme. C´est cette nouvelle approche que compte développer Voies nomades en Algérie dont l´une des finalités est la connaissance réciproque des cultures ainsi que la défense de la diversité. Voies nomades se place comme objectif le développement des actions citoyennes de coopération et d´échanges entre ici et ailleurs en liaison avec les populations nomades. Cinq familles ont été identifiées au village d´Outoul pour recevoir des touristes prochainement. Pour donner une signification réelle à la conception du tourisme durable, le financement du voyageur contient une part allant à des projets de développement spécifiques. L´implication du touriste est impérative car tout dépend de l´idée qu´il se fait des populations auxquelles il rendra visite. Le passionnel, l´exotique et l´authentique en font partie, mais il sera tenu de s´astreindre aux exigences de l´environnement physique et traditionnel. La représentante de cette association très passionnée par son sujet a réussi à avoir l´aval du responsable de communication de Khalifa, M.Hassas, pour appuyer le projet, suite à un brillant exposé. Contrairement aux autres secteurs économiques, le tourisme demeure structurellement horizontal dont le développement est fortement lié à l´environnement général. Il va de soi que cette conception du tourisme permettra d´aboutir à une industrie touristique sans pour autant conduire à la destruction des particularités et des caractéristiques régionales. A ce titre, les expériences des Marocains et des Tunisiens sont significatives. Le littoral complètement bitumé des hôtels cinq étoiles et le tourisme perd toute sa signification après une certaine période quand l´exotisme recherché par l´étranger se dilue dans ce modernisme ambiant.
Tamanrasset n´est pas seulement les beaux paysages, il y a ce visage hideux de l´immigration clandestine, la prolifération du sida et c´est la plaque tournante de la contrebande. Tout se vend en particulier l´essence et le gasoil qui font l´objet d´un commerce. «Les douaniers, les gendarmes et les policiers s´y mettent», nous confie un citoyen. Il y a une quinzaine d´années, plus de 25.000 Africains ont passé la frontière pour venir s´installer à Tam. Plus nombreux aujourd´hui, ils ne sont ni Algériens, ni Maliens, ni Nigériens, ni Mauritaniens. Mais la contrefaçon a fait qu´ils possèdent toutes ces nationalités réunies. «Ils se déplacent en toute liberté et font la loi sur les 1200 km de frontière», affirme le propriétaire d´une agence de tourisme. Il n´est pas exclu que ces apatrides travaillent en connexion avec les terroristes qui sévissent à des milliers de kilomètres de Tam. Cette wilaya, qui représente le quart de la superficie de l´Algérie, constitue le miroir du pays dans le Sud. Les fléaux qui s´y développent loin des feux de la rampe constituent un danger permanent pour le pays. «Les statistiques avancées par les associations de la protection contre le sida sont à des années lumière des chiffres réels, il y a sérieusement une alerte très grave à lancer dans ce sens», déclare le propriétaire de l´agence de voyage.
La nouvelle conception du tourisme n´est, en réalité, qu´une forme d´adaptation à une culture qui a traversé des millénaires pour qu´elle nous soit servie dans les traditions et les pratiques quotidiennes des Touareg.
Les invités d´Antinea ont eu droit à un régal musical offert par une troupe locale. Sur un fond de musique typique, rappelant l´Afro-jazz, débarrassée des simagrées de culture auxquelles a été réduite la tradition targuie, la troupe a défilé le long de la comédie, la gestuelle et les rites accompagnant les batailles qui s´engageaient autrefois entre les différentes tribus. Les Targuis en dépit de la nature hostile dans laquelle ils vivent, sont des fêtards, cela apparaît d´ailleurs dans la comédie présentée qui a aussi retracé le déroulement de la fête qui célèbre le départ ou le retour du guerrier. «Ah! si toutes les guerres étaient faites ainsi», s´est exclamé Auguste Bechler, adjoint au maire de la ville de Mulhouse, émerveillé par la dextérité qui a caractérisé l´exécution des différentes séquences et cet art de faire une symbiose de la musique moderne et traditionnelle. La promotion en France et en Europe de la musique du Hoggar, l´organisation d´une résidence artistique à Tamanrasset, en mars 2003, ouverte à une clientèle touristique ainsi que la proposition de produire, en 2004, un Festival Hoggar dans la région de Tamanrasset pour le Sud avec les gens du Nord sont d´autres objectifs culturels que compte réaliser l´association Voies Nomades. Il n´est pas facile d´admettre qu´une personne venue d´ailleurs ait pu vivre au sommet de l´Assekrem. Pourtant, au début du siècle dernier, cet orphelin né à Strasbourg en septembre 1858 vint s´y installer. Dans sa mission de christianisation, le père Charles de Foucauld a échoué, puisqu´il a trouvé une population très attachée à son Islam, mais il a réussi a tisser des liens très étroits avec les populations locales.
Le choix du site, ce n´est pas un hermitage, indique le père Henri qui y vit depuis 1954, mais se rapprocher des populations tout en étant dans le calme. Chaque année, les Fils de Jésus éparpillés dans 40 pays du monde viennent passer au moins quarante jours à l´Assekrem devenu un haut lieu de pèlerinage.
Les touristes qui s´y rendent par caravanes chamelières mettent quatre jours pour y arriver. A Tamanrasset, on appelle les adeptes de la religion chrétienne «les marabouts».