BELAÏD ABRIKA
Le jeune loup aux dents longues
Au lendemain de la libération des détenus, Belaïd Abrika, le nouveau leader de la contestation kabyle est sorti de sa clandestinité pour relancer, une nouvelle fois, le combat politique dans la région. Il était entouré par quelques jeunes très vigilants et apparemment prêts à tout pour préserver la vie et la liberté de leur nouveau chef «politique». Il y a quelques mois, rien ne prédestinait ce jeune enseignant de l´Université de Tizi Ouzou, sans formation politique apparente, à un avenir aussi explosif.
A 26 ans, il a réussi à faire oublier un tant soit peu aux jeunes de la région la figure emblématique de Matoub Lounès, le chemin politique de Saïd Sadi ou encore le parcours historique de Hocine Aït Ahmed. En 1991, il crée un comité de soutien à Da Boussaâd Mohand Arav, père de la revendication linguistique amazighe, exilé à Londres et revenu dans son village natal où il mourut quelques mois après. Après l´assassinat de Matoub Lounès, il rejoint, comme des milliers de jeunes Kabyles assoiffés de vengeance, la fondation Matoub.
Une fondation qu´il quittera quelques mois plus tard parce qu´il ne pouvait plus supporter «la mainmise autoritaire de Malika Matoub». Pour Abrika, Da Arav et Matoub Lounès constituaient des symboles de la revendication identitaire dans la région, qu´il fallait vénérer et qui n´avaient rien à voir avec les chefs de partis aux discours lunatiques qui ornent la scène politique. C´est pour cette raison essentielle que le jeune loup de la politique n´a jamais adhéré à un parti.
«S´il avait appartenu au FFS ou au RCD, il aurait été très vite écarté de la Cadc (Coordination des ârchs, daïras et communes de la Kabylie)», nous avouait un de ses proches collaborateurs. Les jeunes de la région, qui avaient perdu leurs repères politiques à la suite de la gestion des partis représentés dans la région, se sont très vite identifiés au militant de la cause qui arbore un look révolutionnaire branché et qui développe «un discours politique actualisé». Conscient de la mission délicate dont il est investi, Abrika s´est très vite forgé une personnalité proche du «Che» ou encore de «Zapata».
Depuis le début de la crise en Kabylie, Abrika a su développer un discours linéaire. Il ne s´est jamais prononcé contre les partis politiques et encore moins sur les leaders du FFS ou du RCD. C´est pourquoi on ignore la vision de ce néorévolutionnaire par rapport à l´annonce de participation du FFS aux locales. Si la rencontre Cadc-FFS se confirme, l´alliance des forces politiques en présence en Kabylie pourrait constituer une avancée positive pour un règlement graduel de la crise dans la région.
Abrika pourrait ainsi passer du statut de contestataire politique en fuite à celui d´un leader d´opinion à l´avant-garde de la scène politique.