L’option de l’impasse
Depuis plusieurs mois, la tension et la grogne sociale n´ont cessé de croître, avec, ici et là, des manifestations spontanées, voire même des émeutes. Des intersyndicales ont pris le pouls d´un front social agité et portent, par-delà une Ugta considérée comme passive, les revendications salariales de nombre de catégories socioprofessionnelles.
L´agitation autour de la question de l´augmentation des salaires pour la Fonction publique a révélé l´ampleur du malaise si l´on considère les grèves récentes qui ont affecté les secteurs de l´éducation nationale, de la santé publique et quelques autres. Incontestablement, les citoyens ont dépassé les aspirations premières à la paix et à la sécurité pour revendiquer, haut et fort, le droit à un pouvoir d´achat décent que le gouvernement paraît, avec des arguments d´orfèvre, leur refuser.
Si Ahmed Ouyahia a raison d´affirmer que l´augmentation des salaires doit être tributaire de la productivité hors hydrocarbures, et qu´elle doit en outre tenir compte des paramètres macroéconomiques habituels, inhérents à la stabilité financière d´un pays, il ne saurait néanmoins faire table rase du fait que l´inflation a affecté plusieurs chapitres du budget des ménages, dont le tout dernier concerne l´augmentation spectaculaire des fruits et légumes qui ont atteint un palier inquiétant.
Les factures de Sonelgaz, de l´eau, des carburants, etc ont toutes connu, ces derniers mois, des envolées aussi brutales qu´insupportables pour les petits revenus. En grevant de la sorte le pouvoir d´achat de larges pans de la société, on génère une frustration et une colère qui peuvent évoluer, de manière insidieuse, vers une révolte plus ou moins dommageable. Quand on sait que les idées radicales se nourrissent de ce type de mécontentement, il convient de prévenir tout mouvement social d´envergure, en anticipant avec intelligence les attentes légitimes et en exploitant, de manière volontariste, les opportunités effectives.
La Tripartite constitue cette opportunité que les catégories sociales attendent depuis de longs mois. La patience dont elles ont fait preuve mérite d´être explicitement récompensée, d´autant que l´Etat dispose d´atouts considérables en ce sens et qu´il ne peut méconnaître l´impact réel des récentes augmentations sur la manne qu´il engrange, non sans une certaine volupté.
Il y va, en outre, de la crédibilité de l´Ugta, dans son rôle immuable d´interlocuteur unique du gouvernement, elle qui a joué un rôle modérateur pas toujours évident, face à un discours contestataire de plus en plus énergique. La pression continue que subit l´organisation syndicale nationale est telle qu´une fracture perceptible est en train de se dessiner au sein des diverses familles de travailleurs dont beaucoup aspirent à une représentation plus directe et plus agressive.
Et c´est bien cette agressivité qui risque d´être confortée au cas où la Tripartite renvoie l´Ugta à ses pénates sans même un lot de consolation, ce qui n´est, reconnaissons-le, ni dans l´intérêt de la vieille organisation, ni dans celui du gouvernement et encore moins dans celui des travailleurs qui ne comprendraient pas l´option d´une telle impasse.
