PRÉSIDENTIELLE ILS SONT QUELQUE 5 MILLIONS DE VOIX «RÉCUPÉRABLES»
Objets votants non identifiés
Les sympathisants de l’ex-FIS et les «<I>exodés du sécuritaire</I>» sont un ensemble de voix éparpillées dans la nature.
L´électorat islamiste radical constituait une force exceptionnelle de près de 4 millions d´électeurs. Entre 1990 et 2004, les données semblent avoir évolué, changé et avoir subi de profondes transformations, mais il n´en est rien. Cet électorat a certes subi quelques métamorphoses de forme, de couleur, mais il reste dans le fond, le même, inchangé.
L´exclusion de l´ex-FIS de l´échiquier politique a entraîné dans son sillage l´exclusion d´une partie de son électorat. Tenté, dans un premier temps, de s´engager «utile» envers un parti et un candidat proches de leur thèse, les voilà qui reculent aujourd´hui, d´autant plus que l´opportunisme affiché d´un Djaballah et les alliances douteuses d´un Taleb sont autant de motifs qui confortent encore ce recul. Le fond électoral de l´islamisme ne s´éloigne pas beaucoup de celui qui avait écrasé tout sur son passage, le 12 juin 1990, lors des élections municipales, en remportant 853 communes sur 1539 et 55% de l´ensemble des voix, et 32 APW sur un total de 48, soit 66% des voix exprimées. La majorité absolue avait été obtenue à Alger, Blida, Jijel, Constantine et Relizane et plus de 80% de voix à Boumerdès, Mila, Oran, Chlef, Tlemcen et Aïn Defla. Le fond électoral de 4 millions de voix avait fonctionné à plein régime, et avec un peu moins de force le 16 décembre 1991, lors des législatives, avec un score de 188 sièges à l´Assemblée dès le premier tour et 3.260.222 voix.
Le même fond électoral a continué à fonctionner après l´exclusion du FIS, versant tantôt en faveur de Nahnah (1995) tantôt en faveur de Djaballah (2002), parfois même en faveur du président Bouteflika, en 1999, lorsque celui-ci séduisit la base islamiste et les chefs de l´ex-FIS (dont principalement Abassi Madani, Rabah Kébir et Madani Mezrag, qui prirent position ouvertement pour lui), en déclarant que «le FIS avait, en premier, subi la violence de l´Etat». Mais aujourd´hui, les données ont changé pour ceux qui avaient, pendant longtemps, bénéficié de l´apport exceptionnel d´une base sans parti. Bouteflika a été qualifié par les chefs historiques du FIS de «manipulateur qui engage du vent et des propos creux pour gagner l´appui des islamistes», et sa concorde civile de «trompe-l´oeil qui a largement démontré sa fourberie».
Nahnah, qui pouvait encore capter certaines voix islamistes, a laissé le MSP fragilisé, déséquilibré et, en fait, «incapable de peser lourd», aux yeux des islamistes. Quant à Abdallah Djaballah, seul chef islamiste engagé dans la présidentielle, il a pleinement démontré son opportunisme décalé, en donnant de lui l´image d´un Rastignac avide d´arriver à ses fins.
Le communiqué des chefs de l´ex-FIS, en dénonçant «le manque de courage des candidats», lui porte un grave discrédit et invite les islamistes à ne pas voter. En tentant de séduire la base islamiste sans s´occuper de leurs chefs historiques, Djaballah a gravement compromis ses chances de réussite. Un autre ensemble de voix pose encore problème : celui des «exodés» dans le cadre de la fuite des villages et hameaux isolés et non sécurisés. Entre 1995 et 1998, ils furent entre 1,5 et 2 millions de citoyens à avoir fui l´horreur du terrorisme qui avait, alors, déclaré impie tout le peuple, et donc, «passible de mort».
Des villages entiers à Blida, Médéa, Relizane, Tiaret, Jijel, Chlef, Aïn Defla et Tipasa avaient été abandonnés, et les «exodés» étaient venus se greffer à la périphérie des villes et des grands centres urbains. Pour la seule ville de Djelfa, la population est passée de 100.000 à 200.000 entre 1995 et 2000. 100.000 citoyens ont fui les villages isolés de Mesrane, Dhaïa, Messaâd, Aïn El Bel pour venir habiter à la lisière de Djelfa. Pour les deux seules villes de Médéa et Blida, les plus touchées par le fléau, près de700.000 citoyens ont abandonné leur terre d´origine. A 25 minutes d´Alger, le village d´Ouled Ali, entre Thénia et Zemmouri, reste depuis 1997 un «village fantôme». Plus un citoyen n´y a remis les pieds. En fait, ces deux catégories de gens, les islamistes et les «exodés» ont été arrachés à leur attache partisane ou géographique, et constituent d´un point de vue statistique un important poids qui se manifestera soit dans le taux d´abstention, soit dans l´apport de dernière minute qu´il pourra apporter à l´un ou à l´autre des candidats.