LES TURBULENCES SOCIOPROFESSIONNELLES PERTURBENT L’EMBELLIE FINANCIÈRE
Une paix sociale pour 2009
Les débrayages non-stop, les menaces de grève, les tensions sociales et les turbulences professionnelles, notamment dans les secteurs de la Santé et de l´Education sont venues perturber la grande embellie financière qui est venue à la rescousse de l´Etat, et dont les hydrocarbures constituent la manne.
Les 36 milliards de dollars de recettes enregistrés durant les huit premiers mois de l´année peuvent atteindre un pic jamais égalé depuis l´indépendance de 50 milliards en une seule année. Evidemment, cet exceptionnel pactole a eu l´effet immédiat de rendre l´Algérie plus fréquentable. Car, soyons sérieux, en matière de politique et de relations internationales, trois choses déterminent le rang et imposent le respect : la puissance militaire, l´aisance économique ou financière, et la haute technologie (qui permettrait l´un ou l´autre des premiers atouts). Un lourd portail en fer renforcé se referme donc pour les puissances occidentales sur tout ce qui constituait dans un passé récent des motifs à lacérer l´Algérie concernant ses manquements en matière des droits de l´homme, d´ouverture des espaces politiques et médiatiques ou de démocratie de manière générale.
Aujourd´hui, le problème paraît autrement plus compliqué que lorsque l´Etat manifestait son impuissance à trouver des solutions aux tensions sociales, dues à l´indigence et à la paupérisation qui en constituaient le soubassement. Avec plus d´argent à débourser et plus de liquidités à portée de main, le gouvernement Ouyahia ne semble pas encore en mesure d´assurer une couverture sociale décente à tous. Le Grand Sud algérien, gage de sérénité et d´attraction touristique, s´est réveillé depuis 2003 au rythme de la contestation sociale. Pour les jeunes du Sud, longtemps marginalisés, le temps est venu pour revendiquer, contester et remettre en question. A Illizi, Ouargla, Ghardaïa, Laghouat, Labiod Sidi Chikh ou Tamanrasset, la «révolte des marginaux» a poussé la jeunesse déshéritée à la destruction et à la dévastation.
Pourtant, c´est à l´Etat de trouver les articulations qui feront reculer la menace des tensions sociales. L´argent dans ce cas existe, et peut comme il se doit résoudre les petites crises. Le président de la République a entrepris depuis deux mois un mouvement de fond qui est en train de toucher l´essentiel de la classe dirigeante en Algérie, des managers et des chefs d´entreprises étatiques. Près de 350 élus d´APC, que le peuple avait choisis pour gérer la cité au quotidien sont aujourd´hui déférés devant les tribunaux.
Cela dénote au moins que le problème politique et social de Bouteflika n´est pas encore opérationnel, et qu´il faut un certain «assainissement» pour le voir appliqué sur le terrain et en juger les résultats. Cela dénote en outre que des blocages bureaucratiques persistent, que la corruption réduit à néant tout espoir de relance et que ceux qui sont chargés d´appliquer le programme de développement mettent moins de coeur à l´ouvrage que celui qui l´a conçu.
En voici un exemple : on sait avec enthousiasme que le président de la République avait promis de reloger les sinistrés du séisme de Boumerdès. En trois étapes: les tentes, les chalets puis le logement bâti. Après sept mois de vie sous la tente, le chalet est venu remplacer la bâche et la boue. Aujourd´hui, les projets lancés dans toute la wilaya, au nombre de dix, accusent un retard considérable. Les deux sites les plus avancés sont ceux dits des 300 logements sis à Corso, et de Khemis El-Khechna. L´état d´avancement de ces deux sites ne dépasse pas les 25%. Pour les huit autres, les choses restent au point mort. En termes clairs, les 3550 logements promis aux citoyens attendent d´être réalisés et l´attente risque encore d´être longue. Le risque, aujourd´hui, peut pointer à tout moment du côté de la contestation sociale, car sur les autres fronts, l´Etat joue sur du velours. Les principaux adversaires politiques, militaires et médiatiques du Président ont été neutralisés et l´opposition qui gesticule de temps à autre connaît ses limites dans la conjoncture actuelle. Aussi, tenté peut-être par un hégémonisme politique sans partage, l´Etat peut se permettre des excès comme il arrive à chaque fois où le pouvoir se trouve concentré chez une classe. Mais c´est certainement vers une paix sociale que le président de la République se tournera pour mieux mener à terme, dans le calme, ses grands chantiers de réforme. Car pour le moment, en l´absence d´une opposition politique active, d´un mouvement associatif sérieux ou d´une presse réellement influente, le pacte social, non pas uniquement avec l´Ugta, mais avec la société, la masse de jeunesse des quartiers déshérités reste le meilleur gagnant pour l´exercice serein d´un second mandat.