L’Algérien, sang chaud, cœur doux!
C'est comme si l'Algérien appartenait à une autre espèce humaine, comme s'il faisait partie d'une lignée rare et déroutante?! Belle, agréable, parfois fascinante?! L'Algérien a des caractéristiques particulières qui le distinguent des autres peuples d'Afrique du Nord, des Arabes et des Méditerranéens.
Sa structure psychologique est le fruit d'un enchaînement d'épreuves: d'abord façonnée dans la souffrance coloniale, puis dans la profonde blessure identitaire qui a accompagné la naissance de l'État national moderne après l'indépendance, et enfin dans son expérience particulière avec l'islam politique violent durant la décennie noire (1990-2000).
Dans cette réflexion, nous tenterons de dégager quelques traits essentiels qui façonnent la singularité de l'Algérien.
Un sang chaud, un coeur doux
L'Algérien n'est ni un pauvre miséreux tendant la main, ni un être satisfait. Il vit dans une plainte permanente, dans une tension continue, mécontent de tout?: de lui-même, des autres, du monde.
Il peut paraître rude, emporté dans ses paroles comme dans ses gestes, que ce soit au travail ou en repos, dans la rue comme dans l'intimité de son foyer, avec l'étranger comme avec le proche. Il réagit plus qu'il n'agit. Mais dès qu'on gratte cette surface, on découvre une autre facette?: un être tendre, empathique, fragile parfois. Il peut s'émouvoir profondément devant un chaton abandonné!
L'Algérien a du mal à exprimer sa joie, et plus encore à nommer sa peine.
Il peut, soudainement, devenir colérique, explosif, prêt à tout s'il voit une injustice ou une humiliation dans la rue.
Il s'accroche fermement à ses idées, avec une ténacité qui frôle l'absurde - il croit dur comme fer à l'adage: «Une chèvre, même si elle vole!» Mais paradoxalement, une parole douce, une marque de respect, peuvent suffire à le faire reculer, à renoncer à son droit ou à son point de vue.
L'Algérien est un être de foi, excessivement religieux, parfois jusqu'à l'extrême.
Sa pensée est formée d'une chaîne de certitudes qu'il ne remet jamais en question, où les faits historiques se confondent avec les légendes et superstitions du religieux populaire.
Son attachement au passé est viscéral.
Son excès de religiosité, souvent formaliste et vidé du spirituel, l'amène, dans certaines de ses expressions publiques les plus virulentes, à paraître proche des thèses de l'islamisme radical. Pourtant, dès que sa colère se dissipe, il redevient curieux de la vie, ouvert, instinctivement opposé aux idéologies de la mort.
Le Ramadan, pour lui, est une épreuve virile.
Il ne le vit pas comme une démarche spirituelle ou peu, mais comme une démonstration de résistance physique face à la faim et à la soif. Même dans un bar, il peut en venir aux mains si quelqu'un s'avise d'insulter la religion. À cet instant, il peut se métamorphoser en prédicateur ou en jurisconsulte.
Il est naïf ou sincère?
L'Algérien aime la Palestine plus que le Palestinien lui-même. Mais souvent, il ignore l'Histoire de ce pays, sa géographie, ses religions et ses frontières, en dehors des discours politiques ou médiatiques. Cet amour exagéré l'amène parfois jusqu'à glorifier Hitler, qu'il perçoit - par un raccourci historique absurde - comme un sauveur de la Palestine. Il peut tomber dans l'antisémitisme, rejetant tout ce qui est juif. Et pourtant, il écoute avec plaisir les chansons de chanteurs juifs algériens comme Reinette l'Oranaise, Salim Halali, Lili Boniche et d'autres, regarde les grands films de cinéastes juifs, porte des tee-shirts de marques internationales créées par desSociétés de juifs.
L'Algérien hait le colonialisme, ce qui est compréhensible historiquement. Pour lui, le colonialisme c'est uniquement la France. C'est une construction historique. Il n'associe ni l'Amérique, ni la Grande-Bretagne, ni l'Espagne à l'entreprise coloniale ou peu. Il critique la France chaque jour. Pourtant, s'il devait choisir un pays pour émigrer, la France serait sans doute en haut de sa liste.
L'Algérien est farouchement nationaliste, très patriote.
Il est fier de sa culture nationaliste, il aime son pays de manière passionnée, prêt à mourir pour sa patrie, à tout moment. Et pourtant, il rêve de le quitter. Entre amour et rejet, il vit un tiraillement permanent.
Il est très attaché à son drapeau. Il le porte haut et avec fierté dans les stades, les manifestations, les mariages, il le brandit, que ce soit à Alger, à Jérusalem, à Ghaza, à Paris ou à Montréal. Il critique amèrement Air Algérie, puis, en embarquant sur une compagnie étrangère, ironise: «Air Couscous vaut mieux qu'Air France.»
Lorsqu'il quitte l'Algérie, c'est souvent avec rancoeur et colère en jurant de ne jamais y revenir.
Mais une fois installé ailleurs, il devient plus nationaliste que jamais. Il ne supporte plus la moindre critique de son pays, même objective soit-elle!
L'Algérien ne vit jamais dans la nuance. Il ignore la voie du milieu. Souvent, il vit dans l'excès, dans l'amour comme dans la haine, dans le refus comme dans l'acceptation.
L'Algérien est un être profondément nostalgique.
Il quitte le pays dans la colère, mais une fois à l'étranger, en exil, il pleure Gazouz Hamoud Boualem, la zlabia de Boufarik, le couscous de Tlemcen, les dattes de Biskra, le soleil de Tamanrasset qu'il trouve unique au monde, l'huile d'olive de Kabylie qu'il proclame la meilleure de la planète, le miel de Bouira, les oranges de la Mitidja, la djouzia de Constantine, la pomme-de-terre de Mascara, et le raï oranais.
Étrange paradoxe: quand il est en Algérie, il essaie de parler français, langue qu'il prétend pourtant détester. Mais une fois en France, il insiste pour parler en arabe, en darja ou en tamazight.
Enfin, l'Algérien veut posséder la femme
Au nom du «nif» (l'honneur), il se montre souvent dur avec elle - soeur, épouse, voisine, collègue. Mais derrière cette posture se cache, la plupart du temps, un être doux, fragile, sensible, un agneau sous une armure de virilité.