L'Expression

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Le pétrole et l’exotisme

Dès l´annonce par le gouvernement marocain de la suppression du visa pour les ressortissants algériens, nos frères tunisiens ont commencé à avoir des sueurs froides dans le dos, et les commerçants marocains à se frotter les mains. Enfin, les bonnes affaires vont reprendre, se disent-ils, en se léchant les babines.
Ben oui! Bon an, mal an, les touristes algériens sont en mesure de faire bouillir la marmite chez leurs voisins de l´Est ou de l´Ouest. Le rush aux frontières de Tébessa va se reporter vers celles de Maghnia. Les villes de Tanger et d´Oujda vont remplacer au pied levé Tabarka et Nabeul. Les destinations changent mais les touristes sont les mêmes. Tout en s´inscrivant dans un tourisme populaire (par rapport à celui, luxueux, qui vient du Nord, au pouvoir d´achat beaucoup plus élevé), le voyageur algérien des années 2004 est tout de même différent de celui des décennies précédentes. Finies les chaînes pour l´achat de friperies, de couvertures, de médicaments ou de pièces détachées. Sur ce plan, il suffit d´aller au Hamiz, Tadjenent ou Bab Ezzouar. L´ouverture économique fait que le marché est suffisamment achalandé et vraiment par endroit, c´est le bazar, pour ne pas dire la corne d´abondance. La période des pénuries est révolue. Elle est derrière nous. On dit même que le flux d´échange amorce le mouvement inverse: des produits algériens traversent allègrement la frontière pour se retrouver à Fès ou Hammamet : l´essence, le mouton, la Deglet Nour ou les médicaments. Au cours de réunions des hommes d´affaires, les Tunisiens ont à maintes reprises ouvertement souhaité l´établissement d´une zone de libre-échange entre les deux pays, l´Algérie parvenant tant bien que mal à tempérer les ardeurs des opérateurs tunisiens.
Mais alors, si ce n´est pas pour acheter de la friperie, que vont donc chercher les Algériens en Tunisie ou au Maroc, alors que leur pays regorge de sites naturels ou archéologiques d´une grande beauté: un pays qui peut se vanter de posséder quatre saisons dans la même année, offrir comme sur une carte postale la mer, le soleil, la montagne et le désert, ce n´est pas courant. Et pourtant, malgré tous ces trésors qu´il a à portée de main, l´Algérien veut découvrir d´autres cieux. Et pourquoi cela?
En dehors des anecdotes sur le «trafic de drogue» qui flattent notre ego national, et qui amènent Belkhadem à temporiser dans le processus d´ouverture des frontières entre l´Algérie et le Maroc, ce qui fait la différence, ce sont les services. Allez trouver une chambre d´hôtel potable au bord de l´eau en Algérie. Essayez de dégoter un niveau de villa pour passer une semaine en paix avec vos enfants. Sans compter que nos plages sont polluées et repoussantes. L´accueil est partout déplorable. Pour reprendre un slogan galvaudé, nos voisins n´ont pas de pétrole, mais ils ont des idées et ils offrent un meilleur service. Quand on a travaillé pendant douze mois pour subvenir aux besoins de sa famille, on est en droit d´exiger un peu de repos et de dépaysement. On ne peut pas les obtenir en Algérie, même en payant le prix fort.
En attendant que les gouvernements respectifs règlent leurs différends et leurs contentieux en suspens, les citoyens prendront leur mal en patience.

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