AVANT-PREMIÈRE DE LA COMÉDIE MUSICALE ESSAHA À EL MOUGAR
Et la mélodie jaillit de nos ratages
Un scénario écrit il y a plus de 10 ans, une préparation qui a duré 4 ans et un tournage d’un an, le résultat final a été enfin dévoilé, hier, à la presse et en soirée devant la ministre de la Culture, dans une ambiance bon enfant.
Au coeur d´une cité neuve, un terrain non aménagé Essaha. Y vit une bande de copains, garçons et filles. Parmi eux, Boualem, Hchicha: Menad, Yacine dont un mécanicien, un agent de parking, un dealer, un mordu de foot et un artiste qui rêve de monter une comédie musicale...A côté de cela, il y a les filles du quartier qui espèrent sortir de leur morosité et enfermement. Elles, ce sont Souad, Zahou, Kenza et Sara aux profils bigarrés. La place, qui pourrait symboliser l´Algérie devient source de problèmes (manque d´hygiène, manque de civisme). Les habitants décident d´aménager l´espace: mais pour en faire quoi?! Les projets sont divers: «terrain de foot», «centre commercial», «espace vert», etc. Il n´y a pas consensus. C´est le stand-by. En attendant, une minorité d´affairistes véreux manoeuvre pour s´en accaparer, tandis que la majorité silencieuse sombre dans l´indifférence. Les jeunes, eux, fuient le quotidien maussade et rêvent d´une vie meilleure, d´amour, de visa... La comédie musicale donne à écouter la voix de la prétendue «génération perdue» dont l´espoir de tracer son avenir et par ricochet celui de ses enfants, est encore permis. Entre chant et danse, le discours de ce film est sans ambages, dénonciateur et quelque peu moralisateur, un choix assumé pleinement par son réalisateur Dahmane Ouzid et son auteur Tahar Boukella alias Salim Aïssa. «Ce n´est pas la télé qui m´a demandé de faire ça. En tant que citoyen déjà, l´idée est de dire aux jeunes qu´au lieu de fuir, il y a pas mal de problèmes à régler ici. Je suis enseignant de sciences politiques. C´est peut-être mon côté pédagogue qui a pris le dessus» avoue le scénariste. En effet, une foultitude de maux sociaux sont brassés à l´instar du chômage, la condition de la femme algérienne, l´intolérance et le sexisme mais aussi l´échec de la démocratie en Algérie et la perte des valeurs, l´anarchie et la gabegie, le manque de repères pour nos jeunes en conflit avec leur aînés, la crise du logement, la hogra et le phénomène de la harga, la langue de bois des bureaucrates, l´absence de dialogue et de considération envers l´artiste, la drogue, le manque d´amour... Autant de fléaux et de problèmes qui sont abordés dans cette comédie musicale qui entend, nous affirme- t-on «lier le divertissement populaire et le message sociopolitique». Et Dahmane Ouzid de confier lors du débat: «Nous avons voulu parler d´une partie de la vie sociale de l´Algérie. On voulait qu´il y ait un propos. Ces gens sont confrontés aux problèmes de la société, qu´on voulait dédramatiser avec une approche fantaisite sans être superficielle. Le propos est appuyé certes par le jeu mais aussi par le texte chanté et l´expression corporelle. Tous ces problèmes nous voulions les effleurer volontairement. Le but est que la nouvelle génération tourne la page du deuil et de la mortification. Tout les jeunes du monde à 20 ans ont des envies, des espoirs, des rêves, les nôtres aussi, on refuse qu´ils deviennent des jeunes vieux!» A propos des sujets qui «inondent» le film, Dahmane Ouzid fait remarquer qu´un fil conducteur relie tout les problèmes énoncés plus haut. «C´est la mauvaise gouvernance des espaces publics ainsi que la crise des relations collectives, d´où les difficultés notamment, qui subsistent dans l´apprentissage de la démocratie dans notre pays...» Evoquant le public de ce genre de film «hybride», le réalisateur soulignera être un créateur mais un fils de famille algérienne avant tout et par conséquent ne peut faire un film qui ne soit pas vu par l´ensemble de la famille, ceci pour répondre à la question sur les éventuelles contraintes imposées par la Télévision algérienne laquelle est coproductrice du film avec Machahou prod avec le soutien du ministère de la Culture (Fdatic). «Quand on travaille pour la télé on est obligé de respecter le cahier des charges, toutefois, je souligne le côté conformiste de la télé. C´est un film algéro-algérien. En tant que créateur nous aimerions bien un jour respirer.», a avoué l´auteur Salim Aïssa. Notons que l´idée du scénario remonte à plus de dix ans. Le scénario a été écrit, en fait, en 1988, nous apprend-on, puis revu et corrigé à de nombreuses reprises tout comme le tournage qui n´a pu se concrétiser par manque de financement. On se souvient que Essaha faisait partie des films entrant dans le cadre de l´événement «Alger, capitale de la culture arabe 2007» mais n´a pas connu de suite. Notons qu´il en existe deux versions. Une de 18 épisodes, un feuilleton destiné à la télé algérienne et un long métrage de deux heures destiné aux salles de cinéma. La sortie se fera probablement à la rentrée dans le maximum de salles dont dispose le pays, nous a affirmé Belkacem Hadjadj.
«Nous ferons autant de copies qu´il faut en fonction des moyens dont nous disposons.» A propos du coût du film, le réalisateur d´El Manara soulignera que le budget alloué à la production du feuilleton par la Télévision algérienne est de l´ordre de 80 millions de dinars et de 25 millions de dinars par le Fdatic (ministère de la Culture), soit dit- il «10% du budget total alloué pour le film sur Albert Camus. Nous n´avions pas assez d´argent pour faire mieux. L´esesntiel maintenant est de réconcilier la société avec le cinéma. Nous faisons des films pour ramener des gens en salles. Essaha ce sont d´abord des jeunes gens qui se sont éclatés, soit via un casting sauvage mais conséquent. Des jeunes artistes amateurs à saluer». Enfin, côté artistique également, on n´omettra pas de signaler l´apport des musiciens Salim Aïssa, Amine Hamerouch (Aminos), Youcef Boukella et Cheikh Sidi Bémol ainsi que la chorégraphe Samar Bendaoud.