ENTRETIEN AVEC LE JOURNALISTE ANTOINE SFEIR
«Le monde arabe est dans une impasse meurtrière»
Ce qui est dramatique est que des peuples sont contre leur propre Etat.
En marge de la conférence de presse donnée mercredi dernier, au Centre culturel français d´Alger, le directeur de la revue Les cahiers de l´Orient a accepté de répondre à nos questions, et se révélant ainsi un homme ouvert à toutes les solutions politiques comme alternative au règlement des conflits qui secouent les pays arabes, a fortiori en Algérie, sans trop se prononcer sur le nouveau président américain, qui, selon lui, «n´a rien fait encore...». Antoine Sfeir s´est révélé à nous comme un homme d´analyse et d´ouverture...Ce qu´est véritablement un journaliste.
Ecoutez le monde arabe va mal. Il est dans des impasses meurtrières, dans des conflits.
Les peuples sont contre les peuples, les Etats sont contre les Etats. Ce qui est dramatique est que des peuples sont contre leur propre Etat. Cela vient surtout du déficit du savoir, de la transmission du savoir dans ce monde arabe.
Aujourd´hui le monde arabe est devenu quelque chose de virtuel. Il n´y a plus de réalité qui s´appelle le monde arabe. J´utilise souvent le mot «espace arabe», mais aujourd´hui on a aussi des occasions à ne pas rater. Comme par exemple construire ou reconstruire la Méditerranée. N´oublions pas que nous y avons été - je parle de la rive Sud - des éléments fondateurs et là aussi, il ne faut pas avoir la mémoire courte. Rétablir la transmission du savoir, reconstruire nos identités et notre environnement méditerranéen et à partir là, ça pourrait aller mieux.
J´ai été surpris agréablement de la journée qui s´est passée hier ou avant-hier sur la Palestine. Le Président lui a donné un caractère national. C´est quasiment le seul pays arabe qui a fait ça. Et donc ça ne fait que me rassurer.
L´Union pour la Méditerranée ça ne veut rien dire. C´est un projet de l´Union européenne. Qu´elle en parle avec la Ligue arabe et l´Union africaine. L´Union méditerranéenne était une idée géniale et cette idée, certains ont pleuré, d´autres l´ont boudée et d´autres ont tapé sur la table, est devenue Union pour la Méditerranée. La montagne a accouché d´une souris et d´une souris qui marche à trois pattes. L´Union méditerranéenne était une merveilleuse occasion pour précisément rebâtir un espace dans lequel il y avait plusieurs peuples, plusieurs nations et comme disait Voltaire: «Je ne suis pas d´accord avec ce que vous dites mais je me battrai pour que vous puissiez le dire.»
Je dis qu´il n´a encore rien fait. Donnons-lui l´occasion de faire et on verra ensuite. Je disais tout à l´heure que les USA sont communautaristes, en France on ne l´est pas. C´est dans ce sens là que je dis que je ne veux pas être communautariste. On est en train de sanctifier Obama. Avant d´en faire un saint, voyons ce qu´il va faire. Il fait des miracles tant mieux. Je serais le premier à applaudir, mais je ne veux pas entrer dans cette obamania aveugle. Obama n´est pas Européen, n´est pas de gauche, c´est un Américain, et à partir de là, on verra ce qu´il va faire. Je souhaite qu´il fasse des miracles. Je l´applaudirais. Je l´attends sur l´Irak, sur la Palestine, sur l´Afghanistan. A la limite, c´est un problème beaucoup plus stratégique et économique qu´autre chose. Moi, je l´attends sur des décisions pratiques, concrètes. Une fois qu´il les prendra en charge, je le jugerai là-dessus. Je ne veux pas lui faire un procès d´intention, ni dans un sens ni dans l´autre.