UN COLLOQUE DE HAUT NIVEAU LUI A ÉTÉ CONSACRÉ
Mohamed Dib à Tizi Ouzou
Nadjet Khadda a revisité pratiquement l’ensemble des romans de l’auteur de <I>L’Incendie.</I>
«Un homme complet, une oeuvre immense et un représentant de l´Algérie dont on veut qu´il soit le porte-drapeau», c´est ainsi que l´universitaire Nadjet Khadda a résumé Mohamed Dib, dont la vie et l´oeuvre ont été l´objet d´un colloque scientifique, tenu hier et avant-hier à la Maison de la culture de Tizi Ouzou. Avant Nadjet Khadda, Sabéha Benmansour, maître de conférence à l´université de Tlemcen et présidente de l´Association La Grande maison, a rappelé que le Prix littéraire Mohamed Dib sera décerné à trois écrivains, en langues française, arabe et amazighe. L´intervenante, qui a animé une communication intitulée «Tlemcen ou les lieux de l´écriture», a insisté sur le fait que la langue n´a jamais constitué un problème pour Mohamed Dib. Ce dernier trouvait que la langue française lui seyait comme un gant, mais disait aussi: «Ma langue maternelle est retravaillée par la langue française.» Nadjet Khadda a revisité pratiquement l´ensemble des romans de Mohamed Dib à travers un condensé de fragments, de bribes de récits et d´un ensemble de réflexions. C´est plus que des romans que Mohamed Dib avait écrits tout au long de son parcours de plus de cinquante ans. Nadjet Khadda a insisté sur l´enracinement de ces romans et aussi sur leur universalité, en citant, entre autres, le roman L´aube Ismail. Ce livre est la manifestation même de l´universalité. Lors des débats, Nadjet Khadda a précisé que dans la littérature il n´y a pas d´objectivité. On peut interpréter différemment les romans de Dib et des autres grands écrivains. «Il n´y a pas d´objectivité dans le roman. Les mots n´ont pas le sens qu´ils ont dans le dictionnaire, mais ils ont un sens allégorique et mystique. Ce sont des regards neufs sur le monde que porte Dib à travers ses écrits», souligne Nadjet Khadda, citant un auteur universel qui disait que «la réalité est ce dont on part mais c´est pour s´en éloigner». La même intervenante, qui a fait preuve d´une étonnante maîtrise de l´oeuvre de Dib, a évoqué ce qu´est l´héritage dans les romans de ce dernier: «L´héritage c´est qu´on n´est plus le même d´un jour à l´autre. Il nous vient du patrimoine, mais aussi de l´extérieur, y compris du colonisateur car à l´intérieur de l´enfer qu´est ce dernier, il y a des richesses.» Nadjet Khadda a rappelé que Mohamed Dib a dénoncé la barbarie dans Si Diable veut. Dans d´autres romans, il a analysé la religiosité qui n´a rien à voir avec la religion, cette dernière étant de haute spiritualité et non pas constituée de dogmes et d´interdits. La ville de Tlemcen est omniprésente dans l´oeuvre de Dib, a ajouté Khadda. Par exemple, dit-elle, dans Qui se souvient de la mer?, qui est un grand livre de témoignage, Dib évoque sa ville mais, tient-elle à préciser, il ne s´agit pas de topologie tangible: «Dans ce roman, il est question d´une ville en branle-bas de combat où les murs deviennent des méandres pouvant se refermer sur les gens». La dimension philosophique et existentialiste de l´oeuvre de Mohamed Dib n´a pas été omise par la conférencière. Khadda a indiqué que le problème de Mohamed Dib était plus de s´interroger sur «comment l´esprit humain fonctionne-t-il?» Il s´agit de cette quête d´un sens à sa vie, une quête qui dit à l´individu ce qu´il est, d´où il vient et où il va. Qu´est-ce qui est mystérieux dans le monde et qui échappe à la rationalité, qu´on ne peut pas comprendre? Nadjet Khadda avertit que dans l´ensemble de son oeuvre, Mohamed Dib n´apporte pas de réponses, mais son objectif consiste à poser des questions. Il appartient à chaque lecteur de fouiller en lui pour trouver le sens à donner à sa vie, explique Khadda. Car, pour cette dernière, derrière une apparence, il y a plusieurs sens qui se cachent les uns derrière les autres. D´autres conférences ont été animées hier et avant-hier. Des universitaires de Tlemcen et des départements des langues arabe, amazighe et française de l´université de Tizi Ouzou ont assuré la réussite de ce colloque de haut niveau.