GÉNÉRALE DE LA PIÈCE LES ENFANTS DE LA CASBAH
Séquences poignantes de la Révolution
Si la pièce a réussi, c’est parce qu’elle se base sur l’émotion. Le côté historique des Enfants de la Casbah, quoiqu’ apparent, est à peine perceptible
Ceux qui ont assisté à la représentation de la générale de la pièce de théâtre Les enfants de la Casbah n´en sont certainement pas sortis indemnes. De l´émotion à souhait. Des larmes chez les , et une boule d´angoisse chez les hommes. Ceci s´est passé dans la soirée de samedi dernier au Théâtre national algérien.
Disons-le tout de suite, et sans verser dans les discours panégyriques: Fouzia Aït El Hadj a réussi son pari. Mise en scène par cette dernière assistée par Mohamed Charchal, la pièce a été écrite par le grand dramaturge Abd El Halim Raïs, en 1958. Elle a été alors jouée par la troupe du FLN, dirigée par Mustapha Kateb.
Les situations se passent dans une maison sise au coeur de la Casbah. Une famille, vivant, manifestement, dans la paix et la tranquillité, se voit subitement basculer. La guerre battait son plein. Des arrestations son opérées çà et là. Dans les villes, les gens ont la peur au ventre. A la campagne, les actions menées par l´armée de Libération nationale prenaient de l´ampleur.
La famille de Hamdane (Ben Youcef Hattab), se sent plongée de plain-pied dans la guerre de Libération. Cependant, le fossé séparant les enfants s´élargit de plus en plus. Toufik (Youcef Toufik) est incorporé dans la police française. Ceci lui a valu la haine quasi viscérale de son frère Omar (Rabah Lachaa). Ce dernier est le souffre-douleur de toute la famille. Il subit implacablement les critiques acérées aussi bien de ses parents que de ses frères. Omar est un dépravé. Un soûlard. Un va-nu-pieds. Un vaurien qui passe ses nuits dans les bars. Il se lance souvent dans des querelles interminables avec son frère Toufik. Par son calme, ce dernier a réussi à gagner la sympathie même de Hamid (Berkane Mahfoud), son cadet. La mère, Yamina (Bahia Rachedi) et l´épouse de Toufik, Mériem (Nasma Hellal) observent ces scènes presque avec impuissance. Toufik est accusé par Omar de traîtrise envers la cause nationale parce qu´il sert dans la police française.
Entre-temps, les infos transmises par la Radio française à Alger font état de l´assassinat d´un inspecteur de police ainsi qu´un certain nombre d´opérations « terroristes » menées par les fellaghas. L´instigateur n´est autre que Si Hicham. La tête pensante du FLN à Alger. Le cerveau de toutes les actions menées par les fidaiyine (les moudjahidines menant leur combat dans la ville). Chez la famille Hamdane, ces évènements sont vécus avec angoisse. Cependant, la peur, son excellence, ne passe pas sans avoir laissé des séquelles. En effet, un beau jour, une femme, activant dans les rangs de l´ALN, blessée et poursuivie par un bataillon de l´armée coloniale, frappe violemment à la porte et demande qu´on l´héberge. Et c´est Toufik qui a eu le premier réflexe en lui conseillant de monter au deuxième étage. Les membres de la famille se regardent. Le petit Hamid tombe amoureux de cette «combattante de la liberté», il la suit. Et il devient lui aussi moudjahid. Omar, le soûlard, se découvre: il sert la cause nationale. Et désormais, on en finit pas de nous surprendre: Toufik le policier n´est autre que le fameux Si Hicham, celui qui a semé terreur et effroi parmi l´armée coloniale. Là, c´est le véritable branle-bas.
La fin est émouvante. Les trois frères meurent sous les balles assassines des parachutistes. Le père, lui, succombe à un arrêt cardiaque. Devant l´ampleur de la tragédie, la mère a failli perdre la raison. Bahia Rachedi délirait presque sur scène. Ses cris de douleur ont provoqué les larmes de l´assistance féminine. Les hommes, quant à eux, pour se calmer, faisaient semblant de tousser. Bahia était excellente. Sa présence scénique était vraiment remarquable. Cela dit, les autres comédiens, eux aussi, ont réussi à plonger l´assistance dans le tourbillon implacable de la guerre de Libération. Si la pièce a bien réussi, c´est parce qu´elle se base sur l´émotion. Le côté historique des Enfants de la Casbah, quoiqu´ apparent, est à peine perceptible. Et la musique n´est pas en reste. Le musicien Noubli Fadel, qui a participé à cette oeuvre avec une composition musicale très expressive, ponctuée d´envolées exprimant beaucoup d´émotion, a indiqué que ´le sujet lui-même est stimulant. C´est une partie de notre histoire émotionnelle face à la violence et à la douleur´´.
A noter enfin que la pièce sera intégrée dans le programme du Théâtre national algérien à partir du mois de septembre prochain.