Une édition engagée sur le fond et la forme

Aden est le nom de la capitale du Yémen. Cette même ville où Rimbaud choisit de disparaître pour s'encanailler et trafiquer dans l'ombre. Une référence au grand voyage vers l'Orient de l'esprit, là où on abandonne tout à la recherche de l'ailleurs. Une dynamique intimement présente chez le poète et dans les ouvrages publiés par Aden qui est le nom aussi d'une maison d'édition, qui s'est récemment installée en Algérie. Sous la direction de Lazhar Nahal, les éditions Aden poursuivent leur ascension, implantées à Paris, possédant une longue expérience en édition, reconnue en France, pour leur choix de publication, «En choisissant le nom d'Aden, nous avons voulu évoquer à la fois l'aventure de Rimbaud et la conscience critique aiguë de Nizan. La mention de l'Orient fabuleux symbolise la nécessité de sortir de l'Occident moderne et de s'ouvrir aux autres cultures», selon les termes de leur éditorial. Une qualité du livre qui ferait rougir pas mal d'éditeurs algériens, un véritable soin sur une esthétique sobre et la matière, d'une excellente qualité de papier, un prix du livre plus intéressant, d'autant plus que des oeuvres médiocres, avec des qualités et une esthétique de l'objet tout aussi médiocre, se vendent au même prix si ce n'est plus. Une série, une collection effarante d'ouvrages. De Pessoa à Michaux, de Rilke à Brodsky, de Rimbaud à Char, pour la collection «le cercle des poètes disparus» Giacomo Leopardi. «Du néant plein l'infini» par Perle Abburugiati. Loca ou La sublime Mélancolie. Une autre collection «Lettres du monde» avec «les jardins interdits» par Emilia Dvorianova, traduit du bulgare par Marie Vrinat. Des romans aussi: «Parlez-moi de Djebel Amour» de Jean Yvane, «Pays d'aucun mal et le moineau», d'El-Mahdi Acherchour. Et des essais également, sur Carlos Fuentes et dautres illustres noms de la littérature. Des lectures intransigeantes, tout un trésor de récits d'outre-tombe ou d'un autre monde. Les éditions Aden donnent à lire l'exil et ses grands voyageurs. «C'est le plus grand rassemblement d'auteurs pour la plus grande collection de biographies.» En réalité il est aussi question dans la découverte de leurs ouvrages, d'une riche poésie et tout un étalage d'aventures poétiques tendues, au lecteur algérien. Des poètes de tous les horizons et de tous les temps, Aden s'est consacré depuis peu a réaliser une autre collection «Tombeau». une collection de panthéons tel que Tombeau pour Swinburne, et bientôt celui publié en hommage à Tahar Djaout. «Ce monde trop souvent entraîné par des forces contraires à l'imagination. De la beauté à l'inspiration» selon la présentation de cette maison d'édition. L'édition Aden est resté comme perchée dans sa correction, sous l'injuste isolement de leur espace, par des organisateurs n'ayant aucune idée de Rimbaud ou d'El Mahdi Acherchour. Le stand d'Aden a été placé dans une annexe pour ouvrages techniques, partagé entre la commission de tamazight et des livres parascolaires. Loin des éditions figurent Barzakh, Casbah, Chihab et parmi lesquelles elle aurait toute sa place, étant donné la richesse des publications. Les éditions Aden, demeurent néanmoins en devenir en Algérie, au travers d'une large palette de publications, les éditions Aden ont décidé de s'inscrire dans une volonté de donner aux lecteurs algériens des outils pour comprendre le monde, de sortir de la résignation et s'approprier leurs vies, combattre la propagande quotidienne et déconstruire les mythes, grâce à une inaliénable révolte, ancrée essentiellement dans les plus grands livres. Une révolte de l'ordre culturel et de l'ordre tout court, un refus de porter les chaînes d'une servitude posées à même dans les cerveaux. Des livres audacieux publiés avec un choix tout aussi courageux, et qui sont autant d'escales vers un autre exil, vers cette île improbable aux contours un peu flous. Mêlant une sensualité rimbaldienne à l'énergie de la révolte sociale, tel est, en tous cas, le contrat que les éditions Aden ont décidé d'honorer auprés du lectorat algérien.
A. A. H.