Dysfonctionnement : un terme à bannir
Qui ne connaît pas la loi en pâtit. C´est le principe même du fonctionnement de la justice pour ceux qui ne le savent pas. D´où le fameux et indélébile axiome selon lequel: «Nul n´est censé ignorer la loi.» Et qui signifie que si un quidam outrepasse ses droits, il devient automatiquement justiciable au nom de la même loi qu´il a ignorée au moment de commettre son acte. D´où la multiplication des vocations au métier d´avocat dont le rôle consiste, en principe, à rassurer le justiciable en lui apportant aide et assistance. Jusqu´ici tout va bien.
Mais dès que le verdict est prononcé, le «hic» s´impose aux conséquences qui s´ensuivront dans la mesure où l es jugements prononcés par les tribunaux ont peu été appliqués dans notre pays depuis l´indépendance. Ce qui vient d´être dit est probablement étonnant, mais c´est la vérité. D´où le terme dysfonctionnement qui revient à chaque fois qu´on s´inquiète desdits jugements en rappelant aux gens concernés par ce phénomène que l´existence d´une telle carence a certainement été une des causes qui ont favorisé l´érection du mur de méfiance existant entre la société civile et l´administration.
Je n´ai pas parlé ici des passe-droits et des dérogations dont certains citoyens ont bénéficié depuis toujours et ces richesses insolentes qui ont été accumulées par ceux dont le statut particulier étonne par le laxisme qu´il recouvre. Pour prévenir la fameuse cassure entre administration et société civile, on a très souvent seriné à ces Messieurs de la technostructure qu´un jour viendra où tous ces «dysfonctionnements» se traduiront par des «incompréhensions» auxquelles il ne manquera qu´une étincelle pour prendre l´allure d´un embrasement. C´est ce qui s´est produit en partie en Kabylie. Depuis 1962, des richesses ont été accumulées illégalement. Le comble, c´est que l´Etat est resté sourd pendant tout ce temps aux appels des honnêtes gens le priant d´en corriger la tendance. D´ailleurs, peu après son élection comme Président de la République, Bouteflika, au cours d´un discours de politique générale, n´avait pas manqué de signaler, en usant d´une forme de dénonciation par prétérition quasi publique, que les lois en vigueur concernant le commerce extérieur issues de la dénationalisation, ont été conçues pour servir une classe en particulier.
Aujourd´hui, on apprend qu´un coup de grâce, encore plus vicieux, serait en préparation pour servir, de façon encore plus «généreuse», les intérêts particuliers de tous les individus occultes qui, dans notre pays, peuplent les flancs du pouvoir pour en extirper le meilleur pour eux et leur famille au détriment de l´intérêt général. Ce coup de grâce s´appellerait coup de Jarnac si son application était déviée de son objectif initial. Il s´agit, on l´aura compris, de l´amnistie fiscale à laquelle tous les gouvernements n´ont jamais osé s´attaquer depuis 30 ans. Enfin, on a appris récemment qu´il n´y avait pas de loi condamnant le blanchiment d´argent en Algérie. Encore une faille qu´il faudra combler au plus vite, sans quoi, notre pays aura beau se considérer comme le plus solvable de la planète, les investisseurs comme l´OMC ne le prendront jamais au sérieux.
Cela étant dit, la solution à tous ces maux existe. Elle se trouve dans les textes des réformes que le chef de l´Etat a lancées ces dernières années pour corriger et améliorer l´économie, la justice et l´école, pour que ces institutions puissent enfin se débarrasser des relents encore assez puissants de l´économie dirigée dont le propre, on s´en souvient, a permis à toutes sortes d´aventuriers de tirer profit d´une époque où il n´y avait ni contrôle ni morale pour atténuer les effets des prélèvements que lui ont fait subir ses prédateurs. Mais, pour ce faire, il faut non seulement une volonté politique de fer, mais aussi de l´audace...