L’armée et l’ordre républicain
Beaucoup de choses ont été dites et écrites ces dernière années sur l´armée, sur son rôle général et particulier, sur et sa position dans l´échiquier politique algérien notamment. Les choses étant ce qu´elles sont et l´armée ayant été, dès l´aube de l´indépendance, un des acteurs clé du champ politique national, il serait absurde de nier ces faits. Mais en réalité la question, si question il y a, n´est plus là, du moins pas dans le contexte troublé qui est celui du pays. Ce qui fait problème, en revanche, c´est de savoir comment concilier un rôle qui, par la force des choses s´est imposé l´armée, qu´elle se l´ait octroyé, -délibérément ou autrement-, et l´ordre républicain compatible avec l´Etat de droit. Aussi, loin d´être académique, à la lumière des turbulences qui minent l´espace politique national, le questionnement est de savoir si, contrairement aux déclarations répétées des officiers supérieurs de l´armée, celle-ci a encore un rôle politique à jouer en Algérie qui se pose aujourd´hui.
A son habitude, le général à la retraite, Khaled Nezzar, qui s´est reconverti en un écrivain prolifique, relance le débat en produisant un nouveau livre dans lequel l´ancien ministre de la Défense apporte ses vérités. A l´évidence, nous n´épiloguons pas sur le contenu d´une oeuvre que nous n´avons pas lu. Toutefois, il ne fait pas de doute que l´ANP, sa mission, et ses missions, y occupent ses plus belles pages. Il est de fait que le rôle de l´armée algérienne durant la dernière décennie a été diversement apprécie. Comment pouvait-il en fait en être autrement si l´on tient qu´elle fut à la base de la sauvegarde de l´ordre républicain menacé par la déferlante intégriste, fut décriée par les uns, encensée par les autres. Cela étant, demeure toutefois le fait que ce même ordre républicain, qui suppose l´existence du pluralisme politique et sa conséquence directe les libertés citoyennes, est incompatible avec un champ politique, dominé, ou contrôlé, par l´armée. Cependant, et cela est à peine contradictoire, il y a également le fait, avéré, que l´armée a, dans un pays marqué par les dérives, assuré un réel rôle d´équilibre, singulièrement lors des évènements sanglants de ces dix dernières années. En réalité, l´armée, qui cherche aujourd´hui à se dégager de ses responsabilités politiques, se devait de se déterminer dans le contexte qui était alors celui du pays : accepter de cohabiter avec l´islamisme, un peu dans la minière du pouvoir militaro-islamiste du Soudan, ou encore, prendre sur elle de tracer des lignes rouges, assumant le rôle à l´instar de ce qui se passe avec l´armée turque gardienne de l´orthodoxie kemalienne. Ces choix se sont imposées à l´armée dans des circonstances, non seulement difficiles, mais frappées de l´urgence. C´est dire qu´il serait vain aujourd´hui, dans un pays qui a encore à s´imprégner des enseignements de la démocratie, de culpabiliser l´armée ou de lui réclamer un ordre républicain qu´il appartient aux hommes politiques (c´est-à-dire aux civils) de promouvoir, de consolider et de défendre.