L’épidémie et nous
Un mois à peine après le séisme du 21 mai 2003, la population a reçu la nouvelle de la peste bubonique à Oran comme une gifle. En effet, si dans le premier cas, les humains étaient désarmés, tant les mouvements de la tectonique des plaques sont totalement indépendants de leur volonté - quoi qu´il soit possible d´intervenir en amont et en aval par les constructions parasismiques et une meilleure prise en charge des sinistrés - dans le second cas, la responsabilité humaine est engagée. Ici, le manque d´hygiène est une donnée incontournable.
Au niveau des chiffres, c´est une autre paire de manches. Si le cataclysme du 21 mai a fait plus de 2270 victimes, il peut paraître dérisoire de titrer en une sur dix décès causés par la peste bubonique. C´est une question d´échelle. Et pourtant, si la presse en est réduite à manipuler des chiffres et à tenir une comptabilité macabre, c´est que l´information n´est jamais neutre et qu´il y a toujours une grande part d´émotion et de subjectivisme à traiter de toutes ces catastrophes qui touchent nos concitoyens, et donc qui nous concernent de près. Un article, ça s´écrit aussi avec ses tripes. Non seulement parce que la mort est un sujet toujours douloureux, mais aussi parce que parfois on ressent une certaine révolte, en se disant que ces décès auraient pu être évités, pour peu que... La peste, c´est connu. C´est une maladie moyenâgeuse, même si M.Abdelhamid Aberkane, ministre de la Santé, essaie d´en limiter la portée, en affirmant que la peste bubonique est une maladie facile à traiter, que les médicaments et les moyens existent pour en venir à bout et qu´elle touche même des pays comme les Etats-Unis, la première puissance du monde. Cela change quoi au fin mot de l´affaire? Un mal devient-il plus supportable lorsqu´il touche les voisins ou les amis, voire des gens très éloignés de nous géographiquement, comme les Américains? Le séisme, les inondations, la typhoïde qui fait chaque année des dizaines de victimes, la méningite qui n´est pas éradiquée, les cas de tuberculose qui surprennent toujours par leur soudaineté, toutes ces catastrophes et ces maladies interpellent les pouvoirs publics, mais aussi les citoyens où qu´ils soient, et leur recommandent de redoubler de vigilance, notamment en ce qui concerne l´hygiène, la qualité de l´eau et de l´environnement.
Pour ce qui est de la peste bubonique proprement dite, et même si sa propagation semble maîtrisée pour l´instant, il ne fait aucun doute que les opérations de désinfection, de dératisation, de collecte et d´incinération des ordures ménagères, de curage des égouts, si elles avaient été menées à temps, auraient pu éviter d´en arriver là. Les autorités publiques parlent même de suspendre l´importation de friperies et de procéder au contrôle des minoteries. Avec les chaleurs estivales qui favorisent les bouillons de culture, aucune précaution n´est à négliger.
