Un modèle terni
Le modèle français d´intégration est à rude épreuve. Le gouvernement qui, il n´y a pas si longtemps, affichait un air satisfait du fonctionnement des institutions de la République, allant jusqu´à donner des leçons de démocratie et de justice sociale à de nombreux pays africains à l´image de la Côte d´Ivoire, pour ne citer que le pays où la France est très engagée, a du mal à expliquer une flambée de violence qui dure depuis trop longtemps pour être un simple «chahut de gamins». On ne peut raisonnablement pas penser qu´une bande de «voyous» ait pu tenir tête à l´appareil répressif de la République plus d´une semaine, sauf si l´on part du principe que toute la jeunesse des banlieues n´est qu´un «ramassis de racailles». Et si c´est le cas, on en doute fort, c´est tout le discours sur l´intégration qui est battu en brèche. La vérité est que le modèle français d´intégration est vicié au départ. Il donne certes droit à la nationalité française à des Mohamed et des Abdoulay, mais fait d´eux des citoyens de seconde zone, tout juste bons à vivre en banlieue, le plus loin possible des Français de souche. Pour faire bonne figure, on «sort» quelques jeunes de leurs quartiers, pour en faire des stars du showbiz, voire même des ministres et secrétaires d´Etat. Cela permet de démontrer au monde les «réussites» du modèle français d´intégration. Les politiques ont été jusqu´à exploiter la fête de la victoire de l´équipe de France au Mondial de football de 1998. Les politiques y ont vu la consécration d´«une France plurielle, unie et solidaire». Mais l´euphorie de la coupe du monde passée, chaque société est retournée à ses «casernements». Le beur est redevenu beur avec tout ce que cela implique comme difficultés d´insertion professionnelle et autres problèmes de racisme latent. Une réalité que les sphères dirigeantes ont occultée. Pourtant, les «banlieusards ont sonné l´alarme» un certain 12 octobre 2001. A l´occasion du match amical Algérie-France, la Marseillaise a été sifflée. Un signal d´alarme que les politiques de Paris n´avaient apparemment pas bien entendu. C´était le signe d´une fracture profonde au sein d´une société qui, sortie de l´euphorie «footballistique», retombe dans des contradictions qui sont les siennes depuis la nuit coloniale. En fait, ces émeutes qui durent, traduisent non pas seulement un malaise profond au sein d´une partie, en principe, intégrante de la collectivité nationale, mais renseigne également sur l´effort qui reste à faire pour parvenir à une société réellement «plurielle unie et solidaire». Plus de deux siècles après la Révolution française, le triptyque «liberté, égalité, fraternité», est à réinventer.