CRISE LIBANAISE
Le régime totalement isolé
Après les Etats-Unis et l’UE, la Russie et l’Arabie Saoudite pressent la Syrie de retirer son armée du Liban.
Les présidents américain et russe, le secrétaire général de l´ONU et le prince héritier de l´Arabie Saoudite demandent à la Syrie de se retirer du Liban. L´opposition libanaise qui maintient une forte pression sur Emile Lahoud exige la démission du président du conseil de sécurité libanais, avant l´entame de tout dialogue pour la formation d´un nouveau gouvernement. Même la sphère religieuse intervient dans le débat à travers les déclarations du cardinal Nasrallah Sfeir, le patriarche maronite libanais, estimant nécessaire la formation d´un exécutif neutre. Ce sont là les derniers développements de la crise au pays du Cèdre, dont le caractère international ne fait plus de doute.
Ainsi sur des tons différents mais tout de même assez clairs, les principaux dirigeants du monde désignent la Syrie comme principale cause de la situation tendue que traverse le Liban depuis l´assassinat de Rafik Hariri. Le chef de l´Etat russe, Vladimir Poutine, dont le pays est l´un des alliés stratégiques du régime en place à Damas, défend l´idée d´un retrait syrien. L´homme fort du Kremlin, soutenant la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l´ONU, a néanmoins nuancé sa position. «Mais nous devons tous nous assurer que ce retrait ne perturbe pas l´équilibre très fragile que nous avons encore au Liban, qui est un pays très difficile» a-t-il estimé. La prudence dont fait montre Poutine est justifiée, selon lui par le fait qu´ «ethniquement, religieusement, l´organisation du pouvoir (au Liban) est très compliquée et nous ne pouvons pas troubler cet équilibre»,a souligné ministre des Affaires étrangères russe, M.Lavrov. Le même responsable a tenté de défendre la décision de Moscou de vendre à la Syrie un nouveau système de défense anti-aérienne. Pour lui, la transaction ne mettait pas en péril l´équilibre des forces militaires au Moyen-Orient, d´autant, soutient-il que «nous vendons à la Syrie un système de défense anti-aérienne, de très courte portée», a indiqué le chef de la diplomatie russe, relevant que la Syrie avait été bombardée à plusieurs reprises. Ces armements «ne peuvent pas être utilisés par des terroristes et ne peuvent pas être utilisés dans un autre but que de protéger». Cela pour dire que la coopération russo-syrienne ne remet pas en cause «l´équilibre des armements au Moyen-Orient». Les relations russo-syriennes avaient connu des années de déclin après l´effondrement de l´Union soviétique en 1991 mais elles se sont récemment réchauffées. D´où la position pour le moins inconfortable de la Russie sur le dossier libanais.
Le prince héritier saoudien Abdallah Ben Abdel Aziz a conseillé jeudi au président syrien Bachar Al-Assad de retirer «rapidement» ses troupes du Liban et de fixer un calendrier pour un tel retrait, a rapporté l´AFP, auprès d´un responsable saoudien qui a requis l´anonymat. Beaucoup moins «compréhensif» que son homologue russe, le président américain George Bush a appelé Damas à retirer ses troupes du Liban. Seule condition, selon lui, pour permettre l´installation d´un gouvernement démocratique dans ce pays. Fort de la déclaration commune franco-américaine sur la question, Bush brandit le total accord entre Washington et l´Europe Au plan interne, l´opposition libanaise, poursuit son «harcèlement» à l´encontre du pouvoir. Après avoir obtenu la démission du gouvernement Karamé, elle réclame la démission de responsables de la sécurité, cela, en sus d´un engagement officiel de Damas pour un retrait militaire du Liban. Cette offensive politique intervient alors que des témoins auraient vu un déploiement des forces syriennes, non pas dans le sens d´un retrait, mais dans une logique de renforcement des positions déjà acquises dans la région de Baqaa, rapporte l´agence française, AFP, dont le pays est très impliqué dans la crise.
Cette situation confuse a amené l´opposition libanaise à refuser tout contact avec la présidence tant que les choses ne se seront pas décantées dans le sens d´un raffermissement de sa position face au pouvoir en place à Beyrouth. Un dialogue de sourds, en somme, de nature à faire perdurer la crise. Cet état de fait est constaté par les journaux libanais qui se sont déclarés sceptiques sur l´ouverture d´un dialogue entre l´opposition et le pouvoir. Les observateurs libanais estiment que l´opposition a posé une série de conditions rédhibitoires qui seront vraisemblablement rejetées par un pouvoir isolé et en crise. En attendant l´inévitable ouverture des négociations qui devront déboucher vers la formation d´un nouveau cabinet, des membres de l´opposition ont noué des contacts avec des formations chiites, alliées de Damas, mais influentes sur la scène politique.
Membre de la Ligue arabe, le pays des Cèdre a été très présent à la réunion des ministres des Affaires étrangères arabes qui s´est tenue ce week-end au Caire. Même si le sujet n´est pas contenu dans l´ordre du jour de la session, plusieurs ministres ont évoqué la question, dans une tentative de calmer la tension très perceptible dans la salle de réunion. Ainsi, l´on s´est félicité de l´attitude sage de la Syrie et appelé toutes les parties à trouver une solution à la crise dans le cadre des accords de Taëf qui font obligation à la Syrie de se retirer graduellement du Liban. Pour les Arabes, «la logique est que la résolution 1559 étant une émanation du Conseil de sécurité (de l´ONU), son application doit être réalisée avec l´ONU, dans le cadre des rapports libano-syriens».