OUTRÉ PAR L’HÉMORRAGIE QUE SUBIT L’UNIVERSITÉ
Bouteflika suspend les bourses d’études à l’étranger
La réforme du système éducatif n’est pas appliquée dans toute sa rigueur, mais elle avance à pas sûrs.
Une plaie béante qui gangrène la nation. Un transfert inverse des capacités technologiques. Un modèle mal approprié d´échanges scientifiques entre les Etats. «Le peuple algérien ne va pas semer pour que les autres récoltent, c´est mon message aux nouveaux bacheliers.» Cette phrase a été prononcée et répétée par le président de la République hier, lors de la cérémonie d´ouverture des portes ouvertes sur l´enseignement supérieur, au Palais de la culture à Alger. Courroucé et outré par l´hémorragie que subit l´université algérienne, M.Bouteflika a dénoncé cette pratique «de bourses à l´étranger» qui fait le bonheur des pays d´accueil. Il propose de revoir de fond en comble l´attribution de ces bourses en laissant entendre notamment, qu´elles seront tout bonnement suspendues. Il suggère l´établissement d´un pacte entre les étudiants et la société «ces étudiants sont formés avec l´argent du peuple auquel ils sont de ce fait redevables».
Encore que le traitement réservé par certains pays, dont la France, particulièrement aux médecins, n´est pas réjouissant. Fuyant la mal vie du pays, ils sont souvent contraints d´exercer comme infirmiers ou techniciens de la santé. Un fait dénoncé par M.Bouteflika en rappelant que «les Algériens font partie de l´élite de la science informatique au Japon».
D´autre part, le président n´a pas été tendre quant à la qualité de la formation offerte aux universitaires: «Nous réjouir du nombre de diplômés que l´université produit annuellement n´est pas une fierté» a clamé M.Bouteflika. Cet objectif «ne saurait être atteint, selon le chef de l´Etat, sans la rénovation de la formation des générations montantes à tous les niveaux de l´enseignement». C´est pourquoi, M.Bouteflika a mis l´accent, dans son discours, sur la réforme du système éducatif en se conformant «au cadre référentiel global, à savoir le plan recommandé par la Commission nationale de réforme du système éducatif». Un cadre «qui n´est pas appliqué dans toute sa rigueur, je dois le dire», a noté le président de la République précisant cependant, que cette même réforme «avance à pas sûrs». En ce sens qu´elle touche l´élément le plus précieux secrété par la société, la fuite des compétences algériennes à l´étranger qui a constitué ces dernières années une véritable saignée. De 1990 à aujourd´hui, plus de 1,5 million d´universitaires ont quitté le pays vers d´autres contrées, selon des statistiques non officielles. Entre 400.000 et 500.000 cadres de très haut niveau formés à coups de milliards de l´Etat, ont quitté le pays durant la même période. A elle seule, la France a accueilli ces quinze dernières années, plus de 15.000 médecins fuyant la précarité et le manque de conditions de travail. Mais quelle est la responsabilité de l´Etat dans ce que le président a appelé «une grave dérive»? Qu´a fait l´Etat pour valoriser l´élite en la considérant comme socle de la promotion de la citoyenneté? A compter le nombre de grèves organisées par les enseignants universitaires, ces dernières années, revendiquant un salaire digne et un logement et à voir le mépris avec lequel leurs doléances sont traitées, l´énigme de la fuite des compétences est facile à résoudre.