Ce que veut la jeunesse algérienne

Durant une année, le ministère algérien de la Jeunesse et des Sports, en collaboration avec le ministère français des Affaires étrangères et l´ambassade de France à Alger, qui ont apporté un soutien technique, méthodologique et scientifique, a réalisé une enquête sur les aspirations de la jeunesse algérienne et sa manière de concevoir les choses en ce bas-monde.
En tout, 8325 jeunes ont été interrogés à travers le territoire national par 260 personnes qui ont pu collecter, par étapes, des informations sur le terrain, ce qui a permis la réalisation de l´enquête dont les résultats ont été proclamés lors d´une cérémonie organisée, dimanche dernier, au siège du ministère de la Jeunesse et des Sports.
Chapeautée par Tariq Ragi, chercheur en sociologie et en sciences politiques au Cnrs (France) et ce, dans le cadre de la coopération algéro-française, l´enquête a permis de cerner sur une base scientifique les aspirations des jeunes Algériens ou du moins l´échantillon de 8 325 jeunes âgés entre 10 et 35 ans abordés par les enquêteurs.
D´après le rapport remis au ministre de la Jeunesse et des Sports, M. Ziari, en présence de l´ambassadeur de France à Alger, avant-hier, la manière de concevoir des jeunes Algériens ne diffère pas globalement de celle des jeunes Européens. Ainsi, d´après les enquêteurs en matière d´emploi en Algérie, il existe de fortes disparités liées à l´âge et au sexe.
Il s´avère que les garçons présentent deux à trois fois plus de chances que les filles d´accéder à un emploi. Le rapport révèle que la présence masculine est plus importante dans toutes les professions et catégories socioprofessionnelles, à l´exception des cadres où les hommes et les femmes sont équitablement représentés.
En ce qui concerne les liens parentaux, l´enquête atteste que plus de trois jeunes sur quatre déclarent qu´ils s´entendent bien avec leurs parents. Plus de 60% d´entre eux soulignent, par ailleurs, que la femme doit s´occuper de sa maison et de l´éducation des enfants, qu´il faut améliorer son niveau d´instruction et qu´elle doit travailler si elle le souhaite.
Ces résultats paradoxaux correspondent également à ceux obtenus en France dans les études et les sondages. Les jeunes des deux rives de la Méditerranée semblent ainsi, concernant la femme, vouloir la même chose.
Mais quand on sait qu´il est quasiment impossible que la femme s´occupe de l´éducation de ses enfants, des tâches ménagères et travailler en même temps, l´on devine aisément le fond de la pensée du «mâle» à ce sujet. Le rapport intitulé «Enfance, adolescence et jeunesse en Algérie» signale que le foyer constitue le lieu principal de la satisfaction des loisirs, qu´ils soient audiovisuels, livresques ou ludiques. L´enquête montre également que les jeunes sont des lecteurs assidus dans la mesure où plus de trois jeunes sur quatre déclarent tout l´intérêt qu´ils portent particulièrement à la lecture des journaux, mais aussi de romans et de magazines spécialisés. En matière de sports, deux jeunes sur trois disent qu´ils pratiquement le sport, notamment le football qui reste chez nous le sport-roi. Concernant la santé, plus d´un jeune de moins de 16 ans sur vingt reconnaît son problème d´addiction à la cigarette, à l´alcool et/ou à la drogue. Ainsi, d´après l´enquête, le tabagisme des jeunes passe de 6,8% chez les jeunes âgés de moins de 16 ans à 23,7% chez les plus de 26 ans. Les modes de participation des jeunes dans les affaires de la cité restent faibles en comparaison avec l´Europe et l´Occident d´une manière générale. Ainsi, en moyenne 14 % seulement des jeunes sollicités, déclarent adhérer à une ou plusieurs associations.
Concernant l´implication dans un syndicat, le rapport indique qu´il progresse rapidement pour atteindre 7,6 % chez les plus de 26 ans. Quant au taux d´implication dans un parti politique, il semblerait, d´après l´enquête nationale sur les besoins et aspirations des jeunes, qu´il évolue de 2,5% approximativement, pour les deux sexes chez les moins de 16 ans et 8 % environ chez les jeunes âgés de plus de 26 ans. Deux jeunes sur trois affirment que l´acte de vote est important. S´agissant des «ressentiments» des jeunes, il s´avère que les accidents de la circulation occupent en premier lieu l´esprit des jeunes sondés, suivent par la suite les risques d´agression, les catastrophes naturelles, le terrorisme, et enfin au cinquième rang le risque lié à la propagation des maladies sexuellement transmissibles et du sida. Plus d´un jeune sur cinq déclare être sensible à cette menace.
Interrogés sur les priorités qu´il conviendrait de donner à l´action à leur profit, les jeunes ont établi six priorités. Pour sept jeunes sur dix, la priorité des priorités concerne l´accès à l´emploi. Puis par ordre de priorité, les jeunes considèrent que l´investissement dans le secteur éducatif doit être soutenu et renforcé, la lutte contre toutes les formes de violence, le logement pour les jeunes, et enfin les loisirs.
Le rapport conclut en soulignant que la jeunesse algérienne est proche des jeunesses du Bassin méditerranéen. D´après les rédacteurs, les jeunes Méditerranéens, y compris les jeunes Algériens, sont extrêmement en retard en matière de décohabitation familiale, ce qui ne signifie pas qu´ils restent soumis à un modèle familial archaïque en raison d´un taux de chômage élevé et de faibles aides publiques destinées aux jeunes. Enfin, il faut noter que cette enquête est la première réalisée en Algérie sur la base de données scientifiques sur le terrain. L´objectif, indique le département de M. Ziari, est d´identifier et d´élaborer des indicateurs pour ses besoins en matière de développement stratégique dans les domaines de la formation, des activités et des équipements.