Des liens immémoriaux
Les trois pays ont en partage une histoire tragique, un fonds linguistique et une culture, communs, qui remontent à la nuit des temps.
C’est sur ce socle que reposent les liens indéfectibles qui les unissent. Des liens que l’histoire récente a tenté de fissurer. Contre toute attente c’est l’effet contraire qui s’est produit. Avec la Tunisie, ils ont pris une tournure toute particulière lors du bombardement de Sakiet Sidi Youssef. C’est dans le sang que se forgent les liens exceptionnels. Ceux qui unissent l’Algérie et la Tunisie en sont un exemple concret. Des liens symbolisés par les événements de Sakiet Sidi Youssef. Des évènements comptant parmi les crimes coloniaux imprescriptibles à l’instar des essais nucléaires dans le Sud algérien. Des évènements ayant établi une cohésion et une synergie entre les deux peuples frères, algérien et tunisien. Une union scellée par le sang, un jour de 8 février 1958 et qui s’est renforcée au fil des jours et des années. Retour sur la genèse de ces massacres. Entre juillet 1957 et janvier 1958, l’Armée de Libération nationale a mené 84 opérations sur la frontière algéro-tunisienne. Un harcèlement que l’armée française a cru pouvoir enrayer en bombardant le village de Sakiet Sidi Youssef. Le 8 février 1958, l’armée coloniale a indiqué qu’un avion, touché par une mitrailleuse postée à Sakiet Sidi Youssef, a dû se poser en catastrophe à Tébessa. Un prétexte pour mener, le jour même, des raids sauvages et meurtriers sur ce paisible village. Un marché où se pressaient des paysans de la région a été mitraillé par une escadrille de chasseurs volant en rase-mottes. 26 chasseurs-bombardiers Corsair entreront en action tuant 79 personnes dont 20 enfants, des réfugiés algériens regroupés par une mission de la Croix-Rouge, 11 femmes, blessant 130 autres et rasant des infrastructures. Le bombardement a aussi détruit quatre camions de la Croix-Rouge suisse et du Croissant-Rouge tunisien chargés de vêtements qui allaient être distribués, selon des sources historiques convergentes. Un évènement qui a scellé une solidarité séculaire entre les peuples tunisien et algérien. La date du 8 février de chaque année, demeure ainsi un jour mémorable dans les relations des deux pays qui entretiennent des relations fraternelles remarquables. En ce qui concerne la Libye, elles revêtiront un caractère particulier lorsqu’au cours du XIXe siècle le célèbre savant algérien Mohammed bin Ali al-Sanoussi décidera de s’exiler, au début de la colonisation de l’Algérie par la France, pour s’installer en 1840 en Arabie à La Mecque où il fonda la Tariqa al-Sanoussia puis la Dynastie Senoussie avec à sa tête, Idriss 1er qui proclamera l’indépendance de l’Émirat de Cyrénaïque en 1922 puis l’indépendance du Royaume Sanusi de Libye, en 1951. Il sera ainsi le premier État du Maghreb à obtenir son indépendance. Les relations entre l’Algérie et la Libye s’intensifieront cependant lorsque le colonel Mouaâmar El Gueddafi renversera la monarchie en 1969. Il s’ensuivra des relations amicales pendant plus de quarante ans de son règne avant sa chute en 2011. Les relations seront plutôt tendues avec le Conseil national de transition ou CNT, une autorité politique de transition créée lors de la révolte libyenne, le 27 février 2011. Le pays s’installera dans une instabilité politique chronique. L’Algérie redoublera d’efforts pour réconcilier les différentes factions. Le conflit libyen sera ancré dans la feuille de route de sa diplomatie pour que la Libye retrouve la paix et la stabilité. Une Conférence internationale qui s’est tenue le 19 janvier 2020 à Berlin lui sera dédiée. L’Algérie y était présente et a rallié de façon unanime les grandes puissances (France, Allemagne, Italie, États-Unis…) autour de sa position : le dialogue pour mettre fin à la crise libyenne. Un nouveau pas aura été franchi, hier, au nom d’une histoire séculaire qui lie les deux pays.