RÉCONCILIATION NATIONALE LE DISCOURS RELIGIEUX REPREND DE PLUS BELLE
Des «prêches» pour la charte
«Quoi offrir de plus à ceux qui ne veulent pas aller au paradis?» dixit Bouguerra Soltani, président du MSP.
La foi et la politique ne font habituellement pas bon ménage. En Algérie, l´utilisation à des desseins politiques de la religion a été formellement bannie par la loi sur les partis politiques. C´était alors une avancée notable vers l´instauration de nouvelles moeurs politiques- démocratiques et républicaines- après le tremblement provoquée par l´avènement du Front islamique du salut (FIS) Aujourd´hui, les leçons mais- plus grave- la loi ne semblent pas avoir été prises en compte, tant les textes sont régulièrement transgressés, y compris par les représentants officiels des institutions publiques. La campagne référendaire sur la charte de la paix menée par les ministres et les chefs de partis politiques atteste d´un retour progressif du discours religieux. C´est ainsi que les électeurs dont une grande partie ignore à tout le moins le contenu du projet de loi qui fait l´objet pourtant d´un matraquage médiatique sans précédent, assistent, à leur « coeur » défendant, au «political speech» où religion et démagogie font bon ménage. El Hachemi Djaâboub, ministre du Commerce, a été sans conteste celui qui a poussé le bouchon le plus loin en prônant devant une foule de citoyens, le caractère céleste de la charte: «C´est un projet divin» a-t-il martelé la semaine précédente à Boumerdès. Son compagnon au gouvernement et au parti Mouvement de la société pour la paix Amar Ghoul, lui, s´est fait plaisir en faisant savoir, le week-end dernier à Aïn Temouchent, que le fameux mot «réconciliation» est cité 108 fois dans le Coran. Le fait est là, évident. C´est bien la religion qui sert d´assise, sans scrupule, à des objectifs éminemment politiques. Les partis islamistes, le MSP en tête, en sont l´émanation et les chefs d´orchestre. C´est pour eux, un terrain connu, travaillé et balisé. Cette incursion du religieux dans le discours politique dans pareille conjoncture s´apparente bien à une démarche voulue et mûrement réfléchie et son impact serait, disons-le, important, notamment dans les villes intérieures du pays où l´analphabétisme et la pauvreté rendent la population sensible à de tels discours. Bouguerra Soltani, le président de l´ex-Hamas, n´a-t-il pas atteint les limites et sans craindre le ridicule, dans un meeting animé, il y a quelques jours, à Tlemcen, lorsqu´il a dit texto: «Ceux qui ont tourné le dos aux précédentes propositions de paix [allusion aux lois sur la Rahma et la concorde civile] se voient s´ouvrir devant eux une autre porte en 2005» et de s´interroger ensuite «qu´offrir de plus à ceux qui ne veulent pas aller au paradis?» No comment! Ni la loi ni l´éthique, encore moins la morale, ne feront désormais reculer ces «missionnaires» de la politique. Mais la fièvre religieuse qui sévit dans les milieux politiques, depuis l´annonce de la tenue du référendum, n´a pas atteint seulement les islamistes. D´autres encore font dans le «prêche-politique» à l´image du ministre de la Santé et membre du bureau politique du FLN, Amar Tou, qui a appelé la population de Aïn Témouchent à voter pour le projet de la charte dans un mea culpa assez étonnant: «Nous en étions arrivés à ne plus pouvoir payer notre blé (...) Dieu nous a alors gratifiés de Bouteflika, même le prix du pétrole est remonté» a-t-il avoué. Dans la sphère économique où, en théorie, l´esprit pragmatique est rigoureusement respecté, l´on n´est pas moins à l´abri de cette «vague» divine. Un responsable d´une organisation patronale en «bon musulman et croyant aux signes divins» lâche ceci: «Souvenez-vous, dès qu´on a commencé à parler du projet de réconciliation nationale et de paix, des déluges de pluie et de neige se sont abattus sur notre pays». Evidemment, nous serons peut-être tous ravis d´entendre de telles «théories» pour peu seulement que les responsables de l´ONM (Office national de la météorologie) en avalisent la crédibilité...