LES JOURNAUX AMÉRICAINS PRÉPARENT LEUR MUTATION
La fin d’une époque
Bill Duryea, rédacteur en chef de St Pitersburg Times qui tire à 240.000 exemplaires en Floride, reconnaît que son journal «a dû réduire le nombre de journalistes».
La presse américaine vit des moments très difficiles. La crise financière a sérieusement affecté ses revenus. En 2009, des centaines de journalistes ont perdu leur emploi. La publicité a chuté de 50%. David Kaplan, directeur d´une organisation pour les journalistes d´investigation, est certain que la presse écrite américaine est appelée à revoir son système de fonctionnement. Les prémices du changement sont déjà là. Le prestigieux journal, Washington Post, a rappelé une bonne partie de ses correspondants à l´étranger. Idem pour le New York Times. «Les journaux ne peuvent plus supporter les dépenses de leurs bureaux à l´étranger La crise du secteur financier, en réduisant les publicités, a frappé le secteur de plein fouet, d´autant qu´elle était arrivée à une phase de saturation», poursuit Kaplan. Bill Duryea, rédacteur en chef de St Pitersburg Times qui tire à 240.000 exemplaires en Floride reconnaît que son journal «a dû réduire le nombre de journalistes. Certains ont été tout simplement remerciés. Nous n´avons rien fait pour retenir ceux qui ont exprimé le souhait de quitter le quotidien.» Ce n´est pas tout, ajoute-t-il, «les postes vacants causés par le départ à la retraite de quelques journalistes, n´ont pas été occupés.»
La presse américaine qui consacre de petits espaces pour les informations internationales, compte désormais sur les agences internationales telles que l´AFP, AP ou Reuters pour se procurer des nouvelles. Même dans des pays où les USA sont en guerre comme l´Irak et l´Afghanistan. Le rédacteur en chef de St Pitersburg Times affirme que le dernière mission que le journal a financé à l´étranger remonte à juillet 2009. Janet, correpondante du journal, regrette cette situation: «D´habitude j´avais une moyenne de cinq à six missions pas an. Depuis un an, je n´ai pas mis les pieds dehors.» Cette absence des médias sur les terrains de conflit les empêche de rapporter les faits d´une manière objective et globale. Kim Barker, journaliste de guerre, souligne que «suite à la crise financière, beaucoup de médias, qui ont décidé de garder les correspondants sur les terrains de guerre, ont réduit sérieusement leur budget. Cela constitue une erreur monumentale. Lorsqu´on dépêche les journalistes sur le terrain de conflit, il faut mettre le paquet». Kim nous raconte le cas de ces journalistes qui préfèrent couvrir les événements en Irak à partir du siège de l´ambassade US dans ce pays. «Face au manque de moyens, les journalistes hésitent à s´aventurer dans les zones à risque. Du coup, le lecteur est très peu et/ou mal renseigné sur les événements. L´autre risque vient des journalistes qui accompagnent l´armée dans ses opérations. Ces derniers voient, selon Kim Barker, qu´une face de l´événement, c´est celle des troupes armées engagées en Irak. Parce que cette dernière limite leurs déplacements.»
La crise du secteur financier, qui s´est traduite par la baisse des recettes publicitaires et le resserrement du crédit, affecte aussi le marché des journaux gratuits. The New York Sun, alternative conservatrice au New York Times, a cessé de paraître en raison de difficultés financières. Les efforts pour garantir le financement du quotidien avaient échoué. A Washington, un hebdomadaire gratuit, le City Paper, s´était plaçé sous la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites, ce qui lui donne un répit pour se réorganiser.
Kelly MC Bride, ancienne journaliste et membre de l´organisme Poynter, estime que la presse écrite est doublement affectée. «Il y a la crise financière d´une part et le forcing de la presse en ligne. De plus en plus de personnes s´orientent vers la presse électronique. Cela bien évidemment, a eu des répercussions sur le choix des annonceurs qui, dans un souci de cibler le plus grand nombre de lecteurs, se dirigent vers la pub en ligne.» Aux Etats-Unis, un sérieux débat est lancé sur l´avenir de la presse écrite, qui a connu une époque de prospérité qui a duré plus de deux cents ans, et ce, face à la percée de la presse électronique. Kelly MC Bride affirme que «la presse écrite doit prendre en considération cet aspect, pour se conformer aux nouvelles normes». Barker souligne toutefois que «la presse écrite a quand même de longues années devant elle».