IRAK-ETATS-UNIS
La guerre c´est la paix
C’est l’axiome que Bush semble vouloir imposer dorénavant à la communauté internationale.
Il ne fait plus de doute que la guerre contre l´Irak est aujourd´hui une question de semaines, voire de jours, tant il est patent qu´indépendamment de ce que peuvent découvrir, ou ne pas découvrir, les inspecteurs de l´ONU, les Etats-Unis sont déterminés, de toutes les manières, à frapper l´Irak. Beaucoup se perdent en supputations alors que les faits parlent d´eux-mêmes: depuis son élection à la présidence des Etats-Unis, l´objectif prioritaire de George W.Bush a été d´asseoir définitivement la suprématie américaine sur le monde. Pour ce faire, l´Irak, depuis une décennie au ban de l´humanité, constituait un bon challenge et un avertissement exemplaire, sur ce que pouvaient faire les Etats-Unis pour maintenir leur ascendant, conjugué au fait que l´Irak détient les deuxièmes réserves mondiales de pétrole. Cette guerre annoncée participe également à conforter une domination sans partage adoubée par une suprématie militaire sans précédent. La chute de l´Union soviétique, dont il faut souligner l´état de décrépitude de l´armée dont a hérité la Russie, a intronisé les USA comme un géant militaire sans rival. De fait, il n´existe nul exemple dans l´histoire d´une puissance militaire de cette dimension, détenue par un seul pays, même à l´époque des empires britannique et français.
Cette puissance militaire fait des Etats-Unis un pays craint et respecté. Mais, cette évidence, admise par tous, ne semble point suffire aux stratèges de la Maison- Blanche qui veulent plus, beaucoup plus, que la seule reconnaissance de la puissance, écrasante, des Etats-Unis. Ceux qui échafaudent la stratégie politique américaine exigent maintenant l´interdiction à tout pays de pouvoir développer une science militaire indépendante et de là accéder, éventuellement, au statut de puissance militaire, pouvant remettre en cause les nouvelles normes des rapports que Washington tient à instaurer au regard de la nouvelle donne stratégique mondiale. Dès lors, les attentats terroristes du 11 septembre 2001 contre New York et Washington, s´ils prirent totalement au dépourvu les Etats-Unis et mirent à nue les failles du système sécuritaire américain, allaient également, sous le couvert de lutte antiterroriste, donner à Washington de mener de concert sa vaste entreprise de mainmise sur le pétrole irakien et plus généralement sur la manne pétrolière des pays du Golfe et de la mer Caspienne (voir article de Karim Mohsen). Deux coups de pouce du destin semblent avoir favorisé une hégémonie américaine annoncée: en 1947, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le secrétaire américain au Trésor, John Snyder, met le FMI (créé en 1944 lors de la réunion de Bretton Woods -New York-) devant le fait accompli en l´informant que les USA vendraient et achéteraient de l´or contre des dollars. Autrement dit, le FMI est détourné de son rôle alors que le dollar est promu au rang d´étalon monétaire mondial. Second coup de pouce, l´effondrement du bloc communiste, au moment où l´armée américaine atteignait les summums. L´armée américaine, -la plus puissante et la plus meurtrière de tous les temps-, plus elle monte en puissance moins elle revient chère au budget de l´Etat. Une équation unique qui souligne quelque peu «l´exceptionnalité» des Etats-Unis, d´où la détermination des dirigeants américains à lui assurer la domination du monde. Expliquant cette position hors normes, l´historien Paul Kennedy, professeur à l´université de Yale, met en exergue le budget militaire américain à propos duquel, il indique: «En 1985 (...), le budget du Pentagone qui équivalait à 6,5% du PIB, était considéré par beaucoup comme l´une des causes des problèmes affectant le budget et la croissance économique des Etats-Unis, En 1998, la part des dépenses militaires dans le PIB était redescendue à 3,2% et elle n´est guère plus importante aujourd´hui. Etre le numéro un mondial au prix de fortes dépenses est une chose, rester à moindre coût l´unique superpuissance du globe est proprement incroyable» (1) A moindre coût? Le budget du Pentagone pour l´année fiscale 2003 est de 379 milliards de dollars, en augmentation de 45 milliards de dollars par rapport à l´exercice précédent.
Le budget annuel du ministère américain de la Défense équivaut à la dette extérieure africaine. Ou, de quoi équiper pendant un siècle le continent africain. Présentant le budget du Pentagone devant la National Défense University, le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, un des faucons de la Maison-Blanche, affirme: «Nous avons besoin de forces armées rapidement déployées et totalement intégrées entre elles, capables d´arriver rapidement sur les champs de bataille lointains et de coopérer avec nos forces aériennes et navales pour frapper nos adversaires rapidement avec précision et de manière dévastatrice» (2) Et c´est cette superpuissance qui a mis l´Irak dans son collimateur en décidant d´en faire un exemple de sa détermination à n´accepter aucune entrave à son hégémonie mondiale. George W.Bush, en désignant l´Irak (au même titre que l´Iran et la Corée du Nord) comme étant «l´axe du mal», veut assumer autant le rôle de gendarme que celui de bourreau. La chute de l´Union soviétique a donné à la diplomatie américaine, notamment sous Bill Clinton, d´essayer d´infléchir les choses vers «l´élargissement démocratique et le libre-échange» lesquels devaient, selon le concept alors en vogue, «contribuer à propager la stabilité et les valeurs libérales». Cette doctrine participative a été balayée par l´unilatéralisme de George W.Bush et de ses stratèges, à leur tête, le vice-président Dick Cheney, ancien secrétaire à la Défense de Bush père. Ce dernier, sceptique quant à la portée de la collaboration diplomatique, préconise plutôt l´idée selon laquelle «(les Etats-Unis) devaient empêcher l´émergence d´autres superpuissances». Ceci, bien entendu, au prix d´une guerre qui se voudrait exemplaire.
D´autant que la survie de Saddam Hussein au pouvoir à Bagdad bloque toute la politique de redéploiement que compte entreprendre le président Bush dans une région stratégiquement vitale pour le devenir des Etats-Unis. Aussi, réduire le régime irakien, c´est défaire un obstacle incompatible avec la vision future du Golfe telle que l´envisage l´administration Bush. Le président américain, qui voit le mal partout, s´est donné les moyens et mission de le combattre. Mais qui paiera le prix de cette gageure qui veut que la guerre c´est la paix? Mais quelle paix, si ce n´est, outre celle des cimetières, celle qui rendra le monde soumis au seul bénéfice américain? Ce que Bush a indirectement souligné devant ses pairs russe, chinois et français lorsqu´il insista devant Poutine, Jiang et Chirac sur «la nécessité de rendre le monde plus pacifique». Une pacification mondiale au bout de la gâchette américaine comme le disent bien en pointillé les différents responsables américains.