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Soufiane Djilali, président de Jil Jadid, à L’Expression

«La présidentielle va booster l’activité partisane»

Revenant sur la décision de l’organisation de l’élection présidentielle anticipée, le président de Jil Jadid, Soufiane Djilali expose, dans cet entretien, l’importance de cette décision et son impact sur l’activité politique et partisane, dans le but de faire ressortir les évolutions de la scène politique, avant et après cette échéance.


L’Expression : Quelle lecture, faites-vous de l’annonce de la tenue de l’élection présidentielle anticipée en septembre 2024 ?
Soufiane Djilali: Dans le climat politique apathique du pays, cette annonce va forcément relancer le débat.
Certes, l’anticipation n’était pas attendue, d’autant plus qu’il s’agit de moins de trois mois d’avance sur le calendrier prévu initialement. Il reste que la raison de cette anticipation est peu claire. Il faut dire que l’éditorial de l’APS a rajouté de la confusion quant aux raisons exactes de cette décision. Cependant, au-delà des polémiques, le rendez-vous est maintenant pris.
Cela évite les supputations inutiles. La situation politique et géopolitique est suffisamment complexe et menaçante pour tomber dans des récriminations sans effets. Le plus important, à l’heure actuelle, n’est pas de savoir exactement qui sera candidat mais quel est le projet qui serait à même de proposer des réformes profondes dont le pays a très sérieusement besoin.

Quelles seraient, à votre avis, les répercussions de cette anticipation sur l’activité politique et partisane ?
Il n’y a pas de doute que l’activité politique partisane va être boostée. Il était temps d’ailleurs. Les rendez-vous électoraux remettent de l’ordre dans la vision sur l’importance des partis politiques en tant que rouage essentiel de la démocratie. Pour moi, il était incompréhensible que le pouvoir ait joué la carte de l’anesthésie politique.
Il cherchait la « stabilité totale » au prix d’un « coma politique ». Je ne crois pas que cela soit sain. Déjà que notre société s’est détournée de l’action partisane et militante, l’encourager à déserter le champ politique ne me semble pas, pour le moins, très approprié.
Maintenant, je peux comprendre qu’à la suite de graves remous entre 2019 et 2021, la nécessité d’une pause s’est fait sentir. Cependant, il faut en sortir rapidement. Ces élections offrent une bonne occasion pour que la scène politique reprenne ses droits, espérons que cela ne restera pas un simple feu follet !

Quelle évaluation faites-vous de l’évolution de la scène politique durant ces dernières années ?
Je suis convaincu que l’Algérie a raté les élections législatives du printemps 2021. C’était une chance pour renouveler calmement une bonne partie du personnel politique qui s’était gravement impliqué dans les dérives du Bouteflikisme.
Malheureusement, les conditions politiques n’étaient pas tout à fait réunies. Les séquelles de la manipulation du Hirak étaient encore là, les citoyens avaient alors refusé de se rendre aux urnes.
Le boycott a coûté très cher, l’opposition qui avait fait du nihilisme son credo a tout simplement disparu. Quant aux anciens réseaux, ils ont réussi à imposer de nouveau les mêmes figures, c’est-à-dire celles et ceux qui applaudissaient au 5e mandat ! Ils se sont encore une fois retrouvés dans les premiers rangs. L’image pour le pays a été désastreuse. Les institutions politiques se sont ainsi engluées dans les anciennes pratiques. J’imagine que le pouvoir a alors fermé le jeu pour ne pas avoir à endosser une situation politique qu’il n’avait pas souhaitée. Il a alors vainement tenté de remplacer le politique par le « civil ». En fait, la société civile n’est ni juridiquement ni politiquement habilitée à remplacer les partis politiques.
Le problème est que le bébé démocratique a été jeté avec l’eau du bain nihiliste. Les dégâts sont là. Cela va être difficile de reconstruire une classe politique vertueuse et renouvelée. Ce sera l’un des défis du prochain mandat présidentiel.

Comment voyez-vous l’évolution de l’activité politique et partisane après l’élection présidentielle ?
Elle dépendra lourdement des choix du futur président de la République. Il peut faire perdurer la situation actuelle et alourdira le passif lourd. D’ailleurs, le projet de loi sur les partis politiques est tout simplement létal pour la démocratie. On ne peut pas traiter l’activité politique avec une vision techno-administrative. Si les partis deviennent des annexes au ministère de l’Intérieur, quel serait leur intérêt ? Parfois, je me demande si le pouvoir ne veut pas revenir à une forme de parti unique sous couverture de fausse pluralité.
Par contre, une politique présidentielle dynamique, ouverte, sereine et intelligente pourrait désamorcer les tensions inhérentes à l’étape historique que nous traversons. Rappelons-nous comment des partis tout nouveaux avaient aidé à juguler la dérive des années 90.
Beaucoup de militants l’ont payé de leur vie. Ils avaient accepté de prendre des risques car, en retour, leur liberté et leur dignité de citoyens étaient reconnus. Si vous museler les gens, ils finissent par se retourner contre vous et même, dans des cas extrêmes, contre leur pays. En tout état de cause, il faudra trouver un équilibre.
Le juste milieu, voilà une issue honorable.
Le multipartisme est un outil essentiel de la démocratie. Mais celle-ci ne se limite pas aux partis politiques et surtout elle ne se décrète pas. L’État doit aider à la construire et à la faire mûrir. Malheureusement, mon sentiment est que le multipartisme est accepté à contrecœur ; dans ces conditions, tout est faussé d’emblée. Au lieu d’aider les partis à se construire, le gouvernement joue à les contrôler et à les assujettir.
En conclusion à cette question, par ailleurs très sérieuse, il faut que l’État se décide à prendre en charge la démocratie au lieu de se battre contre elle !

Quels seraient pour vous les principaux obstacles et freins pour la constitution d’un front uni et fort autour d’un projet de société ?
Cela dépend à quel niveau on se place. D’abord, il est naturel qu’il y ait au moins deux ou trois grands projets. Toutes les sociétés du monde sont animées essentiellement par deux courants, l’un conservateur, voire passéiste et l’autre progressiste.
L’expérience a montré que les deux courants sont dans une forme d’impasse. S’accrocher au passé vous donne des sociétés figées et même archaïques. S’émanciper de la tradition ritualiste et verser dans un progressisme dogmatique vous amène à des sociétés diluées.
Un projet de société pour l’Algérie doit impérativement prendre en compte les dimensions identitaires, spirituelles, sécuritaires et économiques à la fois. Chacun de ces quatre piliers est d’ordre civilisationnel. Je viens de finir un essai sur la modernité.
Ce premier tome est consacré à l’étude de la genèse et du destin de la civilisation occidentale. Un deuxième tome viendra un peu plus tard pour faire une proposition sur la construction d’une modernité pour l’Algérie, évidemment différente de l’occidentale.
Je crois qu’il est important de bien comprendre ce qu’est la modernité avant de vouloir la promouvoir. C’est un phénomène très complexe dans lequel l’histoire, la politique, l’anthropologie, la sociologie, la psychologie et même la géographie ou la climatologie ont un rôle. Pour revenir à votre question, il est évident que notre pays a besoin d’une élite éclairée et engagée.
La politique est noble même si elle peut être sujette à manipulation. L’avenir de notre nation est lié à cette problématique.

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